D’un chevalier à qui Notre-Dame s’apparut

Auteur : Coincy, Gautier de | Ouvrage : Les plus beaux miracles de la Vierge .

Temps de lec­ture : 5 minutes

Chevalier soupirant après son amour

Il était un beau qui ne rêvait que tour­nois et fêtes. Une dame occu­pait sa pen­sée, ses soins, qui ne le payait pas de retour et se mon­trait d’au­tant plus rebelle qu’il la sup­pliait davan­tage et la sou­hai­tait plus ardem­ment. C’est pour­quoi, las et per­dant cou­rage, il por­ta sa peine devant un saint homme d’abbé.

« Sire, lui confia-t-il, d’au­cunes ont un cœur de plomb, mais celle que j’aime en a un de fer. Depuis que je la connais, je ne mange ni ne bois ou ne repose. Et je vais, j’en suis sûr, mou­rir de male mort, si vous ne me sauvez. »

L’homme de Dieu connut la gra­vi­té du cas. Il sut que, pour de tels maux, il n’est point de médi­ca­tion tem­po­relle. Aus­si jugea-t-il bon de ne pas com­battre de front l’ad­ver­saire et de faire appel à la grâce et à la misé­ri­corde infi­nie du Christ et de la mère du Christ. Il ordon­na au péni­tent de dire cent cin­quante fois par jour, durant une année « le doux salut de  ». Mais il dou­ta que le jeune homme eût la force d’ob­ser­ver un tel com­man­de­ment, il crai­gnit la séduc­tion du monde pour un cœur géné­reux et vif. Et une ardente volon­té déjoua sa vieille prudence.

Du Chevalier à qui Notre-Dame s'apparut

Le che­va­lier, en effet, renon­çant à tout se cloî­tra, pas­sa ses jours et ses nuits en prières et fit effort pour chas­ser de son esprit le sou­ve­nir des assem­blées, des joutes, des com­bats, sans réus­sir pour­tant à ban­nir de sa mémoire les traits char­mants et cruels qui lui avaient pro­cu­ré tant de misère. À genoux, dans sa cha­pelle, il met toute son étude à prier Notre-Dame. Et il ne sait la sup­plier d’autre chose, sinon de lui don­ner enfin son amie dont le visage, dit-il, res­semble à la douce lune du Ciel.

Son vœu tou­chait au terme quand le prin­temps revint. Il y avait des chan­sons sur tous les arbres et dans tous les cœurs. La lumière brillait par­mi l’eau des fon­taines et l’œil des créa­tures. Notre reclus vou­lut se délas­ser au plai­sir de la chasse et par­tit à tra­vers la foret avec fau­cons et chiens. En route, il aper­çut une cha­pelle et l’i­dée lui vint d’y entrer pour s’ac­quit­ter auprès de Notre-Dame de sa dette quo­ti­dienne. Il fit là une orai­son très pres­sante et très tendre. Il sup­plia la Mère aux mul­tiples dou­leurs de le prendre en pitié, d’ar­ra­cher de sa poi­trine l’ai­guillon qui le poi­gnait ou de le satisfaire.

— « Donne-moi, lui dit-il, donne-moi mon amie au clair visage, aux mains si blanches, aux bras si beaux, au corps si par­fait que jamais Nature n’en for­ma de pareil. Je lui ai voué mon âme. Donne-la moi si tu veux que cette âme ne se sépare de ma chair… »

Conte du Moyen Age - Le choix du chevalier

Il par­lait avec des larmes abon­dantes et une mer­veilleuse peine. Or, voi­ci sou­dain ce qu’il vit : dans une gloire incom­pa­rable la Vierge lui appa­rut. Elle por­tait sur sa tête blonde une cou­ronne de perles, sa pru­nelle était un clair miroir et elle res­plen­dis­sait toute comme le matin des jours. Et sa beau­té parais­sait telle qu’on ne pou­vait plus, après l’a­voir aper­çue, se sou­cier d’une autre beauté.

— « Ami, dit-elle, doux ami, celle qui te fait sou­pi­rer et en si grande erreur t’a mis, est-elle plus belle que moi ? »

Le Che­va­lier, de frayeur, se lais­sa choir, les mains sur ses yeux, et Celle qui est toute pitié reprit :

— « Or, prends garde, Ami. Me voi­ci, tu connais l’autre. Celle-là sera ton amie que tu aime­ras le mieux de nous deux. »

— « Dame, répon­dit-il, je n’hé­si­te­rai point. Vous en valez cin­quante mille comme elle. À toutes les heures de ma vie, je veux vous servir. »

— « Là-haut, dès lors, lui pro­mit-elle, tu me retrou­ve­rais à toi. Joies, délices et com­pa­gnie de mon saint amour tu auras, pour­vu que tu fasses aus­si pour moi ce que tu as fait pour ta mon­daine et que cent cin­quante saluts tu me dises, sans pas­ser jour durant un an. Puis, ce sera l’éternité. »

Le che­va­lier tint parole. Il fit tondre sa belle tête, se reti­ra de son amie, puis se mit à dépé­rir de nou­veau, mais cette fois d’ar­deur céleste. Et les douze mois révo­lus, la Mère de Dieu, à son tour fidèle à sa parole, vint le prendre pour l’en­dor­mir dou­ce­ment contre son sein.

Coloriage Assomption de la Très Sainte Vierge

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