Catégorie : <span>Filloux, H.</span>

Auteur : Filloux, H. | Ouvrage : Au cœur de la Provence .

Temps de lec­ture : 8 minutes

Il vous tarde, petits curieux, d’al­ler dan­ser sur le d’, comme dit la chanson. 

Nous y serons bien­tôt. Du palais des Papes, il n’y a qu’une enjam­bée vers ce pont char­gé de sou­ve­nirs, vieux comme les miracles. Lon­geons le fleuve qui des­cend, impa­tient, vers la mer. Les arbres feuillus se répètent dans ses eaux où ils mettent de grandes masses d’ombres mou­vantes. Voi­ci le pont, le vieux pont muti­lé, lan­çant sur le fleuve ses quatre arches sur­vi­vantes, soli­de­ment plan­tées, aux courbes har­mo­nieuses. Au beau milieu du fleuve, il porte l’an­tique cha­pelle de saint Nico­las et s’ar­rête court… Quelle crue, jadis, empor­ta, dans ses colères, les dix-huit arches qui le reliaient à la rive loin­taine, là-bas ?… 

Par le raide esca­lier étroit, grim­pons sur le pont. Un coup de mis­tral nous y reçoit. Quel air on res­pire au-des­sus de cette grande nappe d’eaux en marche ! Comme le fleuve est large, beau et puis­sant ! Abri­tons-nous dans la vieille petite cha­pelle et là, sous l’a­zur violent du ciel, devant les flots qui sans arrêt se poussent en avant, écou­tez la belle légende de .

C’é­tait, ce Béné­zet, un humble pâtre de la qui, jour après jour, pais­sait ses mou­tons. Âme simple, il par­lait, dès le matin, avec les fleurs qui s’é­veillaient dans la prai­rie, avec le ruis­se­let qui fai­sait sa cour aux menthes fleu­ries ; la nuit, il par­lait aux étoiles et se trou­vait heu­reux. À l’aube d’une belle jour­née, une voix l’é­veille, une voix très douce qui semble venir du Para­dis. Le ber­ger, éton­né, ouvre les yeux : un ange volète au-des­sus de lui, dra­pé dans de longs voiles blancs, comme ces nuages d’é­té qui s’é­tirent dans le bleu du ciel. 

— Béné­zet, dit la voix, laisse là ton trou­peau et des­cends jus­qu’en. Avignon. 

Auteur : Filloux, H. | Ouvrage : Au cœur de la Provence .

Temps de lec­ture : 8 minutes

Le chant des Alyscamps

Devant nous s’ouvre la longue allée, bor­dée de hauts peu­pliers d’I­ta­lie au feuillage touf­fu. De chaque côté s’a­lignent des tom­beaux, des dalles funé­raires, des monu­ments en ruines. Ici, une date qu’on déchiffre avec peine ; là, un nom à demi effa­cé. Cette allée de tom­beaux rap­pelle les voies romaines que les riches habi­tants de Rome bor­daient de leurs sépulcres. Ain­si, avant d’en­trer dans la ville des vivants, on tra­ver­sait la cité des morts.

L’é­vêque Tro­phime, le pre­mier, eut là son tom­beau et ce fut, dans la suite, un grand hon­neur d’être enter­ré auprès du saint. Évêques et sei­gneurs, com­mer­çants et bour­geois aimaient à venir dor­mir là leur der­nier som­meil. Dans les villes au bord du Rhône, on confiait les cer­cueils au fleuve, avec une offrande pour les marins qui les repê­chaient. Ain­si, ceux qui s’é­taient endor­mis du grand som­meil n’é­taient point oubliés ; ils se mêlaient à la vie de tous les jours et la vue de ces tom­beaux était une leçon pour les vivants. Car ceux qui repo­saient à l’en­trée de la cité, c’é­taient ceux-là qui l’a­vaient faite de leurs tra­vaux, de leurs peines, de leurs sueurs.

Les riches tom­beaux ont dis­pa­ru : il ne reste plus que ces pauvres dalles effri­tées et nues, sous l’al­lée magni­fique des peu­pliers. Au fond, la vieille église en ruines de Saint-Hono­rat. Ce , c’est le saint de , un des pre­miers évêques d’, qui vint des brumes du Nord au pays du soleil et lui don­na tout son cœur. Son his­toire est si belle que je ne puis résis­ter à l’en­vie de vous la conter. Asseyons-nous sur ces dalles, à l’ombre des feuillages, dans le cou­chant recueilli.

Saint Hono­rat est né, là-bas, dans une grande cité grise au bord du Rhin, vers l’an 360. Ses parents étaient de nobles sei­gneurs esti­més de tous et grands étaient leurs biens. Sa mère, avant sa nais­sance, avait vu, dans un songe, une gerbe de feu jaillir de son cœur. Elle pen­sait : « Que sera mon enfant ? »

Cet enfant, qu’on appe­la Andro­nich, fit la joie de ses parents : tou­jours sou­riant, très doux, avec un gra­cieux visage où brillaient des yeux vifs, sous une auréole de blonds che­veux. Il devint un éco­lier stu­dieux, mer­veilleu­se­ment doué, si bien qu’il dépas­sa même son frère aîné.

Jeune homme, il fai­sait l’en­vie des mères, tant il était aimable et cour­tois. Comme ses parents, il était païen et sacri­fiait aux dieux des Romains, maîtres du Rhin, comme du Rhône, maîtres du monde d’a­lors. Une aven­ture mer­veilleuse vint trans­for­mer sa vie. Comme il était à la chasse avec des amis, il aper­çut un cerf magni­fique qui, à sa vue, s’en­fuit dans les four­rés. Piqué au jeu, Andro­nich des­cend de che­val, oubliant ses com­pa­gnons pour pour­suivre la bête. Course dif­fi­cile à tra­vers la forêt. Tout à coup, le jeune homme voit devant lui s’ou­vrir une caverne. Curieux il s’ap­proche et découvre trois hommes vêtus de laine blanche, por­tant de longues barbes. Pris de peur, il songe à s’en­fuir, mais il lit tant de bon­té sur les visages qu’il avance jus­qu’à la caverne. Le cerf s’ac­crou­pit aux pieds des soli­taires. Andro­nich s’é­tonne et s’émerveille.

— Ce cerf appar­tient au Sei­gneur, explique le plus âgé des hommes, au Sei­gneur Dieu que nous ado­rons et il vit fami­liè­re­ment avec nous qui l’ap­pe­lons au nom de Jésus.

Alors, l’un des ermites, Caprais, conte au jeune homme atten­tif la mer­veilleuse his­toire du Christ. Ce Jésus de Naza­reth, mis en croix par amour pour les hommes, ne lui était pas incon­nu. On en avait sou­vent par­lé devant lui, il avait enten­du dis­cu­ter son ensei­gne­ment dans les écoles, mais il le consi­dé­rait jusque là tel que le lui avaient mon­tré ses parents : comme un mal­fai­teur, un fau­teur de troubles jus­te­ment condam­né. Aujourd’­hui, dans la caverne ouverte sur la forêt, il com­prend, son erreur et déjà son cœur loyal s’at­tache à Jésus. Enfin, le cerf le guide vers ses com­pa­gnons inquiets de sa longue absence.

Saint Honorat rencontre St Caprais en Provence

Auteur : Filloux, H. | Ouvrage : Au Cœur des Grandes Alpes. Dauphiné et Savoie .

Temps de lec­ture : 6 minutes

Saint Hugues, évêque de Grenoble, et le sept étoiles vus en songeLes étoiles merveilleuses

— Caché der­rière le Saint-Eynard et le Néron, je sais un haut-lieu où je veux vous conduire, petits amis. Et ce « haut-lieu » a une his­toire, une his­toire vraie, une magni­fique histoire.

Il y a de cela bien, bien long­temps, vers le temps de la pre­mière Croi­sade. était déjà une ville impor­tante, avec sa cathé­drale et son Évêque qui fut .

Or, ce saint évêque eut un songe. « Il voyait sept étoiles tom­ber à ses pieds, se rele­ver ensuite, tra­ver­ser des mon­tagnes désertes, pour s’ar­rê­ter enfin dans un lieu sau­vage appe­lé Char­treuse. Là, les anges bâtis­saient une demeure et sur le toit, tout à coup, les sept étoiles mys­té­rieuses se mirent à briller. Que vou­lait dire ce songe merveilleux ?…

Le len­de­main, sept voya­geurs, venus de très loin, frappent à la porte de l’É­vêque, se jettent à ses pieds, le priant de leur don­ner, dans la , un endroit tran­quille, loin des hommes, où ils pour­raient prier Dieu. C’é­tait la réponse du Seigneur.

Saint Hugues reçoit saint Bruno et ses compagnons

Les sept étoiles du songe mer­veilleux, c’é­taient et ses compagnons.

Qui donc était Bru­no ? Un homme riche et savant, très pieux et très bon. Le Saint-Père le Pape venait de le nom­mer Arche­vêque de Reims. Mais Bru­no refu­sa ce grand hon­neur, dis­tri­bua sa for­tune aux pauvres, quit­ta la ville. Il vint se cacher dans la mon­tagne, pour être seul avec Dieu.

BRIGITTE. — Il faut donc s’en aller loin, tout seul, pour bien ser­vir le bon Dieu ? Pour­tant, sur les images, on voit tou­jours le Sei­gneur Jésus entou­ré d’une foule de gens, des malades, des petits enfants.

— C’est vrai. Il en était presque écra­sé par­fois. Il était si bon. Mais que fai­sait-Il, chaque soir, après la longue jour­née où Il avait prê­ché, gué­ri les malades ?… Il se reti­rait dans la mon­tagne pour se retrou­ver, seul avec Dieu, son Père.

Quand ils veulent accom­plir quelque chose de grand, de beau, que font le savant, le poète ? L’un s’en­ferme dans son labo­ra­toire, l’autre s’é­gare en pleine cam­pagne. Ils veulent être seuls, pour se don­ner tout entiers à leur œuvre.

Saint Bru­no cher­chait donc aus­si un coin dans la mon­tagne, pour pen­ser aux choses du Ciel.

Auteur : Filloux, H. | Ouvrage : Au Cœur des Grandes Alpes. Dauphiné et Savoie .

Temps de lec­ture : 5 minutesDans les pages d’un vieux livre

Hen­ri. — Comme c’est amu­sant, toutes ces petites mai­sons, per­chées sur la pente de la  !

— Cette mon­tagne, c’est la mon­tagne amie de , celle qu’on voit au bout de chaque rue : le Saint-Eynard. Je sais à son sujet une bien jolie légende, cueillie dans un vieux livre qui garde encore le par­fum des œillets roses conser­vés entre ses pages jaunies.

Légende de Savoie racontée aux petits : Saint Pierre, La Sainte Vierge et Jésus

« Sachez [1] d’a­bord que jadis, Dieu, la Vierge et les saints fai­saient sur la voûte céleste de longues pro­me­nades. Quand ils arri­vaient au-des­sus de cette val­lée, c’é­tait pour leurs yeux un émerveillement.

« Ils aper­ce­vaient les Sept-Laux, les crêtes du Bel­le­donne toutes blanches de neige… Au soleil levant, le mas­sif de la Char­treuse et le gla­cier lilial du Mont-Blanc.

« A leurs pieds, l’Isère cou­lait avec ses flots argen­tés à tra­vers des clai­rières bor­dées de chênes, de châ­tai­gniers et de peu­pliers… Saint Pierre s’as­seyait pour mieux voir ; la joi­gnait les mains d’ad­mi­ra­tion… Dieu souriait…

« Mon Dieu ! dit un jour la Vierge Marie, pour­quoi les bords de cette rivière, ces forêts et ces pâtu­rages sont-ils inha­bi­tés ! Les hommes y seraient si heureux !

— Il n’y a pas de mai­sons, dit saint Pierre, un peu bour­ru. Et com­ment diable ! vou­lez-vous que les pauvres humains trans­portent des maté­riaux dans ces montagnes ?…

— Eh bien ! saint Pierre, dit le Père Éter­nel, tu vas tout de suite en apporter.

— Oh ! dit saint Pierre, des chan­tiers du Para­dis à cette val­lée, le tra­jet est long. Des mai­sons, c’est lourd. Je ne suis plus jeune… Que saint Eynard s’en charge !…

  1. [1] Cette légende est tirée de Sous le signe des Dau­phins (de Paul Ber­ret), édi­tions Didier et Richard, à Gre­noble.
Auteur : Filloux, H. | Ouvrage : Au cœur de la Provence .

Temps de lec­ture : 7 minutes

Un étrange équipage

Dans le golfe pai­sible de Saint-Tro­pez vint abor­der un jour le plus étrange équi­page qu’on ait jamais vu. Les vagues durent être bien éton­nées de por­ter si curieuse barque : ni vergues, ni mâts. A la proue, un pauvre coq tout apeu­ré, crête pâle, plumes héris­sées. A la poupe, un chien de ber­ger qui jette de tous côtés des regards inquiets. De gou­ver­nail, de pilote, point. Mais une main invi­sible semble conduire la barque car elle ne se détourne point de sa route et va droit au . Des ailes d’anges la poussent dou­ce­ment sur l’eau tran­quille où se mirent les étoiles. Der­rière elle, miroite un long sillage d’argent. Silen­cieu­se­ment glisse la barque mys­té­rieuse… Les trois ou quatre pêcheurs qui sur­veillent, là-bas, leurs filets, les yeux fixés sur le car­reau de liège, n’ont point détour­né la tête.

Tout dort au vil­lage. Sou­dain, une femme pousse sa porte, frappe chez sa voisine.

— Eh ! voi­sine, réveillez-vous !

Bien­tôt la rue est en alerte et le quar­tier et le port. On entoure la com­mère qui, d’un air encore effa­ré, avec de grands geste, conte son songe.

— J’ai vu une barque, bonne Mère, sans voile ni gou­ver­nail, avec un coq et un chien comme équi­page. Elle se diri­geait vers le port. Elle porte le corps d’un saint  !

Quelques jeunes pêcheurs ont sou­ri et haus­sé les épaules.

Récit et Légende de Saint Tropez - Arrivé du corps de St Tropez en bateau

— Un coup de soleil, la vieille, t’a tour­né la cervelle !

Cepen­dant, tout ce peuple, curieux et avide d’a­ven­tures a gagné le port. Là-haut, les étoiles pâlissent ; une grande clar­té blanche se lève sur la mer. Les vagues viennent battre la grève à petits coups régu­liers. De barque, point… Là-bas, deux bateaux de pêche qui rentrent à force de rames.

Coco­ri­co !