La construction de la tour de Babel

Auteur : Hunermann, Père Guillaume | Ouvrage : Les Tables de Moïse .

Temps de lec­ture : 11 minutes

« S’il te plaît, grand-mère, vou­drais-tu me faire réci­ter l’His­toire Sainte ? » deman­da le petit Joseph à la vieille pay­sanne de la ferme des Tilleuls, assise près de la che­mi­née et qui fai­sait glis­ser les grains de son cha­pe­let entre ses doigts.

« Attends que j’aie fini », répon­dit-elle, en com­men­çant la der­nière dizaine des mys­tères glorieux.

Tour de Babel, Dieu punit les orgueilleux - Histoire chrétiennes pour le catéchisme

« Mais tu n’au­ras qu’à conti­nuer de prier après », dit le petit avec une moue de mécon­ten­te­ment. Mais grand-mère ne répon­dit point. Ses pen­sées sui­vaient la Vierge au ciel, où le Père Éter­nel la parait de la cou­ronne de toute magnificence.

« Je peux te faire réci­ter, moi », pro­po­sa Louis, qua­torze ans, qui fré­quen­tait le lycée de la ville. « Viens, donne-moi ton His­toire Sainte. »

« Soit ! » répli­qua Joseph, et il ten­dit le livre à son frère. Et il com­men­ça à réci­ter sa leçon.

« La construc­tion de Babel. L’hu­ma­ni­té entière par­lait la même langue. Mais s’a­ven­tu­rant vers l’est, les hommes décou­vrirent une plaine dans le pays de Senaar et y plan­tèrent leurs tentes. Et ils se dirent : Fai­sons des tuiles et cui­sons-les. Et la tuile leur ser­vit de pierre de construc­tion et l’as­phalte de béton. Et ils dirent : Construi­sons-nous une ville et une tour dont la pointe atteigne le ciel. Ain­si, nous nous crée­rons un nom avant de nous dis­per­ser par toute la terre. »

« Eh bien ! ils auraient mieux fait de res­ter tran­quilles », gro­gna Louis en jetant un regard furi­bond sur son livre de latin posé sur la table.

« Mais laisse-moi donc réci­ter et ne me fais pas perdre le fil », gro­gna Joseph et il conti­nua à réciter :

« Et le Sei­gneur des­cen­dit voir la ville et la tour que les enfants d’A­dam construi­saient. Et il dit : « C’est un seul peuple et il parle une même langue. Nous allons embrouiller leur langue, afin qu’ils ne se com­prennent plus les uns les autres. »

« C’est ce qui fit notre mal­heur », gro­gna Louis en frap­pant vio­lem­ment sur le livre de latin. « Si les maçons, à ce moment-là, avaient fait grève, je ne serais pas obli­gé, main­te­nant, de me bour­rer le crâne de tous ces mots étranges. Ils auraient bien pu trou­ver autre chose pour se faire un nom. »

« Qu’est-ce que cela signi­fie, au juste, se faire un nom ? » deman­da Joseph.

« Allons donc ! Tout le monde com­prend cela », expli­qua l’aî­né. « Der­niè­re­ment il y avait une troupe de sal­tim­banques dans notre vil­lage, tu t’en sou­viens ? Et ils avaient col­lé des affiches, sur les­quelles se trou­vaient les noms de tous les artistes ; les uns étaient ins­crits en petits carac­tères, d’autres en grands, le nom de l’homme qui fai­sait des acro­ba­ties sur un mât de qua­rante mètres de haut, eh bien ! celui-là avait son nom en lettres géantes sur la pan­carte. Te voi­là renseigné. »

« J’ai­me­rais bien que mon nom figure un jour sur une affiche comme ça », sou­pi­ra Joseph. « Mais je ne sau­rais pas me tenir sur la tête au bout d’un si grand mât. »

Jeune garçon rêvant de la gloire en pilote automobile

« Mais tu pour­rais essayer autre chose pour te faire un nom », pro­po­sa Louis. « Moi, par exemple, je serai cou­reur auto­mo­bi­liste. Et je pren­drai les virages à la corde, à cent à l’heure sur la piste de Nurem­berg, dans un fra­cas de ton­nerre. Ce sera sen­sa­tion­nel. Et on ver­ra mon nom en lettres géantes dans tous les journaux. »

« Allons donc ! Ce n’est pas pos­sible sur les pages d’un journal. »

« Tant pis », dit Louis. « Peut-être serai-je aus­si cham­pion du monde de boxe, caté­go­rie poids-lourd. Quand j’au­rai mis tous les boxeurs euro­péens k.o., je par­ti­rai en Amé­rique pour conqué­rir le titre de cham­pion du monde. Tu ver­ras comme je devien­drai célèbre. Ils me nom­me­ront « Louis aux muscles de fer ». Et les jour­na­listes m’in­ter­vie­we­ront pour me deman­der ce que je prends pour mon petit déjeu­ner, quelle est la marque de mon den­ti­frice, et tout cela ils l’é­cri­ront dans leurs journaux. »

« Mais moi aus­si, je veux avoir un nom, lorsque je serai grand », assu­ra Joseph. « Peut-être devien­drai-je géné­ral ou pape, ou bien pilote d’un mono­rail Alweg. Et je serai encore bien plus célèbre que toi. »

« Oui, mais si plus tard je par­cours la jungle et que j’at­trape des lions et des tigres, je serai bien plus célèbre encore. Parce qu’a­lors, je paraî­trai dans les plus grands cirques du monde comme domp­teur, vois-tu ? Et alors, au seul cla­que­ment de mon fouet, les lions bon­di­ront par-des­sus ma tête ou feront de la bicy­clette et je leur don­ne­rai un petit pain pour les récom­pen­ser d’a­voir bien travaillé. »

« Et moi, et moi ! » dit Joseph en bégayant d’ex­ci­ta­tion. Mais vrai­ment, il ne trou­vait pas, pour l’ins­tant, ce qui pou­vait être plus célèbre qu’un domp­teur. Et il se fâcha et s’é­cria : « En tous les cas, je serai cent fois plus célèbre que toi, et si je deviens vrai­ment pape, tu devras bai­ser mes mules ! »

« Vous n’a­vez pas bien­tôt fini ? » s’ex­cla­ma la fer­mière des Tilleuls, qui venait d’a­che­ver ses prières. « Vous êtes bien comme les construc­teurs de la . Et vous auriez aus­si bien méri­té la puni­tion de Dieu. Ne voyez-vous donc point que toute la misère du monde découle uni­que­ment du fait que les hommes veulent se faire un nom au lieu de pen­ser d’a­bord à celui de Dieu ? C’est pour­quoi il y a eu tant de guerres, c’est pour­quoi votre père est tom­bé en Rus­sie, c’est pour­quoi des mil­lions et des mil­lions d’hommes sont morts et que la famine et la mala­die affligent l’humanité. »

« Oui, mais je ne ferai mou­rir per­sonne si je deviens pape ou pilote », se défen­dit Joseph.

« Et si moi je deviens boxeur ou cou­reur ou domp­teur, per­sonne ne mour­ra de faim pour autant », gro­gna Louis.

« Ce n’est pas du tout cela qui importe », répli­qua la grand-mère en sou­riant. « Et, de plus, tu feras pro­ba­ble­ment bien autre chose, peut-être seras-tu employé des postes ou gref­fier, et quand tu auras vingt-cinq ans de ser­vice, ton nom figu­re­ra une seule fois dans le jour­nal. Mais tout cela est sans impor­tance. L’es­sen­tiel, c’est que vous rem­plis­siez fidè­le­ment votre devoir, alors tout ira bien et votre vie sera agréable à Dieu. Mais c’est l’am­bi­tion de se faire un nom qui apporte le mal­heur dans le monde. Il n’existe qu’un seul nom que nous devons magni­fier, et c’est le nom de Dieu. Si tous les hommes y aspi­raient, le monde rede­vien­drait bien­tôt un para­dis. Je vais vous racon­ter à pré­sent l’his­toire d’un petit gar­çon qui vou­lait éga­le­ment se faire un nom. »

« Chic, grand-mère, raconte », s’é­crièrent les gar­çons et, impa­tients, ils rap­pro­chèrent leurs tabou­rets de la vieille fermière.

Le chateau natal de Saint François Xavier

« Bien. Donc », com­men­ça l’aïeule, « il y avait un petit gar­çon qui habi­tait un châ­teau fort en Espagne et qui s’ap­pe­lait Fran­çois Xavier. Lors­qu’il eut atteint sa onzième année, il y eut une guerre parce que, une fois de plus, des rois vou­laient se faire un nom. Et le châ­teau fort fut détruit de fond en comble. On fit sau­ter toutes les murailles et toutes les tours et le père de Fran­çois Xavier devint très pauvre. En voyant comme le beau châ­teau était détruit, le petit gar­çon ser­ra les poings et pié­ti­na de colère.

« J’au­rais fait de même », gro­gna Louis.

« Laisse donc grand-mère racon­ter », reprit le cadet.

« Et Fran­çois Xavier se ren­dit à la cha­pelle du châ­teau qui, seule, était res­tée intacte, se pla­ça devant le cru­ci­fix et s’é­cria : « Écou­tez-moi bien, Sei­gneur ! Je vais faire en sorte de recons­truire le châ­teau et mon nom devien­dra si grand que per­sonne ne pour­ra jamais l’oublier. »

Dix ans plus tard, il vint à Paris pour par­faire ses études à l’u­ni­ver­si­té, car il vou­lait deve­nir un homme célèbre.

« Et l’est-il deve­nu ? » deman­da Louis.

« Écou­tez bien ! Fran­çois Xavier ren­con­tra à Paris un com­pa­triote, qui avait été un brillant offi­cier jus­qu’au jour où, en défen­dant une ville, un bou­let de canon lui arra­cha une jambe. L’homme s’ap­pe­lait Ignace et était un grand saint. Par la suite, il eut sou­vent des conver­sa­tions avec Xavier, et il lui expli­qua clai­re­ment l’ab­sur­di­té de vou­loir se faire un nom, car il n’y avait qu’un nom qu’on avait le droit de magni­fier, et ce nom, c’é­tait celui de Dieu. Fran­çois Xavier se mit alors à réflé­chir sur la ques­tion et com­prit qu’I­gnace avait rai­son. Plus tard, il devint mis­sion­naire, voya­gea jus­qu’aux Indes et au Japon, pro­cla­mant par­tout le nom de Dieu. Des cen­taines de mille se conver­tirent. Mais Fran­çois Xavier mou­rut sur une petite île soli­taire près de la côte chi­noise, heu­reux d’a­voir pu prê­cher le nom de Dieu à tous les hommes. »

Saint François Xavier a travaillé à la gloire de Dieu

« Mais il n’a pas tenu son ser­ment, alors », dit Joseph, après un ins­tant de réflexion.

« Il l’a tenu. Bien qu’il n’ait pas recons­truit le châ­teau de son père. En com­pen­sa­tion, il a recons­truit le royaume de Dieu dans le vaste monde, et, si plus tard, il oublia com­plè­te­ment de se faire un nom et mou­rut, délais­sé, dans une misé­rable hutte, il est tout de même deve­nu un homme célèbre et tous les chré­tiens pro­noncent son nom avec le plus grand res­pect. En effet, le petit gar­çon espa­gnol est deve­nu le grand saint Fran­çois Xavier. »

Lorsque la grand-mère eut ache­vé son récit, les deux gar­çons se turent. Ils avaient com­pris la bêtise de vou­loir se faire un nom, et que le seul devoir était de recher­cher l’hon­neur de Dieu.

« Moi aus­si, je serai mis­sion­naire », dit Louis, enfin.

« Et moi, un saint », affir­ma Joseph.

« Même si vous ne le deve­nez pas », répon­dit la vieille femme, dans un sou­rire, « vous pour­rez quand même hono­rer le nom de Dieu. Lorsque vous appre­nez votre leçon, que ce soit l’his­toire de la tour de Babel ou des mots latins, et que cela vous est par­ti­cu­liè­re­ment pénible parce qu’au-dehors le soleil brille et qu’une par­tie de foot­ball sem­ble­rait mer­veilleuse, alors dites bien dou­ce­ment : pour la  ! et faites votre devoir. Ain­si vous loue­rez Dieu et accom­pli­rez ce qui est juste et tout sera bien, et il en sera ain­si tout au long de la vie. Et quand tous les hommes feront leur devoir pour l’a­mour de Dieu, le bon­heur revien­dra sur notre pauvre terre. Et main­te­nant, nous allons prier très pieu­se­ment le Notre-Père et deman­der à Dieu de vous accor­der de deve­nir un jour des hommes braves et actifs, qui feront le bien pour sa plus grande gloire. »

Les gar­çons joi­gnirent res­pec­tueu­se­ment les mains, et la grand-mère com­men­ça la prière. Lors­qu’elle par­vint à la pre­mière demande, elle pro­non­ça d’une voix par­ti­cu­liè­re­ment émou­vante : « Que votre nom soit sanctifié ! »Leçon pour les jeunes : travailler à la plus grande Gloire de Dieu

Un commentaire

  1. Frapart Gervaise a dit :

    Prê­cher le nom de Dieu c’est l’ordre que ont reçu les chré­tiens de faire mais il est impor­tant de l’employer pour qu’il soit connu .
    Il s’agit d’YHWH en hébreu et cou­ram­ment en France JÉHOVAH ou YAHVE. ce mot est ins­crit plus de 7000 fois dans les Saintes Écritures .

    18 mars 2022
    Répondre

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire le pourriel. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.