Un drame au collège

| Ouvrage : 90 Histoires pour les catéchistes I .

Temps de lec­ture : 7 minutes

La

Ce récit est une his­toire abso­lu­ment vraie : seuls les noms propres ont été chan­gés. On com­pren­dra aisé­ment pourquoi.

Roger de Pré­val était élève au col­lège Sainte-Anne à X, depuis octobre. Il avait eu le mal­heur de tom­ber sous la coupe d’un mau­vais cama­rade, plus âgé que lui, nom­mé Lau­dry. Non seule­ment ce der­nier lui avait pas­sé de mau­vais livres, ensei­gné de vilaines choses, mais un soir il l’a­vait entraî­né à la cha­pelle poux voler l’argent dépo­sé dans le tronc ! Roger, ter­ro­ri­sé par Lau­dry, avait consen­ti à tout… N’o­sant avouer ses fautes au confes­seur, il s’é­tait tu, accu­mu­lant pen­dant six mois sacri­lèges sur sacri­lèges. Et voi­ci qu’ar­ri­vait pour lui le Grand Jour de la , la vraie, puisque à cette époque on ne fai­sait pas encore de privée.

Dominicain - pour prêche la retraite de première communion des enfants

La retraite com­men­ça, prê­chée par un jeune Père domi­ni­cain. Le pré­di­ca­teur rap­pe­la aux retrai­tants les grandes véri­tés de notre sainte reli­gion : la mort, le juge­ment, le ciel, l’en­fer… Roger, tout ému, repas­sa dans son esprit les nom­breuses fautes com­mises depuis six mois. Mais que dirait son confes­seur s’il lui avouait seule­ment aujourd’­hui sa misère ? Le pauvre petit pen­sa que jamais le prêtre n’a­vait enten­du de sem­blables choses… Et pour s’en­cou­ra­ger il répé­tait : « Mon Dieu, je vous jure de me confes­ser, mais plus tard, quand je serai sur mon lit de mort ! » Or voi­ci qu’à la veille de la clô­ture, le pré­di­ca­teur fit un ser­mon sur la mau­vaise . « On se confesse mal de deux manières, dit le Père ; en man­quant de contri­tion, c’est-à-dire en ne se repen­tant pas de ses péchés, ou en man­quant de sin­cé­ri­té, c’est-à-dire en cachant volon­tai­re­ment une ou plu­sieurs fautes graves. Dans ce der­nier cas on sort du confes­sion­nal encore plus cou­pable, car on y est entré simple pécheur et on en sort  ! Aujourd’­hui, mes enfants, vous trem­blez devant un homme ! Que sera-ce quand vous vous pré­sen­te­rez devant Dieu ! »

Ces paroles cou­ra­geuses firent cou­rir un fris­son dans l’au­di­toire… Roger n’en fut, bien sûr, pas exempt ! Et voi­ci que le pré­di­ca­teur conti­nuait, éten­dant la main vers lui comme pour le dési­gner : « J’ai peut-être sous les yeux un enfant qui n’a pas osé avouer ses fautes ! » Le cœur de Roger se mit à battre avec vio­lence… « Un enfant qui s’est dit froi­de­ment : j’ac­cu­mu­le­rai péchés sur péchés, mais mon confes­seur n’en sau­ra rien ! » Comme il a rai­son, mur­mu­ra Roger ! « Si cela est, ajou­ta le Père, il faut que dès aujourd’­hui le mal­heu­reux avoue tout ! » Je le veux, sou­pi­ra Roger ; j’en prends la ferme réso­lu­tion. « Un peu de cou­rage, mes enfants, conclut le pré­di­ca­teur, il y va peut-être de votre éter­ni­té ! » Le ser­mon ter­mi­né on enton­na le can­tique final. Le maître de cha­pelle, se trou­vant près de Roger, lui deman­da de chan­ter en solo le cou­plet, car il avait une très belle voix :

Chants pour la premiere communion« Grand Dieu,
Quel jour affreux
Luit à mes yeux,
Quel hor­rible abîme !
Oui l’enfer
Ven­geur de mon crime
Est ouvert,
Attend sa victime ! »

La voix du pauvre sopra­no trem­blait d’é­mo­tion en arti­cu­lant ces paroles ! Tant bien que mal Roger arri­va au der­nier vers puis, n’es­sayant plus de lut­ter, il fon­dit en larmes. Cette fois, c’é­tait bien déci­dé, il allait tout dire ! Hélas, son mau­vais génie veillait… Quelques ins­tants plus tard il quitte l’é­tude et se dirige vers la chambre de son confes­seur. Sou­dain Lau­dry se dresse devant lui ! « Que viens-tu faire ici ? » deman­da Roger. « Te dire un mot, un seul, répond le triste com­pa­gnon. Tu es un traître ! Tu m’a­vais juré de ne rien dire et main­te­nant tu vas tout racon­ter ! » « Oui, mais c’est à mon confes­seur ! » « Eh ! bien, j’entre moi aus­si, mais chez le Supé­rieur. » « Et que lui diras-tu ? » « Rien. Je lui mon­tre­rai sim­ple­ment ceci. » Et il tira un objet de sa poche. « C’est mon cou­teau, s’é­cria Roger. Celui que tu m’as cas­sé ! » « Oui… je ferai remar­quer au Supé­rieur que le bout de lame qu’il a trou­vé dans le tronc s’a­dapte par­fai­te­ment à celle-ci. » « Et après ? » « Après ! Il sera facile de connaître le pro­prié­taire… On te l’a assez vu sou­vent entre les mains ! Tu seras décou­vert et ren­voyé comme voleur. » « Je t’en prie, ne me fais pas ren­voyer, sup­plia Roger. Je t’ai­me­rai bien, tu ver­ras ! » « Si tu m’aimes, répon­dit le faux ami, obéis-moi. Je n’ai pas vio­lé mon ser­ment, garde le tien ! »

Et Roger, la honte au front, reprit le che­min de l’é­tude sans avoir vu son confesseur !

procession d'entrée des premiers communiants à l'église pour la messeEnfin le Grand Jour arri­va. À la cha­pelle, bon­dée de parents, M. de Pré­val, qui est veuf, a trou­vé une place près de l’au­tel de la Sainte-Vierge. Roger, durant le défi­lé, passe près de lui et se met à trem­bler. Ne va-t-il pas tra­hir et son père et le Bon Dieu ? Mais il est trop tard main­te­nant pour recu­ler… Voi­ci que la messe com­mence. À l’é­van­gile, le pré­di­ca­teur monte en chaire et parle de l’Eu­cha­ris­tie. Il rap­pelle sur­tout la Cène du Jeu­di Saint et le regard de Jésus qui, en cette heure solen­nelle, ren­con­tra cepen­dant celui de Judas ! Ces paroles frap­pèrent Roger. Il lui sem­bla sen­tir peser sur lui ce regard du Divin Maître. « O mon Dieu, pen­sa-t-il, ne des­cen­dez pas dans mon cœur ! » Mais la messe conti­nuait, ter­ri­ble­ment rapide pour le pauvre sacri­lège. Voi­ci la pré­face, puis le Sanc­tus. Ah ! s’il pou­vait enfin se confes­ser ! Mais c’est son propre confes­seur qui célèbre la messe ! Déjà la clo­chette annonce l’é­lé­va­tion… Les petites têtes s’in­clinent, là-bas, près de la Vierge, M. de Pré­val prie pour son fils. « Pre­nez-le, si vous le vou­lez, dit-il à Dieu. Faites-en un prêtre, un mis­sion­naire… Je vous le donne ! » la-confession-sur-la-gravure-de-1870-grave-par-t-w-knight-apres-un-tableau-de-d-wilkiePrès de Roger, Lau­dry savoure sa vic­toire. Encore quelques ins­tants et tout sera consom­mé. Mais le Bon Dieu veille. Tou­ché par la prière de M. de Pré­val, Il va don­ner à son fils le cou­rage qui lui manque. Au Pater, Roger, pous­sé par une force incon­nue, se lève, l’air réso­lu. Il va vers un de ses pro­fes­seurs et lui demande de l’ac­com­pa­gner jus­qu’à la sacris­tie. Le bon abbé a com­pris et suit son petit péni­tent. Bien­tôt, pen­ché sur sa poi­trine, comme Saint Jean au soir de la Cène, il déverse son ter­rible far­deau. Et le par­don des­cend, bien­fai­sant, sur cette âme tor­tu­rée depuis si long­temps ! Roger se relève, radieux… D’un pas rapide il rejoint ses cama­rades à la Table Sainte. Et quand il regagne sa place, les yeux modes­te­ment bais­sés, il n’est pas seule­ment puri­fié, il est transfiguré !

Le Cher­cheur

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