Josepho a douze ans et a été baptisé voici une semaine. Le Père l’a donné en exemple à ses compagnons de classe, car il sait son catéchisme sur le bout du doigt C’est d’ailleurs pourquoi il porte aujourd’hui autour du cou un chapelet plus beau que celui de ses camarades. Personne cependant ne le jalouse, car tous savent que c’est une récompense méritée et que par ailleurs Josepho est le plus aimable garçon de l’école. Hier encore, il est parti avec deux maigres poulets pour acheter des remèdes à sa bonne maman qui est très malade. Josepho l’aime tellement !
Hélas, il sera bientôt orphelin, murmure-t-on autour de lui et il est le seul catholique de toute sa famille ! Cependant, tout ce que l’enfant a appris au catéchisme, il l’a redit et expliqué du mieux qu’il a pu à sa mère. Le Père a dit que celui qui meurt aussitôt après son baptême va droit au Paradis. Josepho voudrait bien voir sa maman heureuse auprès du « Grand Dieu des Blancs », car elle a toujours été bonne pour lui. Mais comment faire ? Toute la famille s’oppose au baptême de la malade. L’année précédente quelqu’un n’est-il pas mort au village peu après avoir été baptisé ? C’est le missionnaire qui lui avait jeté un mauvais sort, a murmuré le sorcier…
Si aujourd’hui la mère de Josepho devient chrétienne elle mourra certainement aussitôt après ! Triste raisonnement de ces pauvres Noirs victimes de leur ignorance et esclaves de leurs sorciers ! La mère de Josepho ne les connaît que trop bien… Aussi donne-t-elle à son fils des conseils de prudence. « Josepho, si je meurs baptisée, tu seras chassé de la famille ! Où iras-tu alors ? » Et pourtant le missionnaire l’a dit : « Celui qui meurt aussitôt après le baptême entre tout droit au ciel ! » Et cette nuit sera peut-être la dernière que maman passe sur la terre, songe Josepho. Que faire ?







C’était à la sanglante bataille de la Moskowa, où Russes et Français s’étaient battus avec un acharnement farouche. Le général de Caulincourt venait d’enlever les positions ennemies pour la troisième fois lorsque la cavalerie française, ayant à sa tête le capitaine Bakel, entra comme un ouragan dans les murs de Borodino. Les Russes la saluèrent par une terrible décharge d’artillerie. Le capitaine Bakel, blessé à la jambe et à l’épaule, tomba de cheval. Ses soldats le relevèrent et l’emportèrent aussitôt au pas de course sous une pluie de balles. Peu à peu le silence se fit sur le champ de bataille… et le vaillant capitaine, ouvrant les yeux, sourit en entendant le clairon français sonner la victoire. « Nous sommes vainqueurs, murmura-t-il… J’y comptais bien ! »
