XII
Pie XI, en 1925, proclamait bienheureux six jésuites qui furent, au XVIIe siècle, à la suite d’un premier essaim franciscain, les pères spirituels de la chrétienté canadienne, alors appelée la Nouvelle-France. En 1930, il les canonisait. Deux étaient des Parisiens, le Père Lallemant et le Père Garnier ; deux étaient des Normands, le Père Daniel et le Père Brébeuf ; il y avait un Orléanais, le Père Jean Jogues ; un Lozérien, le Père Chabanel. Latinistes consommés, ces jésuites, au début de leur carrière, avaient savouré la splendeur des belles séances de collège où s’étalait, devant des auditeurs de choix, l’ampleur des phrases cicéroniennes ou l’élégance des vers latins. Mais sans hésiter, leurs imaginations prenaient congé de ce Cicéron, de ce Virgile et autres païens avec lesquels les études classiques les avaient mis en amitié, pour s’évader vers d’autres païens, vers les indigènes de cette vallée du Saint-Laurent, dont un de leurs devanciers, le Père Lejeune, écrivait aux Jésuites de France : « Il n’y a lieu au monde où la rhétorique soit plus puissante qu’au Canada. » Ils partaient donc, avec l’illusion généreuse que leur rhétorique, outre-mer, leur servirait encore de quelque chose, et bientôt ils constataient que ce qui les attendait et ce que Dieu leur demandait d’accepter, c’étaient les souffrances et c’était la mort. Chabanel, un jour, crut sentir qu’il se fatiguait de cette vie d’épreuves et de périls ; pour réagir, pour se dompter, il s’obligea, par vœu, à vivre au Canada… Et vouloir y vivre, c’était accepter d’y mourir.

« Sortant d’un lieu bien poli, écrivait le Père Brébeuf, vous tombez entre les mains de gens barbares, qui ne se soucient guère de votre philosophie et de votre théologie. » Par surcroît, ces « barbares » étaient des nomades ; on arrivait pour les « fixer », pour les rendre sédentaires, et tout d’abord on était contraint de les suivre, tandis que, de forêt en forêt, tant bien que mal, ils cherchaient leur vie ; si leurs recherches étaient vaines, il leur restait la ressource d’être anthropophages, et parfois ils en usaient. Un autre péril, plus subtil mais non moins grave, guettait le missionnaire ; il fallait éviter d’acquérir trop de prestige, car on courait le risque, alors, de passer finalement pour un sorcier, pour l’instrument d’une puissance supérieure… Aucune impression n’était plus propre à déchaîner la rage des Iroquois, et tout de suite, ils en venaient aux plus atroces supplices. Il leur semblait qu’en s’acharnant sur ces corps de prêtres, ils écarteraient de leur terre et de leur atmosphère une mystérieuse influence qui les épouvantait.




José Luis Sanchez del Rio est né le 28 mars 1913 à Sahuayo del Diaz, petit village de l’État de Michoacán. Il était le troisième de quatre frères. Sa famille, de descendance espagnole, était fortunée. Il aidait toujours autant qu’il le pouvait les pauvres et les plus démunis. Il aimait les chevaux et savait les monter comme peu. Il était toujours très amical et s’entendait bien avec tous. Il n’a jamais profité de sa taille ou de sa force pour dominer ses compagnons. C’était un garçon sain et de caractère agréable, zélé et ingénieux, aimable et simple, très obéissant et délicat envers ses parents ; mais surtout très fervent, il fréquentait les sacrements et récitait le chapelet tous les jours.



