Il était une fois un vieux berger qui aimait la nuit, son silence, son ciel parsemé d’étoiles. Ces étoiles, il les connaissait par leur nom. En les regardant, il disait souvent à son petit fils :
— Il va venir.
— Quand viendra-t-il ? demandait l’enfant.
— Bientôt !
Les autres bergers riaient.
— Bientôt !… Tu répètes cela depuis des années ! » Mais le vieux berger ne les écoutait pas.
Une seule chose l’inquiétait, son petit-fils aussi commençait à douter. Et quand lui ne serait plus là, qui donc redirait aux plus jeunes ce que les prophètes avaient annoncé depuis toujours ? Ah ! S’il pouvait venir bientôt ! Son cœur était tout rempli de cette attente.
* * *
— Portera-t-il une couronne en or ? demanda soudain le petit-fils ?
— Oui ! Certainement.
— Et une épée d’argent ?
— Pour sûr !
— Et un manteau de pourpre ?
— Peut-être.
Et le petit-fils semblait heureux.
Assis sur un rocher, le garçon jouait de la flûte. Le vieux berger écoutait attentivement la mélodie simple et pure : l’enfant s’exerçait jour après jour, matin et soir pour être prêt quand le roi viendrait.
Parmi les fêtes chrétiennes, Noël avait toutes les préférences de saint François [d’Assise] (il n’est pas le seul) ! Ce jour, qui nous a donné le Sauveur, ne pouvait à ses yeux apporter assez de joie aux créatures, même à leur corps, ce « Frère Âne » qu’il traitait si mal d’ordinaire. Une année que Noël tombait un vendredi, les frères délibéraient pour savoir si l’on ferait maigre ce jour-là. François proteste : « Ne parlez pas de vendredi ni de maigre [1] un jour pareil, le jour où l’Enfant-Dieu est né. Je voudrais qu’en ce jour les murs mêmes puissent manger de la viande, ou du moins qu’on les frotte de graisse puisqu’ils ne peuvent manger ».
Il demandait aux riches de régaler les pauvres en l’honneur de la fête et de donner aux bœufs et aux ânes, compagnons de Jésus dans l’étable, double ration d’avoine et de foin. — « Si je connaissais l’Empereur, disait-il encore, je le supplierais de faire une loi ordonnant de semer du grain sur les routes pour le régal des petits oiseaux, et surtout de nos sœurs les Alouettes. » Ces alouettes, qui montent si haut dans le ciel en chantant, devaient lui rappeler les anges de Bethléem.
Bref, notre saint aimait tant Noël que, trois ans avant sa mort, lui vint à ce sujet une belle idée. Il fait appeler Messire Jean, noble riche, instruit et chrétien plus fervent encore. — « Rends-toi à Greccio si tu le veux bien, lui dit-il ; nous y célébrerons la prochaine fête du Seigneur. Pars dès maintenant et occupe-toi des préparatifs que je vais t’indiquer… »
Ici, nous ne trahirons pas le secret que, longuement, François confie à l’oreille de Jean. Celui-ci accepte aussitôt et se met en route.
La grande Nuit arrive. On a convoqué les Frères de plusieurs couvents des environs et le peuple se presse, nombreux, avec des torches et des cierges. Tous sont fort intrigués : il y aura une surprise, paraît-il. Le lieu, déjà, étonne. Une messe de minuit en plein bois, dans une grotte, une cabane ? Un frère rassure les scrupuleux : la permission de dresser cet « autel portatif » — comme nous dirions — a été obtenue de Rome. Elle était alors très rarement donnée, mais le Pape vénérait beaucoup Frère François.
[1] Faire maigre est se priver de viande, par pénitence, le vendredi et certains jours de l’Avent et du Cueille ou les veilles de grandes fêtes. L’Église a adouci ce commandement, mais beaucoup de fidèles continuent à l’observer ; c’est tout de même une bien petite privation !↩
Aussi loin que se reportent dans le passé mes souvenirs, je revois la vieille marquise de Flavigny, souriante et sereine, habituellement assise dans une antique bergère garnie de velours couleur de pêche, sur lequel se détachaient ses cheveux gris et ses grands bonnets de dentelle ornés de nœuds tremblants.
Près d’elle se tenait, presque sans cesse, sur une chaise basse, une femme du même âge, souriante aussi, le visage calme et apaisé. On appelait celle-ci « mademoiselle Odile ». Ce n’était pas une servante ; une grande familiarité semblait unir les deux vieilles dames qui, tout en tricotant des jupons de laine bleue à grosses mailles qu’elles distribuaient aux pauvres, le jeudi matin, avec une miche de pain et cinq pièces de deux liards, échangeaient à voix basse, d’un air de camaraderie, presque de complicité, d’interminables confidences. À certains jours, jours de grands rangements, quand le tricot chômait, les deux amies entreprenaient la visite de leurs armoires, immenses bahuts de chêne verni à longues pommelles de cuivre, avec des entrées de serrures, étroites et hautes, découpées en arabesques ; elles ouvraient des boîtes, enrubannaient le linge, étendaient sur les rayons de beaux napperons brodés, époussetaient, frottaient toute la journée. Nous étions là une bande d’enfants admis à ce spectacle salutaire, à condition de ne toucher à rien.
Au fond d’une de ces mystérieuses armoires, comme en un sanctuaire, reposait, debout dans une boîte de verre, un objet pour lequel les deux dames semblaient avoir une sorte de vénération. C’était une grande poupée vêtue, à l’ancienne mode, d’une robe de soie élimée ; les années l’avaient faite presque chauve ; son nez était cassé, ses mains et son visage étaient écaillés et dévernis, et je me rappelle qu’elle n’avait plus qu’un soulier, un vieux soulier de maroquin tout craquelé, avec une boucle d’argent noirci et un haut talon qui avait été rouge.
Quand elles en arrivaient à cet imposant bibelot, la marquise et Mlle Odile le déplaçaient avec des ménagements d’enfant de chœur maniant un reliquaire : elles en parlaient à voix craintive, en phrases courtes :
« ELLE a encore perdu des cheveux… Son jupon est maintenant tout usé… Voilà un doigt qui tombera bientôt. »
On soulevait avec mille précautions le couvercle de verre, on rajeunissait le poivre, on défripait la jupe à petits coups d’ongle très prudents. Puis on remettait la poupée en place, debout sur le plus beau rayon, comme sur un autel.
« Tient-elle bien, ma mie ? » demandait la marquise. C’est ainsi qu’elle désignait Mlle Odile. Celle-ci, familièrement, l’appelait « madame Solange », sans jamais lui donner son titre, parlant avec une sorte d’accent lointain d’Alsace, sans rudesse pourtant, et si discret qu’on l’eût dit estompé par le temps.
Nous n’en savions pas davantage sur l’histoire des deux vieilles dames et de leur poupée quand, un soir — c’était la veille de Noël d’une année qui est déjà bien loin — nous fûmes, d’un coup, initiés à tout le mystère. Ce jour-là, Odile et la marquise avaient bavardé avec plus d’animation encore qu’à l’ordinaire. Vers le soir, toutes deux s’étaient recueillies et avaient fait silence : les mains jointes, elles se regardaient d’un air attendri et l’on devinait qu’un commun souvenir leur remplissait l’âme.
Quand la nuit fut tout à fait tombée, Odile alluma les bougies ; puis, sortant de dessous son tablier un trousseau de clefs, elle ouvrit l’armoire à la poupée. On tira la poupée de sa boîte ; dans ses falbalas ternis, avec sa tête sans cheveux, elle paraissait bien plus vieille que les deux dames qui se la passaient, de main en main, avec des mouvements soigneux, presque tendres. La marquise la prit sur ses genoux, ramena doucement le long du corps les bras de plâtre, dont les jointures firent entendre un vieux petit grincement semblable à une plainte, et elle se mit à contempler la « dame » avec un sourire d’affection.
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1570… Une situation de crise
Les pays d’Europe, principalement à cause des suites de la révolte de Luther et des débuts du protestantisme, se disputent et se jalousent. Les « Ottomans », c’est à dire les Turcs (musulmans), en profitent pour devenir de plus en plus agressifs. Ils prennent ville après ville et port après port. Cela devient très inquiétant.
Seul le pape de ce temps-là, le pape saint Pie V, voit vraiment le danger. Il sonne l’alarme : tout l’Occident risque d’être envahi par l’Islam, ennemi de la Croix et des chrétiens.
Septembre 1570… L’île de Chypre presque conquise
Le sultan Sélim écrase la ville de Nicosie, capitale de Chypre et assiège Famagouste, l’autre grande ville de l’île.
Pendant ce temps là, les amiraux de la flotte chrétienne se disputent… et certains font marche arrière. Ils n’ont pas du tout le moral… et ont peur de la puissance meurtrière des Ottomans…
S’unir et s’organiser
Le pape réagit. Avec beaucoup de courage et d’énergie, il multiplie les démarches auprès des gouvernants. D’abord pour que, en tant que princes chrétiens, ils se décident à faire face.
Seules l’Espagne et la République de Venise répondront à l’appel du pape.
Ensuite, il faut que ces deux pays acceptent de se ranger sous une autorité unique, sinon ce serait la pagaille dans les combats : finalement, avec l’accord de tous, le pape nomme le fils de Charles-Quint, Don Juan, seul et unique général des armées de terre et de mer.
Décembre 1570… « Au nom du Christ, vous vaincrez »
La guerre est déclarée aux Turcs pour leur reprendre « toutes les places qu’ils ont usurpées aux chrétiens ». Don Juan se voit remettre un magnifique étendard pour l’armée confédérée :
d’un côté, Notre-Seigneur en croix ;
de l’autre, les armes de l’Église entre les armes du roi d’Espagne et celles de Venise.
« Allez, lui dit le pape, allez, au nom du Christ, combattre son ennemi, vous vaincrez ».
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Parmi les missionnaires français qui se rendirent au Canada (Nouvelle France), se trouvent les Pères Jésuites Isaac Jogues (1607 – 1646), René Goupil (1608 – 1642) et Jean de la Lande (1620 – 1646), tous trois, prêtres, massacrés par les Iroquois pour avoir converti ces indiens sauvages à la foi catholique. Ils feront partie des huit prêtres canonisés en 1930 par Pie XI. On dit que le sang des martyrs devient une semence de chrétiens. On verra que cela fut vrai aussi en terre américaine.
Dix ans plus tard, un lys de pureté appartenant à la nation iroquoise, Kateri, devenue la « Protectrice du Canada », naissait à Ossernenon (aujourd’hui Auriesville) dans l’état de New York en 1656. Son père est un Mohawk (Iroquois païen), chef de son Clan. Sa mère (Kahenta, Fleur de la Prairie), est une Algonquine, baptisée et élevée par des Français à Trois-Rivières. Prise par une attaque d’Agniers, elle deviendra la femme du chef (Kenhonwonkha, du Clan des Tortues). Elle transmettra à ses deux enfants, Kateri et son petit frère, l’exemple d’une mère chrétienne. Kateri verra sa maman prier tous les jours, suivre les préceptes d’une vie chrétienne et certainement, ces premières années seront très importantes pour la vie future de Kateri.
À l’âge de quatre ans, Kateri perd sa famille (ses parents et son frère) à cause d’une épidémie de petite vérole. Elle échappe à la mort, mais gardera le visage avec des tâches de rougeur violette . C’est un oncle (Grand-Loup) et une tante qui la recueillent et vont habiter à Kahnawaké. Kateri fut bien soignée. À ce moment, on lui donna le nom de « Tekakwita » qui signifie en iroquois, celle qui avance en hésitant.