Conte de la petite chatte noire au jabot crème

Auteur : Martin, Samuel | Ouvrage : Autres textes .

Temps de lec­ture : 5 minutes

Il était une fois un homme et une femme qui venaient d’être chas­sés une fois de plus du seuil d’une hôtel­le­rie. « Il n’y a pas de place pour vous ! » avait dit, har­gneux, l’aubergiste, avant de cla­quer la porte. Avec la rapi­di­té propre à cet ani­mal, un chat s’était glis­sé hors de l’auberge juste avant que la porte ne se referme. Pour être exact, c’était une chatte de petite taille, avec des reflets roux et un jabot crème. Elle était mal nour­rie, mal trai­tée par l’aubergiste qui ne sem­blait l’avoir recueillie que pour en faire usage de souffre-douleur.

La petite chatte noire au jabot crème sui­vit le couple. Il parais­sait exté­nué. L’homme dit : « Arrê­tons-nous sous cet auvent. Il n’a pas l’air si mal. » Au bout de trois minutes la femme dit : « Il y a des cou­rants d’air ter­ribles. Ça n’ira pas. » Par ma mous­tache et mes reflets roux, se dit la petite chatte, si on me l’avait deman­dé, je vous l’aurais dit, moi, qu’à cet endroit le vent souffle froid.

L’homme, la femme – et la petite chatte que, pré­oc­cu­pés, ils n’avaient pas remar­quée – repar­tirent dans les rues. La femme dit : « Arrê­tons-nous dans ce caba­non. Nous y serons à l’abri du vent. » Au bout de deux minutes l’homme dit : « Quelle humi­di­té ! J’ai l’impression que mes os sont gla­cés. Ça n’ira pas non plus. » Par ma mous­tache et mon jabot, se dit la petite chatte, si vous me l’aviez deman­dé, je vous aurai ren­sei­gné : ce caba­non est l’endroit le plus humide du quartier.

Histoire du chat qui mêne la sainte Famille à NoëlIls repar­tirent, tou­jours sans s’apercevoir de la pré­sence de la petite chatte. Celle-ci était inquiète. Pas pour elle-même (elle trou­vait sa vie déjà meilleure), mais pour cet homme et cette femme. Elle voyait qu’ils devaient abso­lu­ment trou­ver un abri. Au bout de quelques ins­tants, on enten­dit l’homme : « Ah, foi de char­pen­tier, par ma doloire et mon her­mi­nette, qui me fiche ce sacré petit bout de chat dans les pattes ? » Car la petite chatte avait déci­dé de signa­ler sa pré­sence et, allant et venant dans les jambes de l’homme, elle avait man­qué le faire tré­bu­cher plu­sieurs fois.

— Joseph ! dit la Vierge. Est-ce le bon exemple de langage ?

— Oui, par­don­nez-moi, mais la situa­tion est assez com­pli­quée comme ça pour que cet ani­mal, en plus, me fasse dégringoler.

— Regar­dez comme elle est jolie et menue. Et ses reflets roux ! Et son jabot crème ! Elle nous regarde avec plus de sym­pa­thie que l’aubergiste.

La petite chatte miau­la avec auto­ri­té. Elle sem­blait indi­quer de la suivre. « Sui­vons-la, dit la Vierge. Qui sait ? »

La petite chatte aux reflets roux, au jabot crème, par­tit d’un pas vif. Quand elle sen­tait qu’ils avaient du mal à suivre, car la Vierge était enceinte et mar­chait péni­ble­ment, elle s’arrêtait, tour­nait la tête vers eux, miau­lait et repar­tait. Elle arri­va devant une étable et se fau­fi­la par une étroite fenêtre. « Il doit faire froid là-dedans, des cou­rants d’air en veux-tu en voi­là et de l’eau qui goutte du toit », dit Joseph.

Récit pour la veillée de noel au coin du feuIl pous­sa la lourde porte, tira une lampe à huile de son sac et allu­ma la mèche. L’endroit ne parais­sait pas si déplai­sant. Un bœuf et un âne les regar­daient avec éton­ne­ment. La petite chatte, qui avait l’air encore plus petite face à eux, se plan­ta devant le bœuf, lui envoya, sec et rapide, un coup de patte sur le museau ; fit de même avec l’âne ; et leur ayant mon­tré qu’elle avait auto­ri­té sur la mai­son­née, elle sau­ta dans une man­geoire pleine de paille et s’y mit en boule. « Bon, dit Joseph, croyons-en le chat. S’il se couche ici, c’est que c’est l’endroit le plus chaud, le plus confor­table et le plus sûr de la ville. » La petite chatte noire avec des reflets roux et un jabot crème s’endormit. Elle entrou­vrait de temps en temps les pau­pières pour s’assurer que tout, bêtes et gens, était à sa place. Sans le savoir encore, elle réchauf­fait la man­geoire où tout à l’heure, à ses côtés, on cou­che­rait l’Enfant.

Samuel Mar­tin

Extrait de Pré­sent du 25 décembre 2015

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