(Conte pour le temps de Noël)
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Dans une des plus anciennes rues de Bruges-la-Morte, vivait depuis plus d’un demi-siècle Martha la Modeleuse.
On eût dit qu’elle avait l’âge de son logis, tant elle avait l’air vieille. On ne l’entendait jamais rire ni même se parler à elle-même tout haut, comme les gens qui vivent seuls en ont l’habitude. Mais on la voyait toujours penchée sur son modeste établi, façonnant de ses mains restées souples de charmants bibelots de cire.
La chambre où l’ouvrière travaillait était bien humble, bien étroite, presque pauvre. Cependant, toute la lumière du jour semblait s’y répandre. Dès qu’il faisait beau, des clartés multicolores ruisselaient dans la pièce, grâce à la vaste ogive, fermée seulement les jours de mauvais temps par un très curieux vitrail.
Sur une petite étagère accrochée au mur, étaient rangés tous les bibelots au fur et à mesure qu’ils étaient achevés.
Auprès des saints Michel domptant de formidables dragons, se dressaient de minces figurines drapées de mousseline et de tulle.
Elles servaient à décorer les gâteaux et les pièces montées servis aux repas de première Communion, ainsi qu’aux dîners de noces du pays, et représentaient, tantôt des communiantes, tantôt de frêles petites mariées.
Il y avait aussi sur l’étagère des chemins de croix minuscules et naïfs, qui servaient à garnir les reposoirs des jours de Fête-Dieu.
Enfin, quelques poupées de cire soutenues par un pied de bois se tenaient souriantes et droites en attendant les acheteurs.

Martha la Modeleuse n’était sans doute qu’une simple ouvrière, sans prétention et sans culture. Mais ses bibelots avaient un cachet primitif et sincère qui révélait vraiment un sentiment naturel, inné, d’artiste.
On sentait que cette femme avait beaucoup souffert, car elle réussissait davantage les figures touchantes des saintes douloureuses, et donnait au visage de ses Vierges toujours le même air éploré. Un prélat qui était venu pour admirer son travail et lui faire une commande pour une nouvelle chapelle qu’il venait d’inaugurer, lui en avait fait doucement l’observation :
— Même au point de vue de la réalité, votre petite statue de Marie tenant Jésus n’est pas tout à fait réelle. Vous ne l’avez pas fait sourire à son Fils.
Marthe avait répondu ces mots :
— Monseigneur, toutes les mères ont dans le cœur une angoisse profonde en tenant leur enfant. Elles ne peuvent pas faire autre chose que de pleurer.……










