Il vous tarde, petits curieux, d’aller danser sur le pont d’Avignon, comme dit la chanson.
Nous y serons bientôt. Du palais des Papes, il n’y a qu’une enjambée vers ce pont chargé de souvenirs, vieux comme les miracles. Longeons le fleuve qui descend, impatient, vers la mer. Les arbres feuillus se répètent dans ses eaux où ils mettent de grandes masses d’ombres mouvantes. Voici le pont, le vieux pont mutilé, lançant sur le fleuve ses quatre arches survivantes, solidement plantées, aux courbes harmonieuses. Au beau milieu du fleuve, il porte l’antique chapelle de saint Nicolas et s’arrête court… Quelle crue, jadis, emporta, dans ses colères, les dix-huit arches qui le reliaient à la rive lointaine, là-bas ?…
Par le raide escalier étroit, grimpons sur le pont. Un coup de mistral nous y reçoit. Quel air on respire au-dessus de cette grande nappe d’eaux en marche ! Comme le fleuve est large, beau et puissant ! Abritons-nous dans la vieille petite chapelle et là, sous l’azur violent du ciel, devant les flots qui sans arrêt se poussent en avant, écoutez la belle légende de saint Bénézet.
C’était, ce Bénézet, un humble pâtre de la montagne qui, jour après jour, paissait ses moutons. Âme simple, il parlait, dès le matin, avec les fleurs qui s’éveillaient dans la prairie, avec le ruisselet qui faisait sa cour aux menthes fleuries ; la nuit, il parlait aux étoiles et se trouvait heureux. À l’aube d’une belle journée, une voix l’éveille, une voix très douce qui semble venir du Paradis. Le berger, étonné, ouvre les yeux : un ange volète au-dessus de lui, drapé dans de longs voiles blancs, comme ces nuages d’été qui s’étirent dans le bleu du ciel.
— Bénézet, dit la voix, laisse là ton troupeau et descends jusqu’en. Avignon.