Saprice et Nécéphore
∼∼∼∼∼∼∼∼∼∼∼∼
« Quels bons amis ! » disait-on, en voyant passer par les rues d’Antioche, Saprice et Nécéphore. Qu’arriva-t-il ? De quelle faute Nécéphore se rendit-il coupable envers Saprice ?… Toujours est-il que ces deux hommes si liés jusque là, se brouillèrent ; bien plus, se détestèrent et, se haïrent. L’Évangile dit que « Caïphe et Pilate, d’ennemis qu’ils étaient, devinrent amis » ; à rebours, Saprice et Nécéphore, d’amis qu’ils étaient, devinrent ennemis Scandale pour les païens ; ne disaient-ils pas des chrétiens : « Voyez comme ils s’aiment ! »
Nécéphore reconnaît sa faute et court se réconcilier avec Saprice ; mais Saprice refuse son pardon.
Sous Valérien éclate une grande persécution : l’Empereur ordonne de sacrifier aux idoles ; sinon, c’est la mort.
Saprice est arrêté. Il a la foi, il est courageux, et se montre brave dans les tortures : « Mon corps est en votre puissance, dit-il aux bourreaux ; pas mon âme ! Dieu seul en est le Maître !
— Qu’il ait la tête tranchée ! » ordonne Valérien.
Apprenant la condamnation de son ancien ami, qu’il a d’ailleurs recommencé à aimer, Nécéphore se place sur le chemin que prendra le cortège. Quand passe Saprice, il se jette à ses pieds : « Martyr de Jésus-Christ, pardonne-moi la faute que j’ai commise contre toi
— Non ! »
Par une traverse, Nécéphore prend de l’avance, et quand passe son ami : « Pardon ! Pardon !… Pardonne-moi, je t’en prie ! »
Saprice ne le regarde même pas. Arrivé au lieu de l’exécution, Nécéphore tombe aux genoux de celui qui va mourir, et malgré les moqueries, il s’accuse encore, il supplie : « Ami, pardonne-moi au nom du Christ ! »
Saprice ne desserre pas les lèvres. A‑t-il donc renié la parole de Jésus : « Si au moment de présenter ton offrande à l’autel, tu te souviens que ton frère a quelque chose contre toi ; — À plus forte raison, si c’est toi qui a quelque chose contre ton frère ; laisse là ton offrande et va, d’abord, te réconcilier avec ton frère. »