Étiquette : <span>Fidélité</span>

Auteur : Jasinski, Max | Ouvrage : Autres textes .

Temps de lec­ture : 8 minutes

Les de Jean étant morts, il avait été adop­té par les parents de Jeanne. Les deux enfants avaient gran­di ensemble. Avec le temps, l’un était deve­nu un robuste jeune homme, agile et mus­cu­leux, l’autre une svelte jeune fille dont les joues avaient la cou­leur des roses et les yeux la cou­leur du ciel. Les pre­mières vio­lettes du prin­temps, Jean les offrait à Jeanne. Les jours de fête, Jeanne ne dan­sait qu’a­vec Jean. Et les parents regar­daient avec joie les deux ado­les­cents, en qui refleu­ris­sait leur jeu­nesse. Et tout le vil­lage les admi­rait, tant ils étaient beaux. « Bien­tôt, disait-on, les cloches son­ne­ront pour leurs noces. »

Les très riches heures - paysans devant le chateauOr cela se pas­sait il y a bien long­temps, lorsque les rois de France fai­saient la guerre aux Infi­dèles. Un matin, le sei­gneur du pays fut man­dé à Paris. Il en revint pour annon­cer qu’il par­ti­rait dans un mois, avec ses hommes d’armes et quelques pay­sans capables de com­battre à ses côtés. Jean fut natu­rel­le­ment choisi.

Jean fut choi­si, et il fut un peu fier d’être ain­si dis­tin­gué. Pen­dant cinq semaines, il fut exer­cé à manier la hache et le cou­te­las, à faire de longues marches sous le vête­ment de cuir et le casque lourd. Les écuyers du sei­gneur le com­pli­men­taient sur sa force. Le soir, il retour­nait à sa chau­mière et, tout heu­reux, racon­tait ses prouesses de la jour­née. Le père l’é­cou­tait avec mélan­co­lie. La mère sou­pi­rait en filant sa que­nouille. Jeanne, les mains jointes, oubliant sur ses genoux la tâche com­men­cée, le contem­plait comme si elle eût vou­lu s’emplir l’âme de son image. Elle le contem­plait jus­qu’au moment où une buée venait ter­nir ses pru­nelles. Alors elle sor­tait pour pleurer.

La veille du départ, elle s’en fut à sa ren­contre, jus­qu’au pont-levis du châ­teau. Lui, en la voyant de loin, sen­tit sou­dain qu’il l’ai­mait et une angoisse mor­telle ser­ra son cœur. Il lui dit :

— Jeanne, ma mie, je pars demain. Est-ce que vous m’attendrez ?

Elle lui répondit :

— Je vous atten­drai et n’au­rai point d’autre époux que vous.

Alors, tirant de son doigt un simple anneau d’argent, son unique bijou, elle le lui ten­dit avec un triste sourire :

— Por­tez-le en sou­ve­nir de moi.

Auteur : Par un groupe de pères et de mères de familles | Ouvrage : Histoire Sainte illustrée .

Temps de lec­ture : 9 minutes

XX

Colette est seule au logis. Il lui faut encore se rési­gner chaque jour à quelques heures de chaise-longue à l’ombre d’un bos­quet d’o­li­viers. Et par­fois, mal­gré la de son sou­rire, elle a des ins­tants de « cafard » ; il lui semble alors qu’elle ne mar­che­ra plus jamais tout à fait comme avant son accident.

Aujourd’­hui, c’est tout juste si elle ne cède pas un peu au décou­ra­ge­ment, quand, à tra­vers un buis­son, paraît le mince visage de Yamil.

S’ou­blier pour pen­ser aux autres, Colette sait que c’est le remède à tous les maux ; elle dit :

— Est-ce Maria­nick qui t’envoie ?

— Oui, dami­selle. Maria­nick dire : Va, toi moins ter­rible après…

Et le petit Bédouin prend un sou­rire heu­reux, mais dont la malice n’est pas exclue.

Colette rit aus­si, puis, conciliante :

— Alors mets-toi là, sur la natte. Seule­ment que vais-je te raconter ?

Colette se plonge dans un monde de réflexions. Tout à coup elle se décide :

— Je vais te dire deux his­toires , qui sont très belles toutes les deux, et qui font encore par­tie de l’His­toire Sainte.

Yamil reste immo­bile, mais un rayon­ne­ment de bon­heur éclaire le ton bistre de son étrange petite figure.

— Donc, il y a bien, bien long­temps, vivait un homme très bon. Il s’ap­pe­lait . Il était riche, avait une nom­breuse famille, si bien que son bon­heur était complet.

Au milieu de toutes ses joies, Job ser­vait Dieu avec une admi­rable , ce qui met­tait le démon en rage, et le démon osa dire au Bon Dieu : « Job te sert parce que tu as béni l’œuvre de ses mains et que ses trou­peaux couvrent la terre. Mais étends la main, touche à ce qui lui appar­tient, et on ver­ra s’il ne te mau­dit pas .»

Le Bon Dieu connais­sait le cœur de Job ; sans hési­ter, il per­mit au démon de le ten­ter, pour voir s’il res­te­rait fidèle.

Alors, on vint apprendre à Job que ses trou­peaux étaient détruits par un peuple voi­sin, que ses ser­vi­teurs étaient tués.

Le mes­sa­ger de mal­heur par­lait encore, qu’un autre arrive disant : « Le feu du ciel a détruit tes bre­bis et ce qui res­tait de tes serviteurs. »

Job le juste tourmenté par sa femmeUn troi­sième mes­sa­ger accourt ; il annonce qu’un grand vent a secoué les quatre coins de la mai­son ; qu’elle s’est écrou­lée, ense­ve­lis­sant tous les enfants du pauvre Job.

Alors, dans sa dou­leur épou­van­table, que crois-tu, Yamil, que Job ait dit aux messagers ?

— Li dire trop mal­heu­reux, vou­loir mou­rir aus­si, pas pos­sible pour pauvre Job res­ter seul sur terre.

— Non, ce n’est pas ça que Job a dit. Écoute :

« Le Sei­gneur m’a­vait tout don­né, le Sei­gneur m’a tout repris. Que le Sei­gneur soit béni ! »

— Yamil pas com­prendre. Tu dis, damiselle ?

— Que Job, au lieu de se fâcher, de mur­mu­rer ou de se déses­pé­rer, a accep­té, en la bénis­sant, la volon­té du Bon Dieu.

— Ça, trop beau pour Yamil.

— Et pour­tant, mon petit, ce n’est pas tout. Puisque Job res­tait fidèle après la perte de ses enfants et de ses biens, le démon obtint encore de Dieu la per­mis­sion de le ten­ter davantage.

La lèpre enva­hit le corps de Job ; per­sonne ne vou­lait plus s’ap­pro­cher de lui. Ses amis et sa femme lui repro­chaient sa soumission.

Auteur : Dulac, O. | Ouvrage : Et maintenant une histoire I .

Temps de lec­ture : 14 minutes

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Récit de bravoure par un jeune - La ville de Tizi-OuzouNiché au creux de la mon­tagne, Tizi-Ouzou som­meille. C’est l’heure de la sieste.

A l’ex­tré­mi­té de la bour­gade, tout près de la grande forêt, une ferme se dresse, habi­tée depuis plus de cent ans par la famille Ber­theau qui, à force de tra­vail, a réus­si à trans­for­mer la cabane de bran­chages du pre­mier de ses ancêtres en un domaine pros­père. Aus­si cette année, la famille a‑t-elle déci­dé de s’ac­cor­der quelques vacances. M. Ber­theau, sa femme, ses filles et ses trois jeunes gar­çons se sont embar­qués à Phi­lip­pe­ville pour la France où ils comptent res­ter un mois. Jean, le fils aîné, a deman­dé à res­ter pour gar­der le domaine. Éten­du sur une sorte de divan arabe, il som­meille ; mais un bruit sin­gu­lier tout à coup éveille son atten­tion ! Qu’est-ce ? On dirait le galop d’un che­val. Quel impru­dent peut oser voya­ger sous l’im­pla­cable soleil ? Jean court à la fenêtre. Lan­cé à toute allure, un che­val galope là-bas sur la piste. Un bur­nous rouge flotte au vent de la course : un spa­hi. Mais qu’arrive-t-il ?

Lorsque l’a­ni­mal par­vient à la hau­teur de la fenêtre où Jean se tient hale­tant, le cava­lier soli­taire perd l’é­qui­libre et roule à terre. Sa mon­ture s’ar­rête d’elle-même quelques pas plus loin et revient flai­rer son maître éten­du en tra­vers du chemin.

Jean a bon­di ; il se penche sur le sol­dat, le sou­lève, essaie de le rani­mer. Sa veste est rouge de sang. Une balle, entrée par le dos, a tra­ver­sé l’homme de part en part. Le bles­sé entr’ouvre les yeux :

Fidelité à la Mission - exemple pour la jeunesse« Por­ter pli Fort-Flat­ters, ordre du général… »

La fin est inin­tel­li­gible. Aidé d’un arabe, Jean le trans­porte à l’in­té­rieur de l’ha­bi­ta­tion. Est-il mort ? Non, un souffle imper­cep­tible passe encore entre ses dents ser­rées. Ses lèvres s’a­gitent et voi­ci que, sans ouvrir les yeux, il murmure :

  1. [1] Que nous ordonne le hui­tième commandement ?
    Le hui­tième com­man­de­ment nous ordonne de dire quand il le faut la véri­té, et d’interpréter en bien, autant que nous le pou­vons, les actions de notre pro­chain.
Auteur : Falaise, Claude .

Temps de lec­ture : 8 minutes

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Histoire de fidelité et de mariageSuzy regar­da le cadran lumi­neux de son réveil. Elle dis­tin­guait mal l’emplacement exact des aiguilles proches l’une de l’autre.

Quelle heure pou­vait-il bien être ?… Une heure dix ou deux heures cinq ? De toutes façons, minuit était lar­ge­ment pas­sé ; la mai­son désor­mais bien endor­mie, la rue silencieuse.

Suzy se leva, se glis­sa jus­qu’à l’in­ter­rup­teur de la lampe élec­trique ; le cœur bat­tant — parce que tout com­men­çait pour elle en cet ins­tant de la grande aven­ture dans laquelle elle avait choi­si de se lan­cer — elle alluma.

La lumière bien camou­flée par un car­ré de tis­su épais, se répan­dit discrètement.

Suzy n’eut pas à s’ha­biller. Elle s’é­tait cou­chée toute vêtue, sachant que cette pré­cau­tion lui gagne­rait du temps et lui évi­te­rait des pas dangereux.

Elle n’en­fi­la pas ses sou­liers dont les hauts talons fins frap­paient comme deux mar­teaux bavards sur le bois du plancher.

« Si seule­ment j’a­vais pu pré­pa­rer mes bagages, son­gea-t-elle : mais maman n’a fait qu’al­ler et venir par toute la mai­son durant la soi­rée… comme si elle redou­tait quelque chose. »

La jeune fille, à contre-cœur, avait déci­dé de renon­cer à prendre sa valise. L’ob­jet était entre­po­sé dans un pla­card pen­de­rie où cha­cun avait accès. Elle se conten­te­rait de son sac de mon­tagne plus dis­crè­te­ment acces­sible et d’un vaste car­ton qui, depuis long­temps déjà, dor­mait plus ou moins inutile sur la plus haute éta­gère de son armoire.

« J’au­rais dû le des­cendre avant la nuit, regret­ta Suzy, il me faut mon­ter sur une chaise pour l’at­teindre. Pour­vu que je ne fasse rien tomber ».

Elle déci­da de décou­vrir un ins­tant la lampe afin d’as­su­rer une meilleure visi­bi­li­té durant cette démarche acro­ba­tique. Mais à peine le camou­flage reti­ré, elle le remit en place avec pré­ci­pi­ta­tion, un bruit sus­pect lui étant par­ve­nu du cou­loir proche.

Un peu de honte gagnait main­te­nant la jeune fille en même temps qu’une peur irrai­son­née. C’é­tait bien la pre­mière fois de sa vie qu’elle agis­sait chez ses  — chez elle, somme toute — avec des gestes de voleur.

Ce serait la der­nière fois aus­si puis­qu’elle par­tait à jamais ; cette pen­sée pour­tant la ras­su­ra mal.

— Papa ! Maman Quelque chose s’at­ten­dris­sait en son cœur parce que cha­cun ici l’a­vait tou­jours très ten­dre­ment aimée.

Elle repous­sa avec une éner­gie presque déses­pé­rée cette « ten­ta­tion » de aux siens. Le bruit sus­pect s’é­tait pré­ci­sé dans le cou­loir : Suzy avait recon­nu le gri­gno­te­ment fami­lier des souris.

Elle décou­vrit de nou­veau la lampe. Un pâle rayon rose tom­ba sur la pho­to­gra­phie de Daniel, de Daniel qu’elle aimait, de Daniel qu’elle allait rejoindre.

Auteur : Dardennes, Rose | Ouvrage : À l'ombre du clocher - 1. Les sacrements .

Temps de lec­ture : 6 minutes

enfants romains - Pages jouantDans une salle du palais impé­rial, trente petits pages attendent le bon plai­sir de l’empereur. Ils jouent, chantent, bavardent… Lorsque Roc­cius « le grand » arrive avec des allures mys­té­rieuses qui intriguent les autres. Les voi­ci tous autour du nou­veau venu, curieux, frétillants…

Tous ? Non. Alexa­mène est res­té auprès de Félix, immo­bi­li­sé par une entorse. Lui aus­si brûle de savoir ce qui se chu­chote à l’en­trée de la salle. Mais lais­se­ra-t-il seul un com­pa­gnon malade ?… Il lance les dés :

— Huit et deux : je gagne !

— Six par­tout : c’est moi !

— Qu’est-ce qu’ils racontent donc là-bas ?

Là-bas, ils ne racontent plus rien. Avec de grands gestes et des airs impor­tants, Roc­cius a dit la chose qui a déclen­ché des rires étouf­fés. Main­te­nant, toute l’at­ten­tion est concen­trée sur ce qu’il des­sine au mur avec un stylet…

— Nous allons nous amu­ser : vous allez voir…

Et l’on voit.

On voit naître, trait à trait, un des­sin sur le mur : quatre lignes en croix…, puis, sur cette croix, un corps d’homme…, et sur le corps d’homme, une tête