Saint Jean l’Évangéliste est un des douze Apôtres auxquels Jésus a confié son Église. On l’a appelé « l’Évangéliste », parce qu’il a écrit l’un des quatre Évangiles, livres où nous pouvons lire la vie de Jésus.
Le papa de Jean s’appelait Zébédée ; il était pêcheur et lançait ses filets sur les bords du lac de Tibériade, un lac si grand qu’on l’appelait quelquefois « la mer de Galilée » [1] ; il avait des ouvriers pour l’aider et aussi ses deux fils, Jacques et Jean. Il y avait beaucoup de poissons dans ce lac et on les vendait bien : c’était donc un travail important.
Nous savons qu’une autre famille de pêcheurs y travaillait également ; il s’agissait d’un autre Jean qui avait aussi deux fils : Simon et André. Ces deux familles vivaient en grande amitié et s’entraidaient souvent dans leurs pêches.
Tout petits, ces garçons ont dû jouer souvent ensemble ; Simon aimait beaucoup son petit ami Jean qui était le plus jeune de la bande et celui-ci le lui rendait bien.
Quand ils furent plus grands, ils entendirent parler de Jean-Baptiste qui apprenait à ceux qui venaient l’écouter à devenir meilleurs et à aimer Dieu de tout leur cœur. Il annonçait aussi une belle et grande nouvelle : la venue prochaine du Messie, Sauveur promis dans la Bible et que tous les Juifs attendaient, d’autant plus que leur pays avait été pris et occupé par les Romains et qu’ils espéraient que le Messie les délivrerait.
Jean fait la connaissance de Jésus
Les quatre amis devinrent les disciples de Jean-Baptiste, tout en continuant à travailler avec leur père. Or, un jour, Jean-Baptiste montra à ceux qui l’entouraient un Juif qui s’était joint à eux et il déclara : « Voici l’Agneau de Dieu, celui qui ôte les péchés du monde » ; il voulait faire comprendre que le Messie était celui-là.
Jean et son ami André l’entendirent et suivirent Jésus qui se retourna et leur demanda : « Que voulez-vous ? »
Embarrassés, ils dirent seulement : « Maître, où demeures-tu ? »
— Venez et voyez, répondit Jésus.
Alors tous deux l’accompagnèrent et passèrent avec lui la fin de la journée ; ils en étaient si contents que, tout de suite, André alla dire à son frère Simon : « Nous avons trouvé le Messie. » On peut penser que, de son côté, Jean alla trouver son frère Jacques car, depuis ce moment, tous les quatre suivirent Jésus ; Jean et André furent donc les premiers Apôtres.
Jean est appelé dans l’Évangile : « le disciple que Jésus aimait », sans doute parce qu’il était, plus que les autres disciples très aimant et ardent, peut-être aussi parce que, très jeune encore, il ne voulut dès lors jamais prendre femme afin de réserver son cœur entièrement au Seigneur. C’est lui qui nous a raconté le premier des miracles de Jésus ; c’était à Cana, en Galilée, lors d’un repas de noces.
L’intervention de la Sainte Vierge
Peut-être à cause de la présence des disciples qui ont augmenté de façon imprévue le nombre des convives, le vin fut épuisé avant la fin du repas.
Bonne ménagère, Marie s’en aperçoit, avant même le maître de maison, et elle voudrait épargner à ses hôtes l’embarras qu’ils éprouveront sûrement de ne pas fournir à ses invités ce supplément de joie qu’apporte le vin dans un repas. Tout doucement, elle avertit son Fils :
« Ils n’ont plus de vin ! »
Jean entend cette parole et celle de Jésus qui semble ne pas vouloir s’en occuper :
« Mon heure (le bon moment), répond-il, n’est pas encore venue. »
Mais la Sainte Vierge ne se trouble pas, très sûre que malgré son refus apparent, Jésus va s’occuper de cette affaire. Elle s’adresse donc aux serviteurs et les prévient : « Faites tout ce qu’Il vous dira. »
Il y avait là de grands vases pour mettre de l’eau. Jésus dit aux serviteurs : « Remplissez d’eau ces urnes, jusqu’en haut. »
Ils obéirent, et Jésus ajouta :
« Puisez maintenant, et portez-en à l’intendant du festin (à celui qui était chargé d’organiser la fête).
Celui-ci goûta cette eau changée en vin. Ne sachant d’où il venait, il dit au maître de maison :
« Tout le monde sert d’abord le bon vin ; puis quand les convives ont bien bu et se rendent moins compte de ce qu’ils boivent, on sert le moins bon ; mais vous, vous avez gardé le bon vin jusqu’à la fin du repas. »
Vous voyez que lorsque Jésus fait des cadeaux, il ne les fait pas « à l’économie ». Et nous n’oublierons pas non plus la puissance d’intervention de la Sainte Vierge.
Jean nous précise que ce fut le premier des miracles de Jésus et que c’est à cause de ce miracle que ses disciples crurent en lui. Puis Jésus partit avec eux pour commencer ses prédications en Galilée et sa Mère vint avec eux.
Le choix et l’éducation des apôtres
Jusque là, Jean et son frère Jacques, André et Simon continuaient leur travail ; mais un jour où Jésus était sur les bords du lac, il leur dit : « Venez à ma suite et je vous ferai pêcheurs d’hommes. » Aussitôt, ils laissèrent leurs filets pour aller avec lui. Parmi tous ceux qui le suivaient, Jésus en appela plusieurs et choisit ainsi ses douze Apôtres ; à Simon, il donna le nom de Pierre et, plus tard, lui confia le gouvernement de son Église.
Comme le font les bons parents, Jésus remarquait en chacun de ses Apôtres son caractère particulier et ses défauts. Lorsque l’occasion s’en présentait, il cherchait à les corriger.
Il n’aime pas les âmes molles ; il avait appelé Jacques et Jean « Fils du tonnerre », à cause de leur ardeur et de leur générosité. Mais cette ardeur même peut devenir un défaut si on ne la modère pas. Ainsi un jour, comme ils traversaient la Samarie — province située entre la Galilée et la Judée — Jésus et ses disciples furent mal accueillis dans un village où l’on refusa même de les recevoir. En effet, les Samaritains et les Juifs ne s’aimaient pas. Indignés, Jacques et Jean dirent à Jésus : « Seigneur, veux-tu que nous commandions au feu de descendre du ciel et de les consumer » ?
Mais Jésus les gronda en disant : « Vous ne savez pas de quel esprit vous êtes. » Il voulait dire qu’il était venu sur la terre pour sauver les hommes et non pour les perdre. Et tout simplement il passa par un autre chemin avec ses Apôtres.
Une autre fois encore, Jean s’était indigné et vint le dire à Jésus : « Maître, nous avons vu quelqu’un qui chasse les démons en ton nom et nous l’en avons empêché, parce qu’il n’est pas des nôtres. »
Cependant, ceux qui cherchaient à imiter les disciples de Jésus, pensaient bien faire, et il ne fallait pas les blâmer. Aussi, Jésus répondit-il : « Ne les empêchez pas, car il n’y a personne qui, faisant un miracle en mon nom, puisse aussitôt mal parler de nous. »
Pour préparer ses Apôtres à leur future mission, Jésus s’entretenait avec eux et il leur parlait souvent du Royaume qu’il allait établir ; comme tous les Juifs qui entendaient cette annonce, Jean pensait qu’il s’agissait d’un royaume de la terre, avec un roi sur un trône et des seigneurs tout autour de lui. Ce serait bien agréable, pensait-il, d’être ministre dans ce royaume ! Lui et son frère en parlèrent à leur mère, Salomé, pour qu’elle demande au Seigneur de leur réserver des places.
Salomé commença par se prosterner aux pieds de Jésus qui lui demanda ce qu’elle voulait.
— Ordonne, lui répondit-elle, que dans ton royaume mes deux fils que voici siègent, l’un à ta droite, l’autre à ta gauche. »
Jésus, s’adressant aux deux frères — car il avait bien compris que leur mère parlait de leur part — leur dit : « Vous ne savez pas ce que vous réclamez. Pouvez-vous boire le calice que je vais boire ? »
Le « calice » signifiait une grande épreuve ; là, Jésus parlait des souffrances qu’il subirait et de sa mort sur la Croix.
— Ce calice, nous pouvons le boire, répondirent André et Jean.
Alors Jésus leur dit : « Mon calice, vous le boirez. Mais, de siéger à ma droite ou à ma gauche, il ne m’appartient pas de vous l’accorder : c’est pour ceux à qui mon Père le destine. »
Les autres Apôtres qui avaient tout entendu, s’indignèrent contre les deux frères qui avaient voulu se faire réserver les meilleures places alors qu’ils se trouvaient autant de droits à les avoir. Mais Jésus leur donna à tous une nouvelle leçon : Vous le savez, chez les païens, les chefs font sentir qu’ils sont les plus forts, qu’il faut leur obéir, les servir ; mais pour vous, ce ne sera pas pareil : au contraire, celui qui voudra devenir grand devra être le serviteur des autres et, parlant de lui-même, il ajouta : « à l’exemple du Fils de l’Homme qui n’est pas venu pour se faire servir, mais pour servir et donner sa vie pour la rançon d’une multitude ».
L’amour de Jean pour Jésus
Bien loin de se vexer, Jean écoutait et, depuis ce moment, il n’a plus jamais rien réclamé. De plus en plus, il aimait son Maître et comprenait mieux son immense amour pour tous les hommes. Il sentait bien aussi que, dans cet amour, il y avait une part spéciale pour lui ! Cette prédilection, il s’en servait parfois, avec une simplicité d’enfant : ainsi le soir où Notre-Seigneur célébra avec eux sa dernière Pâque.
Ce fut un repas très solennel — la Cène — et ils le prirent dans une belle salle — le Cénacle. — Les convives étaient étendus autour de la table, sur des divans comme c’était alors la coutume ; Jean s’était placé à côté de Jésus et n’avait qu’un geste à faire pour appuyer sa tête contre sa poitrine, contre son cœur ; il le fit avec toute sa tendresse et nous pouvons penser que Jésus a dû lui révéler les secrets de son amour. Aussi saint Jean s’est-il efforcé de nous les faire comprendre lorsqu’il a écrit son Évangile, ses trois Épîtres et son Apocalypse. C’est ainsi qu’il nous a rapporté l’allégorie si touchante du Bon Pasteur — dans laquelle Jésus explique qu’il est le bon et vrai Berger.
Le bon Pasteur
En Orient, et particulièrement en Palestine, on élevait de nombreux troupeaux, et les bergers s’en occupaient avec beaucoup de soin, non seulement pour les nourrir, mais pour les préserver des voleurs et des loups. Quand ils ne les menaient pas aux champs, ils les gardaient dans des « bercails » ou bergeries.
Jésus s’est comparé à l’un de ces bergers en disant : « Je suis le Bon Pasteur. Je connais mes brebis et mes brebis me connaissent. »
Ses brebis, ce sont ses disciples, et tous ceux qui plus tard croiront aussi en sa parole. Et quels soins va-t-il prendre de cet immense troupeau !
C’est lui qui fait sortir les brebis du bercail, de leur logement. Il les appelle chacune par son nom ; il marche devant elles pour leur montrer le chemin, et elles le suivent, parce qu’elles connaissent sa voix ; elles ne suivent pas la voix d’un étranger.
Quelle différence avec un mercenaire, celui qui est payé pour s’occuper du troupeau et à qui les brebis n’appartiennent pas ! Si un loup vient, il s’enfuit et ne défend pas les brebis, parce qu’il ne les aime pas. Il arrive aussi que des brigands viennent, escaladent les barrières et volent les moutons. Tandis que le Bon Pasteur garde la porte et montre le chemin. Ses brebis, il les aime tellement qu’il donne sa vie pour elles.
Il ajoute encore : « J’ai d’autres brebis qui ne font pas partie de ce bercail. Il faut que je les amène, et il n’y aura plus qu’un troupeau et qu’un pasteur.
Discours après la Cène
Jean transcrit pour nous les dernières paroles que Jésus leur a adressées après avoir institué la sainte Eucharistie et leur avoir fait faire leur première Communion. Il les établit alors ses successeurs, leur donnant le pouvoir de le faire descendre sous les apparences du pain et du vin et de le donner aux chrétiens ; puis il leur donna un commandement nouveau : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés », leur dit-il. Or, nous savons jusqu’où Jésus nous a aimés puisqu’il a voulu souffrir et mourir sur la croix pour nous sauver et nous ouvrir le ciel. Il ne nous laisse pas libres d’observer ou non ce commandement : « C’est à ce signe qu’on reconnaîtra que vous êtes mes disciples, l’amour que vous aurez pour vos frères. » Nous ne pouvons donc pas être de vrais chrétiens si nous sommes méchants, désagréables ou simplement indifférents pour les autres.
Ce même soir, Jésus annonce aux Apôtres qu’il va partir : quel chagrin pour eux ! Mais il fait encore deux promesses :
— Je ne vous laisserai pas orphelins ; je reviendrai.
En effet, par la sainte Eucharistie, Jésus revient dans tous les tabernacles du monde, partout où il y a un prêtre pour l’appeler.
Enfin il promet un autre Consolateur, l’Esprit-Saint, pour qu’il demeure toujours avec nous. Et Jésus ajoute : « Je vais vous préparer une place afin que là où je suis, vous soyez aussi. » Et, pour nous montrer combien la vraie prière est puissante, il leur dit encore : « Ce que vous demanderez à mon Père en mon nom, il vous l’accordera : demandez et vous recevrez, afin que votre joie soit parfaite. »
Quand nous prions au nom de Jésus, nous sommes donc sûrs d’être exaucés ; mais comme Dieu ne veut nous donner que ce qui nous est bon, il ne nous accorde pas toujours ce que nous demandons, mais ce qui est le meilleur pour nous.
Jésus emmena alors ses apôtres à Gethsémani, un jardin où ils allaient souvent : il pria son Père pour eux et pour tous ceux qui « sur leur parole » croiraient en lui — donc pour nous tous chrétiens — demandant qu’ils restent tous unis. Puis, gardant seulement avec lui Pierre, Jacques et Jean, il s’enfonça dans le jardin pour prier.
Jean assista à la trahison de Judas, à l’arrestation de Jésus et, seul parmi les Apôtres, le suivit jusqu’au Calvaire où il se trouva au pied de la Croix avec la Vierge Marie. C’est là qu’avant de mourir, voyant auprès d’elle le disciple qu’il aimait, Jésus dit à Marie : « Femme, voilà ton fils » et à Jean : « Voilà ta Mère ». Dès ce moment, Jean la prit avec lui ; il eut donc la grâce de vivre sans cesse auprès de la Sainte Vierge et d’écouter ses enseignements qui complétaient ceux de Jésus.
Après la Résurrection
Au matin de Pâques, lorsque les Saintes Femmes reçurent — près du tombeau vide l’annonce de la résurrection de Jésus, elles coururent l’apprendre à Pierre et à Jean qui se rendirent au tombeau : Jean y arriva le premier, mais par déférence pour Pierre qui avait été désigné comme le chef de l’Église, il n’y entra qu’à sa suite.
Avec tous les Apôtres, Jean fut témoin des apparitions de Jésus ressuscité ; sur les bords du lac où il pêchait avec Pierre, Jean, le premier, reconnaît de loin Jésus sur la berge ; enfin il assista à l’Ascension du Seigneur.
Après la Pentecôte, il aida Pierre dans ses prédications ; ils furent arrêtés ensemble, condamnés, flagellés ; mais aussitôt libérés, recommencèrent à annoncer le royaume de Dieu, protestant qu’ils « ne pouvaient taire ce qu’ils ont vu » et « qu’il vaut mieux obéir à Dieu qu’aux hommes ».
Ils restèrent quelque temps à Jérusalem où ils accueillirent saint Paul ; celui-ci avait été miraculeusement converti sur le chemin de Damas [2]mais, avant de commencer à prêcher Notre-Seigneur qu’il n’avait pas connu, il tint à venir voir « Pierre, Jacques et Jean, les colonnes de l’Église ».
La fin de la vie de saint Jean
Sur les bords du lac de Génésareth, Jésus avait annoncé à Pierre son martyre ; Pierre, regardant son ami Jean, demanda : « Seigneur, et celui-ci ? » Et Jésus répondit : « Si je veux qu’il demeure jusqu’à ce que je vienne, que t’importe ? »
On crut donc longtemps que le Seigneur avait prédit que Jean ne mourrait pas ; mais le Seigneur avait seulement dit : « Si je veux qu’il demeure jusqu’à ce que je vienne… »
Les détails manquent sur les dernières années de saint Jean ; nous savons qu’à la fin de sa vie, il vint à Ephèse [3] où il eut un disciple célèbre : saint Polycarpe. À son tour, saint Polycarpe forma un grand évêque, saint Irénée qui est venu en Gaule où il a fondé à Lyon notre premier centre chrétien. Nous sommes donc presque directement, en France, les fils de saint Jean l’Évangéliste.
Outre son Évangile, saint Jean nous a laissé trois Épîtres (ou lettres) où il reprend et développe avec insistance le com-mandement d’amour du Sauveur : « Aimez-vous les uns les autres. On sent qu’il était pénétré de cette consigne et voudrait que nous en soyons pénétrés comme lui et que nous nous aimions de tout notre cœur. Également dans son Apocalypse (livre mystérieux où l’avenir est prédit par des figures et symboles) il nous parle de l’intimité que Jésus désire avoir avec les âmes fidèles : « Voici que je suis à la porte et que je frappe, dit le Seigneur. Si quelqu’un entend ma voix et m’ouvre la porte, j’entrerai chez lui. » Pensez‑y chaque jour : il faut que tous, grands et petits, jeunes et vieux, nous tenions la porte de notre cœur ouverte pour que Jésus puisse y entrer et y rester.
Saint Jean vécut très âgé ; on dit qu’à la fin de sa vie, il ne cessait de répéter : « Mes petits enfants, aimez-vous les uns les autres ». Comme on s’en étonnait, il répondait simplement : « C’est le commandement du Seigneur et il suffit. »
Mme Fleury Marduel.
Imprimatur
Verdun, le 17 décembre 1962. L. CHOPPIN
- [1] La Galilée est une partie de la Palestine. ↩
- [2] Vous trouverez la très intéressante vie de saint Paul dans la Collection des « Petites Vies ».
NDLR : Et sur ce site, vous trouverez plusieurs récits évoquant la vie de saint Paul, en particulier le livre : Saint Paul, aventurier de Dieu↩
- [3] On sait que saint Jean écrivit son Évangile dans l’île de Pathmos, en face d’Éphèse, c’est à Pathmos qu’il fut enterré.↩
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