XIII
L’apostolat de l’Extrême-Orient. Les prêtres en Chine et en Indo-Chine ; leurs martyrs
Roi d’Espagne et plus encore roi de Portugal détestaient de voir arriver, dans leurs colonies de l’Extrême-Orient et du Nouveau-Monde, des missionnaires d’autres nations. « Nous protégeons les missionnaires, disaient ces deux rois, mais nous ne voulons protéger que des missionnaires de chez nous. » Le Saint-Siège était hostile à une telle étroitesse de vues ; il voulait, lui, que toutes les nations chrétiennes eussent le droit et la possibilité d’envoyer en terres païennes des apôtres. Le pape Grégoire XV, en 1622, considéra que ce n’était pas à la royauté d’une nation, mais à la Papauté, de diriger la grande œuvre d’évangélisation ; il groupa autour de lui quelques cardinaux en un conseil, qui s’appela la « Congrégation de la Propagande » ; et c’est cette congrégation qui depuis plus de trois siècles organise la propagation de la vérité chrétienne à travers l’univers.
Tout de suite des Français de bonne volonté s’offrirent à la Papauté pour l’aider. Il y eut d’abord le Père Joseph, capucin, grand ami du cardinal de Richelieu, qui, d’accord avec Rome, envoya des capucins dans tout le bassin oriental de la Méditerranée. Il y eut saint Vincent de Paul, qui, ayant fondé les Lazaristes, dépêcha quelques-uns d’entre eux pour tenter de convertir la grande Île de Madagascar. Il y eut enfin, aux alentours de 1660, deux prêtres de France, Pallu et La Motte Lambert, qui organisèrent le séminaire des Missions Étrangères en vue de former des clercs pour la conversion de l’Extrême-Orient, Indo-Chine et Chine ; et le Saint-Siège, en nommant ces deux prêtres vicaires apostoliques, — ce qui leur permettait de faire chez les païens office d’évêques, — leur donnait cette consigne, de recruter au plus tôt, dans, les chrétientés qu’ils allaient fonder, des prêtres de race jaune, de teint jaune, capables de devenir, parmi leurs compatriotes, ce que Jésus-Christ appelait « le sel de la terre ».
Les prêtres des Missions Étrangères, qui compteront bientôt trois siècles d’existence, ont travaillé pour le Christ en Indo-Chine et dans l’Hindoustan, en Chine, et depuis soixante-dix ans au Japon.
Deux jésuites, le Père Ricci en Chine, et le Père de Nobili aux Indes, au début du XVIIe siècle, dans un élan de grande charité, s’étaient montrés pleins de bienveillance pour les vieux rites chinois et indiens, en essayant de leur donner une signification compatible avec les dogmes chrétiens ; il leur paraissait que les populations, si l’on pouvait maintenir une partie de leurs usages religieux, passeraient plus aisément au christianisme. En Chine, les jésuites qui succédèrent au Père Ricci prirent à la cour de l’empereur, comme astronomes et mathématiciens, une très grande influence, et l’on put croire, un instant, que la cour impériale était bien proche de se faire chrétienne. Mais des réactions se produisirent : réaction des influences païennes, à la cour ; réaction des autres instituts missionnaires qui envoyaient des apôtres en Chine, Dominicains, Franciscains, Missions Étrangères, contre les charitables ménagements que dans certaines chrétientés chinoises on affectait pour les rites païens, et qui risquaient, disait-on, d’amener des abus. La Papauté, au début du XVIIIe siècle, partagea ces craintes : le jugement qu’elle porta, dans la question dite des rites chinois, ouvrit une nouvelle période durant laquelle de nombreuses persécutions sévirent.