Parmi les plus belles processions du Saint-Sacrement, je place celle que j’ai faite un jour comme vicaire d’une paroisse. Elle ne comptait pas beaucoup de monde : Jésus, le petit Pierrot et moi. Je vais vous la raconter.
J’étais arrivé depuis quelques jours dans la paroisse. Un soir, M. le Curé me dit : « Demain, il faudra porter la sainte communion aux malades. » Il y avait cinq malades à voir, et chacun habitait dans une autre rue. Pour m’indiquer le chemin et les maisons, M. le Curé me donna Pierrot, car les enfants de chœur étaient déjà à l’école à cette heure, et le sacristain ne pouvait pas venir.
Pierrot était un petit bout d’homme ; cinq ans, à peine, mais il avait de l’esprit. Je vis cela tout de suite quand il se présenta à la sacristie le matin. Poliment il me donna la main et salua : « Bonjour, M. l’Abbé ». Il me semblait l’avoir déjà vu à l’église, probablement, parmi les élèves de la petite classe.
Dans cette paroisse de ville, le prêtre porte la communion aux malades sans que cela se remarque, c’est pourquoi, en chemin, je questionnai mon petit compagnon.
« Eh bien, Pierrot, sais-tu qui j’ai avec moi ? »
— Oh, oui, c’est Jésus, répondit-il.
— Mais où donc est-il, on n’en voit rien du tout ?
— Il est là, dans l’hostie, dit-il en montrant ma poitrine sur laquelle je portais le saint Sacrement.
— Que penses-tu, que je vais faire de Jésus maintenant ?
— Vous le portez aux malades ; à ma grand-maman aussi. »
C’était juste, en effet. Je devais aussi aller chez la grand’maman de Pierrot ! Curieux, je continuai à questionner :
— Pourquoi porte-t-on Jésus aux malades ?
— Jésus les aime ; alors il les aide à être patients ».
Pierrot avait, sans s’en rendre compte, passé un petit examen. Il avait si bien répondu qu’il aurait été prêt pour la première communion. Le petit homme devait avoir eu de bonnes leçons de catéchisme à la maison, puisqu’il savait tant de choses de Jésus dans l’Hostie, Il l’aimait sûrement bien aussi, et sans doute, saurait-il aussi prier !
— Dis donc. Pierrot, nous pourrions prier un peu. Tu sais sûrement de belles prières ?
— Oh oui ! répondit-il. Je sais le « Notre Père » et le « Je vous salue. »
Tout de suite, en pleine rue, il fit le signe de la croix, joignit pieusement les mains et commença à prier. Je me joignis à lui, jusqu’à ce que nous fussions arrivés chez le premier malade.
En nous rendant auprès du deuxième malade nous avons récité le « Je crois en Dieu », dont Pierrot ne savait qu’une partie.
Le troisième malade que nous avions à visiter c’était la grand’maman de Pierrot, une bonne et pieuse vieille dame. Sur le seuil, la maman de Pierrot attendait à genoux et reçut la bénédiction de Jésus-Hostie. Quelle bonne mère ce devait être, puisqu’elle avait si bien élevé son gentil garçon ! Je demandai à Dieu de bénir spécialement cette famille.
Tout en allant auprès du dernier malade, nous avons repris notre prière à deux. Pierrot proposa de réciter la prière à l’ange gardien, car il n’en savait pas d’autre. Dès qu’il eut terminé cette prière, il continua sans hésiter la prière qu’il faisait sans doute avant de se coucher : « Mon Dieu, je vous donne mon cœur, gardez-moi cette nuit comme vous m’avez gardé pendant le jour ». Comme le soleil se levait radieux en ce moment, je dis au petit garçon :
— O Pierrot ! tu récites ta prière du soir, mais je pense que Jésus prend plaisir à t’écouter, car il comprend ce que tu lui demandes. Oui, supplie-le en lui disant souvent : « Bon Jésus, prenez soin que dans mon âme le soleil de la grâce ne se couche jamais. »
Deux jours après, j’aperçus Pierrot à l’église avec sa sœur. Les deux enfants ne m’avaient entendu ni entrer doucement, ni m’agenouiller au dernier banc ; ainsi je pus les observer à mon aise.
Je reconnus la fillette, c’était une de mes meilleures élèves du catéchisme. Quand les paresseux ne savaient rien et se trouvaient embarrassés, toujours Aline avait une réponse. En ce moment elle enseignait son petit frère, comme l’aurait fait un excellent professeur. C’était une joie de la voir aller d’un autel à l’autre et d’entendre les explications qui répondaient aux nombreuses questions de Pierrot.
Avant de quitter le maître-autel, les deux petits s’agenouillèrent et prièrent à voix basse. Jésus au tabernacle les aura entendus et les aura bénis.
La science de Pierrot ne m’étonnait plus ; je savais, maintenant, qui s’occupait de lui ; ce n’était pas seulement sa maman, mais aussi sa chère grande sœur.
Qu’heureuses sont les familles où les grandes sœurs s’occupent des petits frères et sœurs et leur apprennent à connaître et à aimer Jésus !
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