VI. La Pâque

Auteur : Roguet, A.-M., O.P. | Ouvrage : Jacques et Françoise découvrent la messe .

Temps de lec­ture : 11 minutes

Fran­çoise — Mon Père, vous avez dit l’autre jour quelque chose qui m’a beau­coup tra­cas­sée… « La messe ne peut pas se sépa­rer de toute la Bible. » Mais la messe a été inven­tée par Jésus-Christ. Il n’y avait rien de pareil dans l’An­cien Testament.

Le Père — Mais si. Et voi­là jus­te­ment de quoi occu­per notre der­nier entre­tien, en vous fai­sant décou­vrir encore un aspect très impor­tant de la messe.

Jésus dans l’Ancien Testament 

Jésus-Christ est le Fils de Dieu, bien sûr. Et quand il est venu sur terre ce fut une grande mer­veille, une grande nou­veau­té. Mais avant lui, dans l’his­toire du peuple juif, il y avait eu des sau­veurs, des libé­ra­teurs, des guides du peuple dont la « figure » était comme une esquisse, une ébauche de la grande figure de Jésus-Christ.

Fran­çoise — Par exemple ?

Le Père — Par exemple Abel, le juste, mis à mort par son frère. Abra­ham, et son fils Isaac dont le sacri­fice, auquel il échappe fina­le­ment, « pré­fi­gure » le sacri­fice et la résur­rec­tion de Jésus. David, le roi pieux et misé­ri­cor­dieux, son ancêtre. Mais celui qui est peut-être la plus grande figure de Jésus-Christ, c’est Moïse. Pourquoi ?

Fran­çoise — Parce qu’il a don­né la loi sur la montagne.

Jacques — Mais sur­tout parce qu’il a sau­vé le peuple juif de l’es­cla­vage des Égyptiens.

La Pâque des Juifs

Le Père — Très bien. Et cette grande libé­ra­tion s’ap­pelle comment ?

La bible pour les enfants : La Pâque juive - Sacrifice de l'agneau pascal

Fran­çoise — La Pâque, ce qui veut dire pas­sage. Dieu est pas­sé dans la nuit. Il a frap­pé à mort les pre­miers-nés des Égyp­tiens. Mais il a épar­gné les Juifs, parce que leurs mai­sons étaient mar­quées par le sang de l’a­gneau pas­cal. Alors les Juifs, qui avaient man­gé l’a­gneau pas­cal, en ont pro­fi­té pour se sau­ver. Ils ont tra­ver­sé la mer Rouge à pied sec et ils sont allés vers la Terre promise.

Coloriage pour le caté - La PentecôteLe Père — Bra­vo ! Tu sais très bien l’his­toire sainte. Et cette Pâque, elle n’a eu lieu qu’une fois ?

Fran­çoise — Oh non ! Tous les ans les Juifs devaient rap­pe­ler le sou­ve­nir de la Pâque. Ils immo­laient et ils man­geaient l’a­gneau pas­cal pour rendre grâces à Dieu d’a­voir été sauvés.

Le Père — Quand est-ce que Jésus a fait la Cène avec ses disciples ?

La Pâque de Jésus

Fran­çoise — Au moment de la Pâque.

Le Père — La messe qui refait la Cène est donc une Pâque. Et quand est-ce qu’il est mort ?

Jacques — Au moment de la Pâque.

Le Père — Sa mort sur la croix est donc aus­si une Pâque. C’est lui le véri­table Agneau Pascal.

Fran­çoise — Ah ! C’est pour ça que le prêtre avant de com­mu­nier se frappe la poi­trine en disant : « Agneau de Dieu… »

Le Père — Oui, et c’est pour cela aus­si qu’il pré­sente l’hos­tie aux fidèles en leur disant : « Voi­ci l’A­gneau de Dieu qui enlève les péchés du monde. » Et quand est-ce que Jésus-Christ est ressuscité ?

Jacques — Le jour de Pâques, dame !

Le Père — Il est appa­ru le soir même à ses dis­ciples. Et il est appa­ru une seconde fois, juste huit jours après. C’é­tait le len­de­main du sab­bat, « le pre­mier jour », qu’on a appe­lé ensuite Domi­ni­ca dies, le jour du Sei­gneur, dont nous avons tiré le nom du « dimanche ».

Jacques — Qu’est-ce que tout cela nous apprend sur la messe ?

Le Père — Tu ne le vois pas ? La Pâque était un sacri­fice : on immo­lait l’a­gneau pas­cal. La Pâque était un repas : on man­geait l’a­gneau pas­cal avec des pains sans levain — les pains des voya­geurs trop pres­sés pour attendre que la pâte ait levé. La Pâque était un mémo­rial : on la célé­brait pour rap­pe­ler les mer­veilles que Dieu avait faites pour son peuple.

Fran­çoise — Et la messe aus­si c’est un sacri­fice, un repas et un mémorial.

Le Père — Elle est encore autre chose, dont nous n’a­vons pas encore par­lé, et que la Pâque nous révèle. Elle est une eucha­ris­tie.

Jacques — Bien sûr, mais je ne vois pas…

L’eucharistie

Le Père — Quand le père de famille célé­brait le repas pas­cal, il com­men­çait par une action de grâce : une grande prière de louange pour com­mé­mo­rer — nous l’a­vons dit — les mer­veilles de Dieu, mais sur­tout pour l’en remer­cier, lui en rendre grâce. Et rendre grâce, cela se disait en grec — la langue dans laquelle a été rédi­gé l’É­van­gile — eucha­ri­stein. Jésus, en pre­nant le pain à la Cène, a ren­du grâce, a « eucha­ris­tié ». Et le prêtre en fait autant aujourd’­hui. A quel moment ?

La messe racontée aux enfants - Adoration de l'Agneau de Dieu

Jacques — Au Glo­ria in excel­sis Deo, où l’on dit : « Nous vous ren­dons grâce pour votre grande gloire. »

Le Père — C’est juste, mais enfin il y a beau­coup de messes — en semaine pen­dant l’an­née, et même le dimanche en Avent et en Carême — où l’on ne dit pas le Glo­ria. Tan­dis que la grande action de grâce à laquelle je pense se dit à toutes les messes sans exception.

Fran­çoise — Ah ! oui. « Ren­dons grâce au Sei­gneur notre Dieu. »

Jacques — Ça se chante avant la Préface.

Le Père — Et le prêtre reprend : « Oui, c’est notre devoir et c’est notre salut de vous rendre grâce par­tout et tou­jours, Sei­gneur, Père Saint… »

La Préface

Fran­çoise — La pré­face, dans un livre, c’est ce qu’on ne lit jamais.

Le Père — Mais la Pré­face de la messe, c’est au contraire quelque chose de très impor­tant. Vous remar­que­rez que la Pré­face, en même temps qu’une action de grâce, est aus­si un mémo­rial. Les dif­fé­rentes pré­faces de l’an­née nous rap­pellent tout le dérou­le­ment de notre salut, toutes les mer­veilles de Dieu : l’at­tente de l’Avent, l’in­car­na­tion à Noël, la mani­fes­ta­tion de l’É­pi­pha­nie, le salut par la Croix, la Pâque dont notre Agneau est le Christ.

Fran­çoise — Le Cre­do aus­si réca­pi­tule toute l’his­toire du salut.

Le Père — Oui, et le Cre­do à la messe est une pro­fes­sion de foi — qui rap­pelle aus­si le bap­tême, le sacre­ment du salut pour cha­cun de nous —; mais le Cre­do est lui aus­si une sorte d’ac­tion de grâce. Si la messe est un sacri­fice, ce n’est donc pas un acte lugubre, funé­raire. C’est un sacri­fice joyeux et solen­nel. Je vous ai répé­té bien sou­vent que la messe est une fête : c’est parce que Pâques est la fête des fêtes.

Le Sanctus

Jacques — Après la Pré­face, il y a le Sanc­tus. Pour­quoi ?

Le Père — Le Sanc­tus est le chant des anges au ciel (le pro­phète Isaïe dans une vision a enten­du les ché­ru­bins qui le chan­taient devant la face de Dieu).

Nous ne sommes que de pauvres hommes misé­rables, et nous implo­rons la pitié de Dieu. Que de fois dans la messe on demande par­don, on crie au secours : Kyrie elei­son — Mise­rere nobis. Mais nous ne devons pas nous conten­ter de cette prière de men­diants, d’es­claves. Le bap­tême a fait de nous des fils de Dieu. Nous sommes déjà sau­vés par Jésus-Christ. A la messe, celui qui vient sur l’au­tel, c’est le Christ immo­lé, mais res­sus­ci­té, glo­rieux, tel qu’il est au ciel. Alors, par l’ac­tion de grâce, par l’eu­cha­ris­tie, nous chan­tons la gloire de Dieu avec les anges et nous sommes déjà au ciel. Sais-tu, Jacques, pour­quoi tu dois agi­ter la clo­chette au Sanc­tus ?

Jacques — Pour aver­tir que ce sera bien­tôt l’élévation ?

Le Père — Sur­tout pour évo­quer le chant des anges avec la clo­chette, qui est un dimi­nu­tif de la grosse cloche du clo­cher qui chante dans le ciel.

Jacques — Oh ! alors je son­ne­rai encore plus fort.

Le Père — Je t’en prie, n’exa­gère pas. Nous ne sommes pas encore au ciel. Mais nous nous en appro­chons tous les jours, de messe en messe. En cela aus­si la messe est une Pâque, puisque la Pâque c’é­tait aus­si le pas­sage du peuple juif à tra­vers le désert, vers la Terre pro­mise qui repré­sente le ciel. Dans cette marche à tra­vers le désert, qu’est-ce qui sou­te­nait le peuple juif ?

Fran­çoise — Je sais ! La manne qui tom­bait du ciel tous les jours.

Récit biblique pour les jeunes - Le peuple juif ramasse la manne dans le désert

La prière du peuple de Dieu 

Le Père — C’est le « pain quo­ti­dien » que nous deman­dons à notre Père des cieux, dans le Pater, et que nous rece­vons à la com­mu­nion. La manne était encore une « figure » de l’Eu­cha­ris­tie. Jésus lui-même l’a dit : « Je suis le pain vivant des­cen­du du ciel. » Vous voyez com­ment la messe s’é­claire par la connais­sance de l’An­cien Tes­ta­ment. Et c’est pour cela qu’à la messe on chante les psaumes — à l’in­troït, au gra­duel et à l’al­lé­luia, à l’of­fer­toire et à la com­mu­nion — : les psaumes étaient les chants d’ac­tion de grâce du peuple juif pour toutes les mer­veilles de Dieu dont la prin­ci­pale était la Pâque.

Jacques — Alors, quand nous chan­tons la messe, nous conti­nuons le peuple juif ?

Le Père — Bien sûr. Il n’y a qu’un peuple de Dieu, avant et après Jésus-Christ. Et la messe c’est le sacri­fice du peuple de Dieu en marche. Aus­si toutes les prières qui entourent la consé­cra­tion — le Canon dont nous avons déjà par­lé — sont les prières du peuple de Dieu pour le peuple de Dieu, la prière de toute l’É­glise pour toute l’Église.

Fran­çoise — C’est vrai : on prie pour le Pape, pour l’Évêque.

Le Père — On prie en union avec les saints du ciel — au Com­mu­ni­cantes, au Nobis quo que pec­ca­to­ri­bus. Nous prions pour tous nos frères au Memen­to des vivants, et pour ceux qui sont par­tis avant nous, et qui ne sont pas encore arri­vés à la Terre pro­mise, au Memen­to des morts.

La messe semble, aux incroyants ou aux gens dis­traits, une répé­ti­tion machi­nale de gestes mono­tones et de paroles incom­pré­hen­sibles. En réa­li­té, toute la messe est une grande marche en avant de tout le peuple de Dieu, que Jésus-Christ ras­semble, comme un ber­ger ras­semble son trou­peau, pour le conduire à son Père, dans une immense Pâque qui ne s’a­chè­ve­ra qu’au ciel.

Jacques — Et Ite mis­sa est ?

Le Père — Quoi, Ite mis­sa est ?

Jacques — Oui, qu’est-ce que ça veut dire ?

Le Père — Ça veut dire que c’est fini, qu’on peut s’en aller. Mis­sa était un vieux mot latin qui dési­gnait la fin d’une réunion.

Fran­çoise — Alors Ite mis­sa est veut dire : c’est fini ?

Le Père — Oui, mais ce n’est jamais fini. On n’a jamais fini de remer­cier Dieu, de mar­cher vers lui, tous ensemble. Et c’est pour­quoi à l’Ite mis­sa est on ne répond pas : Hélas. Car la fête recom­men­ce­ra bien­tôt. On répond : Deo gra­tias. Nous ren­dons grâce à Dieu. Alors, Fran­çoise et Jacques… Ite mis­sa est !

Fran­çoise et Jacques — Deo gra­tias !

Ichtus

IMPRIMI POTEST
Paris, 15 janvier 1964
J. KOPF, prov.

NIHIL OBSTAT
A. FAUX,
can., libr. cens.

IMPRIMATUR
Tornaci, die 18 martii 1964
J. THOMAS, vic. gen.

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