Catégorie : <span>La semaine de Suzette</span>

| Ouvrage : La semaine de Suzette .

Temps de lec­ture : 10 minutes

Vos Petits Frères d’Alsace

Voi­ci le vrai mois de l’en­fance. Saint-Nico­las, puis Christ­kin­del ou Noël, ces mots résonnent agréa­ble­ment aux oreilles des enfants de tous les pays. 

À la Saint-Nico­las, la nuit venue, la famille est ras­sem­blée devant le poêle ron­flant : les petits attendent avec anxié­té l’ar­ri­vée du grand Patron. Ils sont aux écoutes : la conver­sa­tion des parents ne sau­rait les dis­traire. Ils s’a­vancent jus­qu’à la porte, tendent l’o­reille… La nuit est gla­ciale ; par un temps pareil, le saint aura-t-il le cou­rage de sor­tir ?… Tout à coup, vers neuf heures, des pas résonnent sur le sol gla­cé. Une clo­chette argen­tine, le brai­ment sonore d’un bour­ri­quet, les coups dis­crets à l’huis… c’est lui, enfin ! Oui, ce sont les trois coups accou­tu­més et les trois sonneries… 

La maman se dis­pose à ouvrir, les enfants deviennent muets ; ils se blot­tissent dans le coin le plus recu­lé, ser­rés les uns contre les autres : la visite d’un saint, c’est tou­jours une chose importante. 

La porte s’ouvre et la figure de saint Nico­las appa­raît sur le seuil. Son com­pa­gnon, le ter­rible Hans Trapp, attache à l’an­neau exté­rieur le licol de l’âne char­gé de jouets. Tous se lèvent et s’in­clinent. Saint Nico­las, majes­tueux et bien­veillant, appuie sa main gauche sur sa crosse et de la dextre il bénit, avec un petit dis­cours de bien­ve­nue, et demande :

— Où sont les enfants sages ? Ils auront des frian­dises, des jouets, mais les autres… 

Et il montre la porte. 

— Hans Trapp apporte pour eux des verges trem­pées dans du vinaigre. S’ils ne pro­mettent pas d’être meilleurs l’an­née qui vient, il va les jeté dans sa hotte. Il les enfer­me­ra dans sa caverne jus­qu’à Noël, sans chan­delle, sans feu, au pain sec, à l’eau claire ; ils cou­che­ront sur des fagots…

Ce dis­cours fait trem­bler ceux qui ont des pec­ca­dilles sur la conscience. Mais comme ils se repentent, comme ils sont réso­lus à se corriger ! 

Saint Nico­las lit dans le fond de leurs cœurs. Il leur par­donne, il aime tant les enfants ! Et la dis­tri­bu­tion commence. 

Pour­tant, il advient qu’un endur­ci n’a pas méri­té l’ab­so­lu­tion et encore moins les récom­penses. Alors Hans Trapp ouvre brus­que­ment la porte ; il entre, rou­lant des gros yeux furieux, son fagot de verges à la main. Un bruit de chaînes accom­pagne ses mouvements. 

Il s’é­lance à la pour­suite du mau­vais sujet, qui tremble, pleure, joint les mains, se jette à genoux, pro­met de ne plus recom­men­cer, et Saint Nico­las inter­vient. Mais il est sévère, le bon saint ; il consent bien à lais­ser ce vilain gar­çon, cette méchante petite fille à ses parents, mais il se conten­te­ra, pour cette fois, de les pri­ver de jouets et de frian­dises. Quelques semaines plus tard, Hans Trapp sévi­ra avec Christ­kin­del. Il sera impi­toyable et les empor­te­ra pour tou­jours enchaî­nés. La famille feint natu­rel­le­ment la plus grande frayeur, la maman pleure à l’i­dée de perdre son petit… Saint Nico­las et Hans Trapp s’é­loignent. Ils vont exer­cer leur minis­tère chez les voisins. 

La neige couvre la terre de son épais man­teau blanc. Par­tout s’ouvre la foire aux sapins. Les arbres de Noël des­cendent de la forêt vos­gienne. Il y en a pour toutes les bourses, des petits et des grands. Les bou­tiques se sont gar­nies de bou­gies et de lampes, de jouets, et ont été bien vite déva­li­sées par les parents pré­voyants. Le 24 décembre sera jour ou plu­tôt soi­rée de grande fête. Les baraques foraines encombrent la place publique. Elles offrent aux convoi­tises enfan­tines cent mer­veilles ; mais ce qui par-des­sus tout attire les regards des gar­çons, ce sont les sif­flets. Qui­conque pos­sède quelques sous achète un sif­flet, et les rues du pays, s’emplissent d’une assour­dis­sante caco­pho­nie. D’où vient cette rage de sif­flets à Noël ? Nul ne le sait et nul n’o­se­rait ten­ter d’in­ter­dire l’in­fer­nale concert. 

Presque chaque mai­son a son sapin et bien des mamans pré­parent l’arbre de Noël autour duquel, comme à la Saint-Nico­las, la famille veille­ra. Les familles se ras­semblent, des amis se joignent aux parents. Les bou­gies sont allu­mées, à la grande joie des bam­bins : on rit, on chante, les vieux se sentent rajeu­nir au sou­ve­nir des Noëls pas­sés ; ils se revoient enfants, ils évoquent dans leurs mémoires l’i­mage des chers disparus. 

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Le 16 mars 2020, c'est l'exact centenaire de la canonisation de sainte Jeanne d'Arc. Voici un petit hommage à notre grande sainte nationale !

Lorsque Jeanne d’Arc[1] était encore à Dom­ré­my, elle avait pour voi­sins de pauvres gens dont le fils unique était infirme. Petit Pierre avait sept ou huit ans de moins que Jeanne.

Le pauvre enfant était bos­su et ne mar­chait qu’a­vec des béquilles ; ne pou­vant se mêler aux jeux des autres gar­çons, il était rebu­té et sou­vent raillé par eux.

Sa vie eût donc été fort triste sans Jeanne qui l’a­vait pris en affec­tion ; elle le cares­sait, le conso­lait, l’emmenait gar­der les bêtes avec elle dans les champs ; et lui contait des histoires.

Petit Pierre ado­rait Jeanne. Quand celle-ci lui apprit qu’elle avait une mis­sion à rem­plir, qu’elle allait par­tir pour la bataille contre les Anglais, il pen­sa mou­rir de chagrin.

Jeanne le conso­la de son mieux. « Quand le roi sera sacré à Reims, dit-elle, je revien­drai ! — Oh ! s’é­cria Petit Pierre, les yeux brillants, j’i­rai à Reims te chercher ! »

  1. [1] Cette bande des­si­née est parue dans la Semaine de Suzette en 1915 ; aus­si Jeanne d’Arc n’é­tait pas encore cano­ni­sée. C’est pour­quoi le scé­na­riste ne la nomme pas « sainte Jeanne d’Arc », mais seule­ment « Jeanne d’Arc ».
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Conte de Pâques

Histoire pour la fête de Pâques, racontée aux enfants

Dans une petite ville du moyen âge, aux rues étroites, aux toits poin­tus, vivait, il y a bien long­temps, la fille d’un humble potier. On l’appelait Jac­quotte la sérieuse, car, bien qu’elle n’eût que douze ans, elle ne son­geait pas à jouer comme les autres petites filles mais pas­sait ses jour­nées dans l’atelier de son père, à recueillir les débris d’argile qui tom­baient du tour du potier ; elle les pétris­sait dans ses mains, puis, avec des outils de cise­leur que son père lui avait fabri­qués sur sa prière, elle tra­çait dans la pâte molle des guir­landes de fleurs, des fruits, des oiseaux, et toutes les figures que lui ins­pi­rait sa fan­tai­sie. Un jour, le bruit se répan­dit que le sei­gneur de la ville avait déci­dé d’offrir une cloche à l’église. Comme il la vou­lait très belle, tous les maîtres cise­leurs étaient invi­tés à concou­rir pour sa déco­ra­tion : les pro­jets devaient être expo­sés sur la place publique le jour du ven­dre­di saint, et le peuple assem­blé serait juge.

Jac­quotte, quand elle apprit cela, fut sai­sie d’une sorte de fièvre.

— Père, sup­pliait-elle, faites-moi une cloche d’argile, pour que j’essaie de la décorer.

— Y songes-tu ? répon­dit en riant le potier. Tu vou­drais concou­rir, mau­viette, avec des arti­sans qui ont du poil au menton !

Pour­tant, il finit par céder aux larmes de sa fille, et se mit à l’ouvrage, tout en haus­sant les épaules. Mais il avait tant tar­dé que la cloche ne fut ache­vée que le soir du jeu­di saint.

— Allons dor­mir, main­te­nant, dit-il à Jac­quotte. En te levant de bonne heure, tu auras encore le temps d’être prête pour le concours, et il dis­si­mu­la un sou­rire dans sa barbe.