Étiquette : <span>Courage</span>

Auteur : Mariemy, Eli­sa­beth | Ouvrage : Et maintenant une histoire I .

Temps de lec­ture : 5 minutes

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Histoire de la maison en feu et du sauvetage du capitaine blesséNe pour­rais-tu pas me racon­ter encore com­ment tu es retour­né dans la mai­son en flammes, pour sau­ver ton chef qui allait mourir ? »

Rémy, sup­pliant, s’ac­croche à la manche de son aîné et insiste :

« Raconte encore ! Il était fort bles­sé à la tête le capi­taine, hein ? »

Le brouillard enve­loppe dou­ce­ment les deux frères, le jeune homme aux larges épaules et le petit gars à peine plus haut que les blés avant la moisson.

La terre mouillée colle à leurs semelles.

Ils vont, côte à côte, à pas lents, au bord d’un champ à demi labouré.

« Ça va, répond le grand Charles, sans quit­ter des yeux sa char­rue qui creuse un long sillon régu­lier der­rière Faraud, le che­val. Laisse-moi ! Dirait-on pas que j’ai fait une action extraordinaire ?

N’im­porte qui aurait ris­qué sa peau de bon cœur pour le capi­taine. Suf­fi­sait de le connaître…

Je l’ai rele­vé ; je l’ai empor­té avec un copain. Ben ! ça se devait. Puis, dans les coups durs — com­ment t’ex­pli­quer ? — y a je n’sais quoi qui vous tient… Enfin, je com­prends. Et la belle affaire d’être à moi­tié chic, pen­dant juste un quart d’heure, une fois ! Vois-tu, mon p’tit, du , c’est pas les grands jours qu’il en faut ; c’est du lun­di matin au same­di soir, et encore le dimanche avec ! A l’oc­ca­sion, même, on en a besoin pour des choses de rien du tout.

Je m’rap­pelle une his­toire qu’est arri­vée y a long­temps, je m’pré­pa­rais à ma Com­mu­nion solennelle…

Tu ne t’en sou­viens pas, de Angé­lique ? T’es trop jeune. T’a­vais trois ans quand elle a pas­sé, la pauv’femme.

Elle pre­nait déjà de l’âge, c’é­tait la sœur du grand-père.

| Ouvrage : Et maintenant une histoire I .

Temps de lec­ture : 6 minutes

Vaillance, devoir d’état.

Histoire pour illustrer Vaillance et Devoir d'état - Fjord en Norvège par Louis GurlittActive la navette, ma fille, et noue le chanvre et tire chaque maille, car il me faut un filet neuf. Vois mon grand bateau de pêche, il est prêt à labou­rer de sa carène d’or le pro­fond et pois­son­neux. J’ai dure­ment manié la hache pour abattre les grands sapins dans le champ gla­cé où des trou­peaux de rennes viennent brou­ter le lichen et l’é­corce tendre. Ah c’est un rude ouvrage, crois-moi, ma fille, de trans­for­mer le sapin blond, ce bois qui pleure à chaque coup, en un bateau dur à la vague, docile au vent et que ne mord pas la saumure.

Active la navette, ma fille, et noue le chanvre et tire et serre chaque maille, car il me faut un filet neuf. Mais je vou­drais un grand filet car, après Noël, je m’en vais pêcher avec ton frère Axel. Hâte-toi, ma fille, mets‑y tes dix doigts menus et déliés, tes yeux brillants comme givre, car j’ai besoin d’un filet fin. Mets‑y sur­tout ton cœur, ma Het­ta, c’est en effet un filet sans faille qu’il me faut. »

Récit pour les jeunes - Hetta faisant le filet de pêcheHet­ta fit donc un filet neuf. Elle y mit ses dix doigts… mais ses deux yeux pas bien sou­vent, car ils sui­virent, dis­traits, le vol argen­té des lents oiseaux émi­grants vers les îles.

Et son cœur, elle l’y mit moins encore. Il s’en­vo­lait, léger, au milieu des rêves qui fuyaient loin vers l’in­con­nu. Ain­si Het­ta glis­sa dans son ouvrage ce qui, jamais, n’y doit entrer. Elle y glis­sa, l’un par-des­sus l’autre, le Doute puis la Fraude.

« Pour­quoi tendre si fort le chanvre rêche ? Pour­quoi m’y écor­cher les mains ? Mon père veut-il du sang sur chaque nœud ? Sur mille et mille points de ma résille, qu’im­porte un petit fil qui baille ? Ce n’est pas pour un phoque ni pour une baleine, ni pour de bien gros pois­sons. Mon père ne pêche que le hareng ou le sprat ! Quel menu butin pour de tels efforts ! »

* * *

Un soir d’hiver,

Auteur : Dardennes, Rose | Ouvrage : À l'ombre du clocher - 1. Les sacrements .

Temps de lec­ture : 12 minutes

Confirmation

(histoire vraie)

Tous­saint 1867.

Depuis deux cents ans, à la suite de l’in­tré­pide Magel­lan décou­vrant le pas­sage mer­veilleux à la pointe sud de l’A­mé­rique, cor­vettes et fré­gates d’Eu­rope ont sillon­né les Mers du Sud (ain­si nom­mait-on, en ce temps-là, l’O­céan Paci­fique), abor­dé des îles incon­nues, ame­né bien­tôt les missionnaires…

Ile de toauA 500 lieues au nord-est de Tahi­ti, l’é­troite île d’A­naa allonge sur 80 kilo­mètres ses anneaux de corail en ellipse autour d’un vaste lagon cen­tral. Tout à l’en tour, la mer phos­pho­res­cente, à l’infini…

Sur la petite plage de sable étin­ce­lant, un homme debout scrute ces hori­zons illimitées…

— Ici, dit-il à quelques hommes au visage cou­leur de pain grillé, tous les Mao­ris sont deve­nus chré­tiens. Votre foi et votre fer­veur sont la joie de ma vie. Mais là-bas… plus loin ?…

Car « plus loin », sur des cen­taines de kilo­mètres d’o­céan, l’ar­chi­pel des Tua­mo­tous dis­perse ses îles basses « comme une immense cou­vée d’œufs qu’un méchant coq aurait bous­cu­lée… » Et par­mi celles-ci beau­coup, encore abso­lu­ment sau­vages à cette époque-là, ignorent le vrai Dieu et sont entou­rées d’une solide répu­ta­tion île féro­ci­té et de can­ni­ba­lisme. Les pre­miers Blancs qui y ont abor­dé étaient des pirates négriers : par force ou par ruse ils se sont empa­rés des popu­la­tions et les ont emme­nées tra­vailler sur les durs chan­tiers de Tahi­ti ou de Papeete… Deve­nus méfiants, les sur­vi­vants ont accueilli à coup de sagaies les autres Blancs venus pour ache­ter la nacre ou le coprah, et ils en ont offert plus d’un en sacri­fice expia­toire à leurs dieux offen­sés ; puis ils les ont dévo­rés en d’im­menses fes­tins rituels…

Un grand lève son regard d’es­car­boucle sur le mis­sion­naire pensif :

— Il y a dix-huit ans, nous étions comme eux, Ape­re­to. Mais tu es venu. Tu nous a annon­cé le Dieu qui aime tous les hommes et veut que tous les hommes s’en­tr’aiment. Tu nous as appris à construire des mai­sons, à creu­ser des puits, à gué­rir la fièvre. Nous vivons heu­reux et nous nous irons au ciel. Mais nous n’a­vons pas le droit de gar­der ce bon­heur pour nous. Veux-tu que nous le por­tions avec toi à nos frères des îles Basses ?

Ape­re­to — ain­si nomment-ils affec­tueu­se­ment dans leur langue caden­cée le Père Albert Mon­ti­ton, mis­sion­naire chez eux depuis long­temps — sou­rit à ces chré­tiens géné­reux et ren­dit grâce au Sei­gneur : « ceux-là sont pleins de l’Es­prit de Dieu »…

— Réflé­chis­sez. Je pars demain. Un voi­lier de com­merce consent à m’emmener. Il tou­che­ra de nom­breuses îles : j’y des­cen­drai, j’y annon­ce­rai Jésus. J’y lais­se­rai un caté­chiste pour conti­nuer l’œuvre amorcée…

Ils sont dix à s’of­frir, et les femmes ne sont pas les der­nières. Le Père les met en garde contre un enthou­siasme intempestif :

— Son­gez que nous ris­quons d’être accueillis à coups de lances…

— Nous ne

Auteur : Dardennes, Rose | Ouvrage : À l'ombre du clocher - 1. Les sacrements .

Temps de lec­ture : 5 minutes

Extrême-Onction

« Ton père va mieux ?

— Oui, il est reve­nu de l’hô­pi­tal. Même, il désire te voir, je venais te le dire.

— Me voir ? Moi ?…

Gui­laine est intri­guée. Que peut lui vou­loir le père de Colette ? Elle a peur aus­si de le voir encore dans le sang et avec des pan­se­ments, comme le jour de l’. Il y a trois semaines de cela, mais elle en est encore impressionnée.

couvreur

Elle jouait à la marelle, avec Josette. Elles enten­daient, sans y prendre garde, le toc-toc léger d’un mar­teau de cou­vreur sur les ardoises sonores.

— Tiens ! dit Gui­laine, le père de Colette est sur le toit de votre grange.

Elles le regar­dèrent une minute aller et venir sur le vieux toit, arra­chant ici un cous­sin de mousse, pous­sant là une ardoise…

— Brr !… je n’ai­me­rais pas être à sa place…

— Sur­tout sur le bord…

Der­rière elles, une voix les fit sursauter :

— S’il n’y avait que des as de votre trempe, il pleu­vrait sur votre lit, je pense !

Le fac­teur avait enten­du leurs dires et les regar­dait en riant. Gui­laine ouvrit la bouche pour lui répondre que les fillettes ne vont pas sur les toits. Mais la phrase s’é­tran­gla… un cra­que­ment, une ef­froyable dégrin­go­lade d’ar­doises, un cri, figèrent tout le monde…

— Ah ! mon Dieu !…

Le cou­vreur n’é­tait plus sur le toit. À sa place on voyait un grand trou… Le fac­teur cou­rait à la grange. Les gens sor­taient des mai­sons voisines…

Auteur : Des Brosses, Jean | Ouvrage : Et maintenant une histoire II .

Temps de lec­ture : 9 minutes

Notre-Dame

Pen­dant des siècles et des siècles, jus­qu’à ce qu’une main pro­fa­na­trice la détrui­sit en 1793, sous la Ter­reur, on véné­rait dans une très vieille cha­pelle, à La Saul­ne­rie, en Tar­de­nois, non loin de Reims, en Cham­pagne, une sin­gu­lière sta­tue de la Vierge. Cette sta­tue por­tait, pro­fon­dé­ment enfon­cé dans le genou gauche, un bizarre trait de fer, long d’une ving­taine de pouces. On l’ap­pe­lait « la Sar­ra­sine », mais nul ne savait trop pourquoi.

La toute récente décou­verte d’une ancienne légende cham­pe­noise vient enfin de don­ner le fin mot de cette his­toire bien mal connue. Elle mérite d’être contée. Je vais donc, ici, vous la dire.

* * *

embarquement pour la croisade à Aigues-MortesC’é­tait en l’an 1249. A cette époque, sous la ban­nière aux fleurs de lys de France, à la suite du très saint roi , comtes et barons d’An­jou, de Cham­pagne ou de Poi­tou, ducs, vidames ou simples sires d’Au­vergne et de Nor­man­die, des Flandres, d’Ar­tois ou de Lor­raine, tous grands sei­gneurs ou petit princes par­tirent pour le loin­tain Orient.

Cette sep­tième s’é­tait embar­quée le 1248 du port d’Ai­guës-Mortes, dans le golfe du Lion, récem­ment acquis par , pré­ci­sé­ment pour que l’ex­pé­di­tion chré­tienne par­tit d’un port .

Une Croi­sade n’é­tait pas une mince entre­prise, hâti­ve­ment conduite et bien­tôt ter­mi­née. Les armées s’é­bran­laient pour plu­sieurs années et, avec elles, une foule consi­dé­rable de très humbles gens ne por­tant ni heaumes, ni ban­nières, mais, tout modes­te­ment, les outils de leur état : enclumes des for­ge­rons ou pics des bâtis­seurs, draps et ciseaux des fai­seurs d’ha­bits, pétrins et fours des bou­lan­gers, charmes et houes des labou­reurs… Ne fal­lait-il pas, pour tant de gens s’exi­lant par delà les mers en des lieux par avance hos­tiles, pré­voir qu’ils ne devraient comp­ter que sur eux-mêmes ?

* * *

Or, c’est ain­si qu’à la sep­tième Croi­sade se trou­va entraî­né, dans la trei­zième année de son âge, Thi­baut, de La Saul­ne­rie, en Tar­de­nois, fils d’un humble save­tier. Son père, que le sire de Mont­mi­rail avait enga­gé dans l’ex­pé­di­tion, s’é­tait vu contraint, étant veuf, d’emmener avec lui son fils dans la grande aven­ture. Thi­baut, au prin­temps 1249, débar­quait en Égypte, le roi Louis ayant choi­si ce pays pour y lan­cer ses pre­miers assauts.

Saint Louis - DamietteIl y eut d’a­bord un grand suc­cès, puisque les Croi­sés, presque sans coup férir, purent s’emparer de .

Ah ! que Thi­baut trou­vait donc alors la Croi­sade, en même temps que la plus sainte chose, assu­ré­ment, la plus agréable aus­si qui se pût conce­voir en ce monde ! On bour­lin­guait sur des flots magni­fiques, on décou­vrait des pays d’or et d’a­zur, d’où les enne­mis s’en­fuyaient, aban­don­nant d’i­nes­ti­mables tré­sors entre les mains de leurs vainqueurs.

Tous étaient très bons pour Thi­baut, depuis les plus grands chefs, tel le Séné­chal de France, Mon­sei­gneur de , jus­qu’au der­nier des sol­dats. Tous