« Une âme en peine »

| Ouvrage : Autres textes .

Temps de lec­ture : 8 minutes

Conte de Noël

Dans son corps dou­lou­reux, l’âme était triste et meurtrie.

Plus que du froid de la nuit, plus que des dou­leurs dans les jambes d’a­voir tant mar­ché à tra­vers la ville, elle souf­frait d’un mal sourd et profond.

En cette veille de , l’âme en peine avan­çait par les rues, cher­chant à igno­rer la cause de sa souffrance.

Confession de Noël

Il y avait si long­temps qu’elle s’é­tait éta­blie dans l’in­dif­fé­rence ! Quand était-elle donc allée s’a­ge­nouiller la der­nière fois dans un confes­sion­nal pour rece­voir le par­don de ses fautes ? Elle ne s’en sou­ve­nait plus, ni de la der­nière fois qu’elle avait prié…

Ne croyez pas que c’é­tait l’âme d’un grand cri­mi­nel, non, c’é­tait une per­sonne ordi­naire, qui menait sa petite vie, juste oublieuse de la loi de Dieu qu’elle avait sub­sti­tuée par son bon plai­sir, par son égoïsme et par toutes sortes de bas­sesses qui fai­saient comme un bruit de feuilles mortes pous­sées par les tour­billons d’un vent mauvais.

— Était-ce un homme, était-ce une femme, me deman­de­rez-vous. Peu importe.

C’é­tait une âme plon­gée dans la tris­tesse, fruit inévi­table et amer que pro­duit la conscience en voyant, sans même vou­loir se l’a­vouer, tout ce qu’elle a per­du en reje­tant l’a­mi­tié de Dieu.

Il y en a tant de ces âmes, endur­cies par l’ha­bi­tude du scep­ti­cisme, dans les villes de notre pauvre France qui rede­vient païenne.

Toute la jour­née, elle s’é­tait agi­tée pour réunir les der­niers pré­pa­ra­tifs de Noël. Car l’âme, mal­gré l’a­ban­don de sa vie spi­ri­tuelle, se sou­ve­nait encore de la joie et de l’in­no­cence de ses pre­miers Noëls.

Elle avait soif d’un bon­heur qui sem­blait lui échap­per de plus en plus et, dans la mesure du pos­sible, elle essayait de recréer autour d’elle l’am­biance des Noëls de son enfance.

Elle était assez douée pour cela et réus­sis­sait mal­gré tout à ras­sem­bler encore quelques amis et quelques fami­liers autour d’un sapin bien déco­ré, d’une petite crèche et d’un repas de fête qui n’é­tait pas trop mélancolique.

Mal­gré les années écou­lées, l’âme immor­telle gar­dait l’empreinte de l’en­fant qu’elle avait été.

D’ailleurs, si vous prê­tez un peu d’at­ten­tion aux âmes des adultes, vous ver­rez qu’en elles l’en­fant n’est jamais très loin, même si les péchés les ont obscurcies.

Cet enfant fini­ra-t-il un jour par se réveiller ?

Depuis plu­sieurs jours déjà, l’arbre brillait de toutes ses boules et la crèche sur la che­mi­née n’at­ten­dait plus que l’Enfant-Jésus.

Avancer le mouton de la crèche de Noel

Chaque soir, l’âme alors inno­cente se réjouis­sait de faire avan­cer son mou­ton après la prière que sa maman lui fai­sait dire devant la crèche. Comme il était par­ti du haut de la col­line en papier, l’âme s’in­quié­tait un peu de savoir s’il arri­ve­rait à temps le soir de Noël, tout près de la mangeoire.

Son mou­ton lui rap­pe­lait qu’elle devait aus­si se pré­sen­ter à la grotte, toute blanche, pour adres­ser une fer­vente prière à l’En­fant-Jésus par l’in­ter­mé­diaire de la Sainte Vierge. C’é­tait là le meilleur cadeau qu’elle pou­vait faire à l’En­fant-Dieu, venu pour nous sauver.

— « Me sau­ver de quoi ? » avait-elle demandé.

La sau­ver du péché, lui ouvrir les portes du Ciel, la faire enfant de Dieu, la rache­ter de l’emprise du démon en mou­rant pour elle sur la Croix…

Au caté­chisme, l’âme avait bien com­pris qu’à cause de la faute com­mise par nos pre­miers parents qui ont déso­béi à Dieu, l’hu­ma­ni­té tout entière est deve­nue péche­resse, incli­née au mal, pri­vée de la vie divine, la vie de la grâce. C’est pour nous don­ner cette vie, pour nous libé­rer de l’es­cla­vage du péché que Jésus est venu et qu’Il est mort.

Jésus dans la crèche les bras en croix

Aus­si l’En­fant, cou­ché dans la man­geoire entre le bœuf et l’âne, ouvre ses petits bras qui nous accueillent, et déjà s’é­tendent en forme de croix.

Lorsque l’âme eut fait sa pre­mière com­mu­nion, Noël devint encore plus beau.

Comme la était lumi­neuse, à l’é­glise parois­siale ! Les cierges brillaient sur l’au­tel, les chants de Noël mon­taient dans la nuit et sur­tout, à la com­mu­nion, l’âme rece­vait Jésus, son Sau­veur. Elle L’a­do­rait comme les ber­gers l’a­vaient fait à la grotte de Beth­léem, s’of­frait à Lui et en retour un flot d’a­mour misé­ri­cor­dieux l’inondait.

Elle s’é­tait pré­pa­rée à cette ren­contre mer­veilleuse. Plu­sieurs jours aupa­ra­vant, elle était allée confes­ser ses fautes, hum­ble­ment, avec une vraie , auprès d’un vieux prêtre qui ne man­quait jamais de l’en­cou­ra­ger avec bon­té sur le che­min du bien. « Priez aus­si pour moi, mon enfant », lui deman­dait-il, « un jour pro­chain vien­dra où vous ne me trou­ve­rez plus là pour vous conseiller ».

L’âme res­sor­tait si légère du confes­sion­nal, pleine du bon­heur tran­quille de se savoir dans l’a­mi­tié de Dieu.

Et tous les soirs, pour se pré­pa­rer à Noël, elle réci­tait sa prière devant la crèche. C’é­tait une si belle prière qui s’a­dres­sait à la Sainte Vierge, Elle qui nous obtient tout de son Enfant.

— « Com­ment était-ce, déjà, cette prière ? » se deman­da l’âme en peine.

Du fond des années d’in­dif­fé­rence, les mots oubliés depuis si long­temps revinrent peu à peu à la surface.

« , très douce Vierge Marie, qu’on n’a jamais enten­du dire, qu’au­cun de ceux qui ont eu recours à votre pro­tec­tion… ait été abandonné ».

« … Ani­mé d’une pareille confiance, je viens vers vous ».

… Gémis­sant sous le poids de mes péchés, je me pros­terne à vos pieds.

… Ô Mère du Verbe incar­né, ne mépri­sez pas mes prières mais écou­tez-les favo­ra­ble­ment et dai­gnez les exaucer.

Dans un pre­mier mou­ve­ment d’or­gueil amer, l’âme se deman­da : « Serais-je donc la pre­mière à pou­voir dire que la Sainte Vierge n’est pas venue à mon secours ? » Puis elle se ren­dit bien compte qu’elle n’a­vait même pas pris la peine de récla­mer ce secours.

Tout en mar­chant dans les rues vides et froides, l’âme répé­tait les paroles de la prière de son enfance.

« Gémis­sant sous le poids de mes péchés… On n’a jamais enten­du dire, qu’au­cun de ceux qui ont eu recours à votre pro­tec­tion… ait été aban­don­né. …Ani­mé d’une pareille confiance, je viens vers vous ».

Une grande dou­leur enva­hit l’âme en peine, qui pre­nait conscience de l’é­tat lamen­table dans lequel elle se trouvait.

Du plus pro­fond d’elle-même, mon­tait le désir de rega­gner l’a­mi­tié de Dieu, de retrou­ver les par­fums du prin­temps de sa vie spi­ri­tuelle, de res­tau­rer l’in­no­cence perdue.

— « Est-ce encore pos­sible ? » s’in­ter­ro­gea-elle. On n’a jamais enten­du dire…

Alors, l’âme se déci­da. Du plus sin­cère qu’elle put, elle répé­ta les paroles du Sou­ve­nez-vous et deman­da à la Sainte Vierge de venir à son secours.

— « On ver­ra bien » pen­sa-t-elle, avec son peu de foi. Et elle tour­na le coin de la rue.

La lumière à l’in­té­rieur de l’é­glise illu­mi­nait les vitraux. La porte était ouverte. Hési­tante et sur­prise, elle entra. C’é­tait la veillée de Noël qui allait commencer.

Messe de minuit et veillée de Noël

Par le bas-côté, elle avan­ça jus­qu’à l’au­tel de la Vierge. Une mélo­die nata­line s’é­le­va de l’orgue. L’âme écla­ta en pleurs. Après tant d’an­nées des­sé­chées par l’é­goïsme, elle était inon­dée par les flots du repentir.

Les larmes ruis­se­laient sur son visage et sa poi­trine se sou­le­vait par sac­cades, comme san­glote un enfant…

Un prêtre était là, pour entendre les confes­sions. Et par les temps qui courent, ce ne fut pas le moindre des miracles que fit la Sainte Vierge cette nuit-là. L’âme alla s’ac­cu­ser de sa triste vie éloi­gnée de Dieu et reçut l’ab­so­lu­tion de ses fautes.

Je vous laisse à pen­ser la joie du Cœur de l’En­fant-Jésus lors­qu’Il vit, en cette nuit de Noël, son petit mou­ton blanc qui était revenu.

L’En­fant-Jésus est sur­tout venu pour les pécheurs. Il ne refuse jamais son par­don. Il accueille avec bon­té et misé­ri­corde l’humble contrition.

Aujourd’­hui comme hier, Jésus est la solu­tion pour le monde qui s’en­fonce dans la nuit du paga­nisme. Dans le plus grand drame de notre vie, ayons recours avec confiance à notre Sau­veur, par l’in­ter­mé­diaire de la Sainte Vierge à qui Il ne refuse rien.

Benoît Bemel­mans

Coloriage de noel pour les enfants

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