Un soir, dans les dernières années du pontificat de Pie IX, un vieux juif s’approchait furtivement de la porte d’un des nombreux couvents de femmes qui s’élevaient alors dans le dédale d’obscures ruelles s’enchevêtrant entre le Campo dei Fiori, où fut brûlé Giordano Bruno, et la vaste place Navona, aimée du soleil.
C’était la veille de Noël, et dans les innombrables églises et chapelles de Rome on mettait la dernière main aux préparatifs qui précèdent la solennité de la messe de minuit.
Le vieillard cogna à plusieurs reprises avec le poing contre la porte de fer et recula aussitôt comme effrayé de sa hardiesse… Il voulait déjà même se retirer, lorsque la lourde porte roula pesamment sur ses gonds et il pénétra dans un étroit couloir avec une porte en face, hermétiquement fermée, qui conduisait au parloir, et une autre de côté, munie d’un vasistas, ouvrant sur la cour du couvent.
Déjà le regard courroucé de la tourière luisait derrière le treillis du vasistas. Ayant aperçu le vieillard, la religieuse tendit en avant ses deux mains d’un geste qui repoussait et cria :
– Encore vous ?… Allez-vous en, allez-vous en !.. Vous osez venir nous troubler pendant la sainte nuit de Noël ?… Retirez-vous de bonne grâce, Nathan…
– J’ai à parler à la Mère Supérieure… Il faut que je la voie, dit le juif avec insistance… Je suis venu exprès pour cela ce soir… c’est ce soir que je dois la voir… J’ai attendu cette nuit comme la manne du ciel… Elle ne peut pas me renvoyer ce soir. Bonne sœur Lodovica, ayez pitié d’un pauvre vieillard…
Il tomba à genoux et sanglota…
Mais la tourière ferma le vasistas et derrière la porte cria :
– Partez, partez !… Ce soir à plus forte raison la Mère Agnès refusera de vous recevoir… Vous entendez ?… Vous voyez qu’elle est occupée… elle répète le chant avec les sœurs… elle se prépare pour la messe.
En effet, un chœur harmonieux montait de la chapelle. Nathan écouta avidement… Tout à coup ses yeux brillèrent de joie.
Résolument il frappa au vasistas :
– Sœur tourière… je ne partirai pas d’ici sans avoir vu la Mère Supérieure… C’est Don Paolo qui m’a envoyé… Dites à la Mère Supérieure que je lui apporte un message de Don Paolo.


Un soir de noël, un vieux cordonnier se reposa dans son petit magasin en lisant : « La visite des hommes sages à l’Enfant Jésus. » À la lecture des cadeaux que les bergers et les rois mages apportèrent à la crèche, il se dit : « Si demain était le premier Noël, et si Jésus devait être né ce soir dans cette ville, je sais ce que je lui donnerais ! »

PRÈS ses fiançailles, Marie quitta Jérusalem pour préparer à Nazareth la maison qu’elle occuperait avec Joseph, lorsqu’elle serait mariée.


Mais les bêtes qui souffrent ? Mais celles qui meurent lentement de maladies cruelles, — comme les hommes, — en vous regardant de leurs bons yeux ? Mais les chiens dont la tendresse est méconnue, ou ceux qui perdent le maître à qui ils s’étaient donnés, et qui se consument de l’avoir perdu ? Mais les chevaux, dont les journées si longues ne sont qu’un effort haletant, une lassitude saignante sous les coups, et dont le repos même est si morne dans l’obscurité des écuries étroites ? Mais les fauves captifs que l’ennui ronge entre les barreaux des cages ? Mais tous ces pauvres animaux dont la vie n’est qu’une douleur sans espoir et qui n’ont même pas une voix pour faire comprendre ce qu’ils endurent ou pour se soulager en malédictions ? A quoi sert leur souffrance, à ceux-là ? Qu’est-ce qu’ils expient ? Ou quelle compensation peuvent-ils attendre ?…
Ce soir on ne va pas vous dire pourquoi la sainte Vierge était à la crèche ; ça on n’a pas besoin de vous l’apprendre, vous le savez fort bien.
Et on ne va pas vous dire non plus pourquoi saint Joseph était à la crèche ; ça vous le savez bien aussi mais c’est plus difficile à expliquer parce que Jésus n’a qu’un Père : ce Père qui donne la becquée aux oiseaux du ciel et qui tisse une parure royale pour les fleurs des champs. Ce Père à qui il faudra toute l’éternité pour se consoler lorsque les hommes conduiront son Agneau à l’abattoir pour le tuer. Ce Père qui nous console de toute éternité lorsque son Unique livre aux hommes le Pain qui nourrit toute chair.