Série : <span>Petite Histoire de l'Église illustrée</span>

Ouvrage : Petite Histoire de l'Église illustrée | Auteur : Par un groupe de pères et de mères de familles

∼∼ VI ∼∼

Joie du revoir, récits inter­mi­nables et fatigue com­bi­nés plongent la jeu­nesse dans un, som­meil invin­cible. Vers 9 heures du matin, Jean, qui couche dans la chambre de Ber­nard, éprouve la sen­sa­tion de secousses extra­or­di­naires, rêve que c’est la tem­pête, que le bateau sombre, et se réveille en sur­saut, pour se trou­ver à moi­tié hors de son lit, en face de son cou­sin qui, les bras croi­sés, le contemple en riant :

— Hé bien, mon vieux Jean ! Voi­là cinq minutes que je te secoue comme un pru­nier, tu geins, tu fais des gestes, mais tu dors toujours.

— Où diable suis-je ? Pas sur mer pourtant !

— Mais non, mon bon. Tu es à Rome, dans ma chambre, ne t’en déplaise, et je vou­drais bien que tu consentes à déjeuner.

La pro­po­si­tion est accueillie d’enthousiasme.

Moins d’un quart d’heure plus tard, un petit coup dis­cret se fait entendre à la porte.

Deux for­mi­dables « Entrez ! » répondent. La porte s’en­tr’ouvre. Un petit bout de nez et des che­veux blonds s’y encadrent et Colette lance à la volée :

— Quand ces mes­sieurs seront tout à fait réveillés, ils vou­dront bien des­cendre. Tout le monde les attend.

Histoire de l'Église raconté aux jeunes
Deux for­mi­dables « Entrez ! » répondent.

La tête dis­pa­raît, la porte se referme, on entend de petits pas cou­rir dans le corridor…

— La mâtine ! dit Ber­nard. C’est pire qu’un feu fol­let. Allez donc attra­per ça ! Des­cen­dons, mais, pour sau­ver ma répu­ta­tion, tu avoue­ras à la famille que, sans mon éner­gie, tu dor­mi­rais encore.

Au salon, les gais bon­jours échan­gés, la jeu­nesse aper­çoit une table cou­verte de livres, cartes, plans, etc. Ber­nard questionne :

— Qu’est-ce que c’est que tout ça ?

Yvon, pen­ché sur la table, répond :

— Tout ça, c’est ce que nous avons pré­pa­ré ce matin, mon oncle et moi, pour faci­li­ter votre séjour ici. Expli­quez, mon oncle.

— Eh bien, voilà.

Il faut d’a­bord bien réa­li­ser, mes enfants, que Rome est le centre de la Chré­tien­té. Il s’a­git de pro­fi­ter de notre séjour ici pour regar­der se dérou­ler devant nous, comme dans un beau film, toutes les époques de l’His­toire de l’É­glise. Ce n’est pas en quelques jours évi­dem­ment que nous pour­rons tout étu­dier. Il y fau­drait des mois. Réflé­chis­sez. Une tra­ver­sée de dix jours vous a per­mis de revivre, en quelque sorte sur place, les Actes des Apôtres et donc l’his­toire de la fon­da­tion de l’É­glise. Il nous reste, pour ter­mi­ner cette pre­mière époque, à étu­dier les mar­tyres de saint Pierre et de saint Paul et les per­sé­cu­tions. Ce sera le pro­gramme d’aujourd’hui.

Allez cher­cher vos cha­peaux, et en route !

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∼∼ VII ∼∼

Grande émo­tion, ce matin. On va assis­ter à la Messe aux Cata­combes. Che­min fai­sant, Colette cause avec sa mère.

— Com­ment est-ce construit, maman, ce monu­ment des Catacombes ?

— Il ne s’a­git pas de monu­ments, ma ché­rie, mais bien de cime­tières creu­sés en gale­ries sou­ter­raines, hors de la ville, et où un grand nombre de chré­tiens, de mar­tyrs sur­tout, eurent leurs sépul­tures ; au plus fort des per­sé­cu­tions, les chré­tiens y trou­vèrent aus­si un refuge pour le culte.

— Encore des sou­ter­rains ! mur­mure Colette, qui déci­dé­ment ne prend pas son par­ti de ces visites en profondeur.

De fait, il faut des­cendre dans le tuf et péné­trer dans de sombres galeries.

Yvon presse le mou­ve­ment : Nous visi­te­rons l’en­semble plus tard. Avant tout, entrons dans la crypte des Papes. La Messe va commencer.

Oh ! cette Messe ! nul ne l’ou­blie­ra. Autour de l’au­tel de pierre, un groupe d’a­do­les­cents, vêtus de chla­mydes blanches, forment cou­ronne et répondent au prêtre tous ensemble. Les lumières se jouent sur leur blan­cheur et la rendent comme imma­té­rielle, se déta­chant sur les murs sombres.

— On dirait des anges, chu­chote Annie.

Mais Colette, sai­sis­sant la main de sa mère, lui souffle à l’oreille :

— Je recon­nais le cos­tume de Thar­ci­sius. Il est habillé un peu comme cela, sur les images.

Tout bas, maman répond :

— Oui, et songe qu’il est par­ti des Cata­combes pour por­ter le Bon Dieu aux chré­tiens qui allaient mou­rir. Tout à l’heure, ce Jésus qu’il a défen­du au prix de sa vie, nous allons tous le recevoir.

Alors Colette plonge sa tête blonde dans ses deux mains et ne bouge plus jus­qu’à la communion.

Histoire de l'Église pour les scouts - Messe dans les Catacombes

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∼∼ VIII ∼∼

Toute une joyeuse mati­née en pers­pec­tive, en route vers le Pincio.

C’est déli­cieux. D’un côté le grand parc de la vil­la Borg­hèse, à l’o­pu­lente ver­dure ; de l’autre, la ville de Rome dans cette lumière lim­pide que lui verse à flots le ciel d’I­ta­lie. Sur toute la hau­teur, les fleurs semblent jetées par touffes, à pro­fu­sion. Tous les tons se mêlent dans une richesse inouïe, l’air est embau­mé, tan­tôt par le par­fum des roses appor­té par une brise infi­ni­ment douce, tan­tôt par l’o­deur toni­fiante des pins.

Au fond du tableau, Saint-Pierre se des­sine majes­tueux et comme triom­phant. Cha­cun, ébloui, contemple et reste muet.

Une petite voix, au bout d’un long moment, tra­duit l’im­pres­sion générale :

— On est bien ici.

— Oui, Colette, répond maman ; pro­fi­tons-en longuement.
Res­tons à l’ombre, le regard posé sur ce pano­ra­ma, et puis deman­dons à ton père de conti­nuer l’His­toire de l’Église.

— Excel­lente idée, car nous sommes arri­vés à l’heure de son triomphe sous Constan­tin, et tout, dans ce que nous avons ici sous les yeux, chante la vic­toire du Christ. Seule­ment, je vous aver­tis que, si nous nous met­tons à l’œuvre, il va fal­loir se don­ner de la peine. La période de l’His­toire de l’É­glise que nous abor­dons est dif­fi­cile à bien saisir.

— Ça ne fait rien ! décide impé­tueu­se­ment Colette ; expli­quez, papa, s’il vous plaît, tout ce que nous pou­vons comprendre.

— Hé bien, écou­tez-moi. En quit­tant le Coli­sée, je vous ai fait remar­quer, à droite, l’arc de triomphe de Constan­tin. Qui était ce Constantin ?

Jean se hâte de répondre :

— Constan­tin, fils de Constance Chlore, gou­ver­neur de la Gaule.

— C’est cela même. Cet homme fut entre les mains de Dieu un ins­tru­ment pro­vi­den­tiel. Beau, grand, élan­cé, natu­rel­le­ment majes­tueux, mer­veilleu­se­ment doué, ayant une haute intel­li­gence, un esprit pon­dé­ré, un carac­tère magna­nime, ce pro­fond poli­tique, ce chef valeu­reux eût été par­fait, si l’en­ivre­ment du suc­cès n’eût cau­sé les quelques fai­blesses regret­tables de sa vie.

L’His­toire Romaine nous apprend com­ment Constan­tin, sym­pa­thique aux chré­tiens, se trou­va en guerre avec Maxence, qui, lui, sou­te­nait le paganisme.

Constantin et l'apparition de la Croix
Constan­tin et le labarum
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∼∼ IX ∼∼

Jean et Ber­nard sont mélancoliques.

Ber­nard lit, mais l’o­reille au guet.

Si ce bien­heu­reux visi­teur, qui, depuis une heure, est avec son oncle, pou­vait donc s’en aller !…

Jean, lui, pen­ché au bal­con, regarde distraitement.

Tout à coup, il se retourne :

— Ber­nard, viens vite, vois le Père X. et ses scouts ! Et les deux gar­çons des­cendent en trombe l’es­ca­lier, pour saluer l’aumônier.

— Que faites-vous là, jeunes pares­seux ? inter­pelle le Père X.

— Juste le contraire de ce que nous vou­drions, Père ; nous atten­dons papa, et il est occupé.

— Cou­rez lui deman­der de venir avec nous. Je vous enlève jus­qu’au dîner.

Scouts et Guides, Histoire de l'Eglise et l'empire Romain
Ruines du Forum romain. Colonnes du Temple de Saturne.

La per­mis­sion en poche, nos deux gar­çons se joignent au groupe.

— Où allez-vous, mon Père ?

— Au Forum.

— Quelle chance !

— Nous allons faire comme les anciens Romains, qui s’y ren­con­traient à tout pro­pos. Là se tenait la jus­tice et se trai­taient les affaires. Là, les faux dieux avaient des temples. Là encore on se pro­me­nait entre citoyens romains, dis­cu­tant gra­ve­ment nou­velles poli­tiques, art ou lit­té­ra­ture, tout… comme aujourd’hui.

En grandes enjam­bées, la troupe arrive au Forum ; mais elle s’ar­rête inter­dite devant cette étrange val­lée toute semée de ruines, jus­qu’au Coli­sée. Un grand rou­tier, un peu pâle, parle le premier :

— Que cela a donc dû être beau ! Que c’est même beau encore !

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∼∼ X ∼∼

Annie et Colette réclament énergiquement :

— Si les gar­çons vont tou­jours avec les scouts, nous ne ver­rons rien et n’ap­pren­drons rien !

Tante Jeanne, qui ter­mine une lettre, lève la tête et dit en riant :

— Au lieu de gro­gner, allez donc mettre vos cha­peaux. Je cachète cette lettre, j’ap­pelle Jean et Ber­na­dette, et je vous emmène tous les cinq au Jani­cule. Nous y retrou­ve­rons ton papa, Colette ; je lui ai don­né là un ren­dez-vous précis.

En route, Colette demande ce que c’est que ce « Jani­cule » où on va.

— L’une des col­lines qui dominent Rome. Vous ne vous dou­tez pas de la vue qui nous y attend.

De fait, à l’ar­ri­vée, la jeu­nesse pousse de vrais cris d’ad­mi­ra­tion. Appuyé contre un arbre magni­fique, papa, qui est déjà là depuis un moment, fait signe :

— Venez jus­qu’i­ci, et regar­dez. Toute la ville est sous nos yeux. La lumière est d’une telle trans­pa­rence, que nous pou­vons tout dis­tin­guer : Les sept col­lines de Rome, les monu­ments, que l’on dirait très près de nous.

— Et ces plans de mon­tagnes tout au fond, qui se pro­filent par delà la plaine… C’est ravis­sant ! crie Jean enthousiasmé.

— Oui, mon petit, c’est admi­rable, et comme ce que nous avons là devant nous, nous rap­pelle faci­le­ment la puis­sance de l’an­cienne Rome ! Elle était deve­nue comme un obser­va­toire, d’où la vue s’é­ten­dait sur le monde, qu’elle tenait encore sous ses lois.

Pour­tant il y avait, au Nord et à l’Est, des peuples sau­vages qui gran­dis­saient en nombre. Rome sui­vait leurs mou­ve­ments avec inquié­tude, comme le capi­taine d’un navire s’in­quiète des gros nuages qui pré­cèdent la tempête.

Dès le Ier siècle de notre ère, la menace était grave, mais, au IIIe et au IVe siècle, l’a­va­lanche se déclen­cha. La Bal­tique avait débor­dé, repous­sant les habi­tants des forêts voi­sines vers le Sud. Ces hommes abso­lu­ment sau­vages, ter­ribles par leur force bru­tale et leur féro­ci­té, des­cendent vers les fron­tières romaines, abso­lu­ment comme une marée immense et irré­sis­tible. Rien ne les arrête ; ils sont tel­le­ment nom­breux que, vain­cus presque tou­jours par les armées romaines, ils se reforment sans cesse et reprennent leur marche en avant, brû­lant, dévas­tant, rui­nant, semant la ter­reur et la mort.

Rome avait d’a­bord espé­ré trans­for­mer ces bar­bares en sol­dats, elle en enrôle un grand nombre dans ses légions, leur offre des avan­tages maté­riels qu’ils igno­raient jus­qu’a­lors, et pense qu’elle va réus­sir à en faire des auxi­liaires dis­ci­pli­nés. Mais l’empire romain, vous le savez, s’af­fai­blis­sait tous les jours. Quand les Huns et les Goths vont jeter contre lui leurs masses effroyables, il s’é­crou­le­ra. Qui me dira lequel de ces deux peuples bar­bares laisse une trace sécu­laire et fonde un empire ?

— Les Goths, mon oncle.

— Pour­quoi, Bernard ?

— Parce que les Huns, après la défaite défi­ni­tive d’At­ti­la et sa mort, n’é­taient plus de force pour rien fonder.

Les Goths, au contraire, ont indé­fi­ni­ment renou­ve­lé leurs poussées.

Rome a tran­si­gé d’a­bord, puis Théo­dose les a main­te­nus dans l’o­béis­sance ; mais un de leurs jeunes rois, Ala­ric, finit par enva­hir l’I­ta­lie et prendre Rome (en 410, si je ne me trompe).

Refou­lés, après avoir tout rui­né, les Goths se sont ins­tal­lés en Aqui­taine, sous le nom de Visigoths.

De même ori­gine ont été les Bur­gondes, qui ont occu­pé le bas­sin du Rhône et de la Saône ; les Hérules, dont le chef Odoacre ren­verse le der­nier empe­reur romain et règne en Ita­lie ; les Ostro­goths, qui détruisent à leur tour, avec Théo­do­ric, le royaume d’O­doacre. Enfin les Van­dales des­cendent du Rhin, passent sur le tout, à tra­vers Gaule et Espagne, pour s’ar­rê­ter seule­ment dans l’A­frique du Nord.

Tante Jeanne sou­rit à son benjamin.

— J’aime, Ber­nard, t’en­tendre pré­ci­ser ainsi.

— Pour­tant, dit Ber­na­dette avec malice, tu as oublié un peuple bar­bare et un fameux.

— Pas du tout, ma chère cou­sine,… et Ber­nard s’in­cline révé­ren­cieu­se­ment. Tu veux par­ler des Francs ? C’est une tri­bu bar­bare, c’est vrai, qui s’ins­talle au Nord de la Gaule et s’é­tend petit à petit, mais elle ne ravage pas tout, ses chefs sont cou­ra­geux et droits.

— Enfin, dis-le tout de suite, conclut Ber­na­dette en riant, il ne faut pas qu’ils aient de défauts, puisque nous en descendons !

— Sans rien exa­gé­rer, reprend son père, il est exact que leur race était autre, et qu’au­cun peuple bar­bare ne fut plus apte à se lais­ser gagner par la Foi chré­tienne. Car jus­qu’i­ci, mes enfants, nous avons regar­dé les Bar­bares en face de Rome ; contem­plons main­te­nant l’at­ti­tude de l’É­glise envers eux.

Histoire de France et de l'Eglise pour la jeunesse
Sainte Gene­viève retient, à Lutèce, le peuple qui veut fuir.