— Non, je ne trahirai pas le serment de mon baptême ! Non, je n’accepterai pas de revenir aux idoles, aux fétiches ! Non, non… je préfère mourir !
À quel moment de l’histoire sommes-nous donc ? À Rome, à l’époque des grandes persécutions, et cette jeune voix qui proclame ainsi sa foi, est-ce celle d’un frère de sainte Agnès, de sainte Blandine ; celle d’un martyr du IIIe ou du IVe siècle ? Nullement, nous sommes en plein XIXe siècle. Il y a environ soixante-cinq ans. Et où donc ? Regardez.
Les jeunes enfants sont noirs, absolument noirs, oui de jeunes nègres de quatorze ou quinze ans. Alignés les uns à côté des autres, une quarantaine, ils sont enfermés dans des cages en bambous ; leur cou est pris dans une fourche et de lourdes pièces de bois leur emprisonnent un pied et un poignet. Devant eux s’agitent des sortes de monstres grotesques et horribles en grand nombre ; le visage enduit d’argile rouge, zébré de traînées de suie, la tête hérissée de plumes, des peaux de bêtes attachées autour des reins, un collier d’ossements battant sur la poitrine et des grelots tintant à leurs chevilles, ce sont des sorciers. Mais leurs gesticulations menaçantes,leurs cris, leurs chants sauvages, pas plus que les préparatifs du grand bûcher qu’on élève non loin de là, rien ne peut faire fléchir le courage de ces jeunes héros du Christ.
Ils mourront tous, sans un moment de faiblesse, sans qu’un seul abandonne la foi et trahisse. Cette histoire des petits martyrs de l’Ouganda est un des plus beaux chapitres de toute la grande histoire de l’Église… Écoutez-la !
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L’immense continent noir, l’Afrique, a été pénétré par le Christianisme surtout depuis un siècle… Et cette pénétration a été l’œuvre d’hommes admirables, les Missionnaires, prêtres et moines d’un dévouement sans trêve, d’un courage à toute épreuve, d’une merveilleuse bonté. Aussi braves quand il s’agit d’aller, en des pays hostiles, parmi des peuples encore sauvages, pour y semer la bonne parole du Christ, l’Évangile, que patients et bons organisateurs quand il s’agit ensuite de vivre au milieu des noirs, pour leur apporter non seulement l’enseignement chrétien, mais toutes sortes de secours, les missionnaires ont été, dans toute l’Afrique, de véritables conquérants pacifiques qui, sans armes, ont gagné à la civilisation des espaces géants. Aujourd’hui, il n’est contrée si lointaine, si perdue, qui n’ait ses Missionnaires. Au Père, les indigènes viennent demander tout : un conseil, un médicament, une protection. Si l’Église a désormais des milliers de fidèles dans le continent noir, c’est aux Missionnaires que ce grand succès est dû.
Parmi ceux qui ont participé le mieux à cette grande tâche se trouvent au premier rang les Pères Blancs. Ils ont été fondés par un homme de génie, le Cardinal Lavigerie, tout exprès pour vivre la même vie que les indigènes, s’habillant comme eux, parlant leur langue, aidés aussi par les Sœurs Blanches qui, vivant de la même façon, s’occupent spécialement des femmes et des enfants. « II y a là-bas cent millions d’êtres humains qui attendent le Christ ; je veux les donner à Lui ! » s’était écrié un jour Lavigerie devant le Pape Pie IX. Et, fidèles à cette promesse, Pères blancs et Sœurs blanches n’ont pas cessé, depuis lors, de travailler à sa réalisation.
Vers 1880, les Pères blancs avaient pénétré dans l’Ouganda. Savez-vous où se trouve, sur la carte d’Afrique, ce pays ? Regardez au sud du Soudan et de l’Éthiopie, c’est-à-dire à l’est du continent. Là s’étend un immense plateau, grand à peu près comme la France, que domine la puissante masse du volcan Elgon. Une magnifique nappe d’eau, le lac Victoria, — si vaste qu’il s’y produit de petites marées,— en occupe le sud, et c’est de ce lac que sort une des deux rivières qui, en s’unissant, vont former le Nil. Ce haut plateau, où le climat est frais, où les pluies sont suffisantes sans être excessives, ne manque pas de richesses : bananiers, épices, café, maïs, sorgho, bœufs et moutons y font vivre à l’aise une population qui se développe. Cette population est formée de nègres ; des nègres intelligents, travailleurs, qu’on appelle « bantous ».
Comme la presque totalité des nègres d’Afrique, les bantous de l’Ouganda étaient