Conte de Marchello, le petit berger

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Temps de lec­ture : 6 minutes

Ce soir-là, au , le Roi Mar­son et la reine dînaient aux chan­delles. Les ménes­trels jouaient un air de man­do­line. On en était au dessert.

Sou­dain, la reine dit :

— « Les fêtes de approchent, Sire. »

— « Je sais, dit le roi. Et je n’ou­blie pas que nous régnons déjà depuis 25 ans. C’est l’oc­ca­sion de faire plai­sir à nos sujets. »

Certes, l’oc­ca­sion était rêvée, mais encore fal­lait-il trou­ver une idée ori­gi­nale, digne d’un roi.

Des idées, le roi n’en avait pas. Il n’en avait jamais et les pro­po­si­tions de la reine ne lui plai­saient guère. Quant aux ministres, ils se cas­saient bien la tête, mais ne trou­vaient rien d’ex­tra­or­di­naire. Fut alors appe­lé le seul vrai savant de la mai­son, maître Mer­lin. Il était un peu sor­cier et débor­dait d’imagination.

— « Moi, j’ai la solu­tion à votre pro­blème, sire ! » Et, il mon­tra un joli cof­fret pré­cieux rem­pli de pièces d’or et une clé.

— « Alors ? », fit le roi.

— « Alors ! Voi­ci une clé magique… Elle ne tourne dans la ser­rure que si celui qui l’a en main pense jus­te­ment ce qu’il faut pen­ser. Lui seul peut alors empor­ter le cof­fret et vivre riche. »

— « Mais, à quoi faut-il donc pen­ser ? » inter­ro­gea le roi.

— « Ah ! ça c’est un secret que je ne puis dévoi­ler ! C’est vos sujets qui doivent cher­cher ! », répon­dit Maître Merlin.

* * *

Cette idée plut au roi et à sa dame. Aus­si­tôt , un jeune trou­ba­dour par­cou­rut la ville pour en infor­mer les habitants.

Coffret magique à clef - Partage de Noël

Un cof­fret pré­cieux au palais ? Une clé à secret ? Empor­ter le conte­nu ? Pour tou­jours ? Une idée de maître Merlin ?.….

En ville, les gens ne par­laient plus que de cela. La bou­lan­gère oublia les pains dans le four. Ils avaient brû­lé. Et le fer­mier, qui ne pen­sait plus qu’à gagner ce cof­fret, lais­sa la bar­rière ouverte, si bien que son che­val s’échappa…

La veille de Noël, dès le matin, une longue file de cher­cheurs de bon­heur atten­dait à la porte du palais. Le roi et la reine les regar­daient dis­crè­te­ment d’une petite fenêtre. Ils s’a­mu­saient beau­coup. Un garde sur­veillait le cof­fret pen­dant que maître Mer­lin, caché der­rière une ten­ture, obser­vait le dérou­le­ment des faits.

À tour de rôle, les habi­tants de la région essayaient de faire tour­ner la clé.

— « Ah ! Je vais me faire construire un châ­teau aus­si grand que celui du roi » pen­sa l’au­ber­giste du vil­lage en agi­tant la clé dans la serrure.

— « Finie, la cor­vée du pain ! » mau­gréa la bou­lan­gère en s’a­char­nant sur le coffret.

— « Moi, je vais ouvrir une banque… Je serai riche, car je vais prê­ter ce tré­sor avec de gros inté­rêts ! » se dit un des ministres, en cher­chant à for­cer le couvercle.

En vain ! Au bout de la mati­née, per­sonne n’a­vait réus­si. L’a­près-midi ? Pas davantage.

Oh ! Il y avait bien un ban­dit de grands che­mins qui crut voir son heure de gloire arri­vée, quand la clé sem­bla tour­ner. Hélas ! son rêve de deve­nir roi s’ef­fon­dra, car le cof­fret ne s’ou­vrit pas. Et le fer­mier qui pen­sait rache­ter un superbe che­val fut déçu lui aus­si, tout comme le tis­se­rand qui ne pen­sait qu’aux magni­fiques bro­cards d’or qu’il pour­rait acqué­rir avec tout ce tré­sor, et comme encore le méde­cin qui rêvait de deve­nir maître de la facul­té de Paris… ou la pay­sanne qui pen­sait riva­li­ser avec les beaux atours de la reine…

Le cof­fret gar­dait son secret et res­tait bel et bien fer­mé. Le roi et la reine com­men­çaient à trou­ver le temps long…

Berger de Noël

Mais voi­là que Mar­cel­lo, le petit ber­ger, qui arri­vait vers l’é­glise du châ­teau pour la messe de minuit enten­dit par­ler aus­si de cette nou­velle éton­nante. Dans ses mon­tagnes, l’an­nonce n’é­tait pas venue jus­qu’à lui. Le patron ne riait pas quand un mou­ton se per­dait. Déjà qu’il rece­vait à peine de quoi aider sa pauvre famille…

Mar­cel­lo mit donc à son tour la clé dans la ser­rure. Il ne savait vrai­ment pas à quoi pen­ser. Il avait tant de sou­cis, mais il se dit que si le cof­fret s’ou­vrait, il l’of­fri­rait de tout son cœur à ses pauvres parents…

« C’est vrai », mur­mu­ra-t-il… « Ils sont si bons, je leur appor­te­rais nour­ri­ture et vête­ments ; je ferais soi­gner ma petite sœur malade ; je per­met­trai à mes frères d’al­ler à l’é­cole. Et sûre­ment qu’il res­te­rait encore des pièces d’or pour les plus mal­heu­reux du village ! »

Comme il pen­sait à tout cela, le roi et la reine et tous les habi­tants du vil­lage n’en crurent pas leurs yeux. La clé venait de tourner !

Le petit ber­ger en pleu­ra de joie. Maître Mer­lin quit­ta alors sa cachette et le féli­ci­ta d’a­voir pen­sé aux autres plu­tôt qu’à lui-même.

— « Emporte ce cof­fret », lui dit-il, « et vis heu­reux main­te­nant avec tous ceux que tu aimes ! »

Le bon­heur déjà illu­mi­nait son visage. Quand il s’a­ge­nouilla devant la crèche, ce soir-là, Mar­cel­lo se sen­tit enva­hi par une immense paix et une grande joie. Il enten­dait Jésus lui mur­mu­rer dans le creux de l’o­reille : « Ce que vous avez fait au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous l’a­vez fait… Ce que vous avez fait au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous l’a­vez fait »…

D’a­près un conte de Julie River,
Album Bon­jour Noël !, décembre 1985
Éd. Averbode

L'adoration des bergers par Giorgione

Source : http://www.idees-cate.com/le_cate/contesdenoel.html

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