Notre-Dame
Pendant des siècles et des siècles, jusqu’à ce qu’une main profanatrice la détruisit en 1793, sous la Terreur, on vénérait dans une très vieille chapelle, à La Saulnerie, en Tardenois, non loin de Reims, en Champagne, une singulière statue de la Vierge. Cette statue portait, profondément enfoncé dans le genou gauche, un bizarre trait de fer, long d’une vingtaine de pouces. On l’appelait « la Sarrasine », mais nul ne savait trop pourquoi.
La toute récente découverte d’une ancienne légende champenoise vient enfin de donner le fin mot de cette histoire bien mal connue. Elle mérite d’être contée. Je vais donc, ici, vous la dire.
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C’était en l’an 1249. A cette époque, sous la bannière aux fleurs de lys de France, à la suite du très saint roi Louis IX, comtes et barons d’Anjou, de Champagne ou de Poitou, ducs, vidames ou simples sires d’Auvergne et de Normandie, des Flandres, d’Artois ou de Lorraine, tous grands seigneurs ou petit princes partirent pour le lointain Orient.
Cette septième Croisade s’était embarquée le 25 août 1248 du port d’Aiguës-Mortes, dans le golfe du Lion, récemment acquis par saint Louis, précisément pour que l’expédition chrétienne partit d’un port français.
Une Croisade n’était pas une mince entreprise, hâtivement conduite et bientôt terminée. Les armées s’ébranlaient pour plusieurs années et, avec elles, une foule considérable de très humbles gens ne portant ni heaumes, ni bannières, mais, tout modestement, les outils de leur état : enclumes des forgerons ou pics des bâtisseurs, draps et ciseaux des faiseurs d’habits, pétrins et fours des boulangers, charmes et houes des laboureurs… Ne fallait-il pas, pour tant de gens s’exilant par delà les mers en des lieux par avance hostiles, prévoir qu’ils ne devraient compter que sur eux-mêmes ?
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Or, c’est ainsi qu’à la septième Croisade se trouva entraîné, dans la treizième année de son âge, Thibaut, de La Saulnerie, en Tardenois, fils d’un humble savetier. Son père, que le sire de Montmirail avait engagé dans l’expédition, s’était vu contraint, étant veuf, d’emmener avec lui son fils dans la grande aventure. Thibaut, au printemps 1249, débarquait en Égypte, le roi Louis ayant choisi ce pays pour y lancer ses premiers assauts.
Il y eut d’abord un grand succès, puisque les Croisés, presque sans coup férir, purent s’emparer de Damiette.
Ah ! que Thibaut trouvait donc alors la Croisade, en même temps que la plus sainte chose, assurément, la plus agréable aussi qui se pût concevoir en ce monde ! On bourlinguait sur des flots magnifiques, on découvrait des pays d’or et d’azur, d’où les ennemis s’enfuyaient, abandonnant d’inestimables trésors entre les mains de leurs vainqueurs.
Tous étaient très bons pour Thibaut, depuis les plus grands chefs, tel le Sénéchal de France, Monseigneur de Joinville, jusqu’au dernier des soldats. Tous