Catégorie : <span>Au cœur de la Provence</span>

Auteur : Filloux, H. | Ouvrage : Au cœur de la Provence .

Temps de lec­ture : 8 minutes

Le chant des Alyscamps

Devant nous s’ouvre la longue allée, bor­dée de hauts peu­pliers d’I­ta­lie au feuillage touf­fu. De chaque côté s’a­lignent des tom­beaux, des dalles funé­raires, des monu­ments en ruines. Ici, une date qu’on déchiffre avec peine ; là, un nom à demi effa­cé. Cette allée de tom­beaux rap­pelle les voies romaines que les riches habi­tants de Rome bor­daient de leurs sépulcres. Ain­si, avant d’en­trer dans la ville des vivants, on tra­ver­sait la cité des morts.

L’é­vêque Tro­phime, le pre­mier, eut là son tom­beau et ce fut, dans la suite, un grand hon­neur d’être enter­ré auprès du saint. Évêques et sei­gneurs, com­mer­çants et bour­geois aimaient à venir dor­mir là leur der­nier som­meil. Dans les villes au bord du Rhône, on confiait les cer­cueils au fleuve, avec une offrande pour les marins qui les repê­chaient. Ain­si, ceux qui s’é­taient endor­mis du grand som­meil n’é­taient point oubliés ; ils se mêlaient à la vie de tous les jours et la vue de ces tom­beaux était une leçon pour les vivants. Car ceux qui repo­saient à l’en­trée de la cité, c’é­taient ceux-là qui l’a­vaient faite de leurs tra­vaux, de leurs peines, de leurs sueurs.

Les riches tom­beaux ont dis­pa­ru : il ne reste plus que ces pauvres dalles effri­tées et nues, sous l’al­lée magni­fique des peu­pliers. Au fond, la vieille église en ruines de Saint-Hono­rat. Ce , c’est le saint de , un des pre­miers évêques d’, qui vint des brumes du Nord au pays du soleil et lui don­na tout son cœur. Son his­toire est si belle que je ne puis résis­ter à l’en­vie de vous la conter. Asseyons-nous sur ces dalles, à l’ombre des feuillages, dans le cou­chant recueilli.

Saint Hono­rat est né, là-bas, dans une grande cité grise au bord du Rhin, vers l’an 360. Ses parents étaient de nobles sei­gneurs esti­més de tous et grands étaient leurs biens. Sa mère, avant sa nais­sance, avait vu, dans un songe, une gerbe de feu jaillir de son cœur. Elle pen­sait : « Que sera mon enfant ? »

Cet enfant, qu’on appe­la Andro­nich, fit la joie de ses parents : tou­jours sou­riant, très doux, avec un gra­cieux visage où brillaient des yeux vifs, sous une auréole de blonds che­veux. Il devint un éco­lier stu­dieux, mer­veilleu­se­ment doué, si bien qu’il dépas­sa même son frère aîné.

Jeune homme, il fai­sait l’en­vie des mères, tant il était aimable et cour­tois. Comme ses parents, il était païen et sacri­fiait aux dieux des Romains, maîtres du Rhin, comme du Rhône, maîtres du monde d’a­lors. Une aven­ture mer­veilleuse vint trans­for­mer sa vie. Comme il était à la chasse avec des amis, il aper­çut un cerf magni­fique qui, à sa vue, s’en­fuit dans les four­rés. Piqué au jeu, Andro­nich des­cend de che­val, oubliant ses com­pa­gnons pour pour­suivre la bête. Course dif­fi­cile à tra­vers la forêt. Tout à coup, le jeune homme voit devant lui s’ou­vrir une caverne. Curieux il s’ap­proche et découvre trois hommes vêtus de laine blanche, por­tant de longues barbes. Pris de peur, il songe à s’en­fuir, mais il lit tant de bon­té sur les visages qu’il avance jus­qu’à la caverne. Le cerf s’ac­crou­pit aux pieds des soli­taires. Andro­nich s’é­tonne et s’émerveille.

— Ce cerf appar­tient au Sei­gneur, explique le plus âgé des hommes, au Sei­gneur Dieu que nous ado­rons et il vit fami­liè­re­ment avec nous qui l’ap­pe­lons au nom de Jésus.

Alors, l’un des ermites, Caprais, conte au jeune homme atten­tif la mer­veilleuse his­toire du Christ. Ce Jésus de Naza­reth, mis en croix par amour pour les hommes, ne lui était pas incon­nu. On en avait sou­vent par­lé devant lui, il avait enten­du dis­cu­ter son ensei­gne­ment dans les écoles, mais il le consi­dé­rait jusque là tel que le lui avaient mon­tré ses parents : comme un mal­fai­teur, un fau­teur de troubles jus­te­ment condam­né. Aujourd’­hui, dans la caverne ouverte sur la forêt, il com­prend, son erreur et déjà son cœur loyal s’at­tache à Jésus. Enfin, le cerf le guide vers ses com­pa­gnons inquiets de sa longue absence.

Saint Honorat rencontre St Caprais en Provence

Auteur : Filloux, H. | Ouvrage : Au cœur de la Provence .

Temps de lec­ture : 7 minutes

Un étrange équipage

Dans le golfe pai­sible de Saint-Tro­pez vint abor­der un jour le plus étrange équi­page qu’on ait jamais vu. Les vagues durent être bien éton­nées de por­ter si curieuse barque : ni vergues, ni mâts. A la proue, un pauvre coq tout apeu­ré, crête pâle, plumes héris­sées. A la poupe, un chien de qui jette de tous côtés des regards inquiets. De gou­ver­nail, de pilote, point. Mais une main invi­sible semble conduire la barque car elle ne se détourne point de sa route et va droit au . Des ailes d’anges la poussent dou­ce­ment sur l’eau tran­quille où se mirent les étoiles. Der­rière elle, miroite un long sillage d’argent. Silen­cieu­se­ment glisse la barque mys­té­rieuse… Les trois ou quatre pêcheurs qui sur­veillent, là-bas, leurs filets, les yeux fixés sur le car­reau de liège, n’ont point détour­né la tête.

Tout dort au vil­lage. Sou­dain, une femme pousse sa porte, frappe chez sa voisine.

— Eh ! voi­sine, réveillez-vous !

Bien­tôt la rue est en alerte et le quar­tier et le port. On entoure la com­mère qui, d’un air encore effa­ré, avec de grands geste, conte son songe.

— J’ai vu une barque, bonne Mère, sans voile ni gou­ver­nail, avec un coq et un chien comme équi­page. Elle se diri­geait vers le port. Elle porte le corps d’un saint  !

Quelques jeunes pêcheurs ont sou­ri et haus­sé les épaules.

Récit et Légende de Saint Tropez - Arrivé du corps de St Tropez en bateau

— Un coup de soleil, la vieille, t’a tour­né la cervelle !

Cepen­dant, tout ce peuple, curieux et avide d’a­ven­tures a gagné le port. Là-haut, les étoiles pâlissent ; une grande clar­té blanche se lève sur la mer. Les vagues viennent battre la grève à petits coups régu­liers. De barque, point… Là-bas, deux bateaux de pêche qui rentrent à force de rames.

Coco­ri­co !

Auteur : Filloux, H. | Ouvrage : Au cœur de la Provence .

Temps de lec­ture : 15 minutes

Qui sont ces saintes Maries de la Mer que l’on trouve en ?… C’est une his­toire très belle, si belle que les vagues cares­santes — pour l’é­cou­ter, cou­raient le long du rivage, — à troupeaux.

À la conquête des âmes

Ces saintes Maries, ce sont les amies du Christ, ces saintes femmes qui le sui­vaient, au long des che­mins de Pales­tine, alors qu’il allait, annon­çant « la bonne nouvelle ».

Histoire des Saintes Maries de la Mer pour les jeunesLes Trois Maries : Marie-Jaco­bé, sœur de la Vierge ; Marie-Salo­mé, mère de Jacques et Jean, les apôtres au cœur ardent et Marie de Mag­da­la, la Made­leine, sœur de Marthe et Lazare, celle que Jésus avait gué­rie de ses péchés et qui, fidèle, jus­qu’au bout l’ac­com­pa­gna de son amour. Avec elles, Marthe, la bonne maî­tresse de mai­son, et Sara, la ser­vante au brun visage.

Les Juifs, qui avaient fait mou­rir le Sau­veur, fer­mant au mes­sage divin leurs oreilles et leur cœur, mal­trai­taient ses amis. Ils chas­sèrent de leur pays les saintes femmes, les jetant dans une barque sans gou­ver­nail, sans voiles ni rames. Ils embar­quèrent en même temps Lazare, le res­sus­ci­té, Maxi­min l’é­vêque et le saint vieillard Tro­phime, témoins gênants du Christ.

Sur la mer bleue, qui bai­gna les pieds de Jésus, au rivage de Pales­tine, vogue la barque au caprice des flots. Une vague la lance à l’autre vague, comme un jouet. Jours gris sous un ciel tour­men­té de nuages, nuits inter­mi­nables où ne sou­rit aucune étoile. La tem­pête fait rage : tan­tôt au fond d’un gouffre plonge la barque ruis­se­lante d’embruns ; tan­tôt, comme un fétu de paille, une trombe d’eau la sou­lève et, tran­sis et trem­blants, les pauvres voya­geurs lèvent leurs regards sup­pliants vers le Ciel.

Les saintes prient, confiantes… tout dre e li man jun­cho « toutes droites et les mains jointes ». Invi­sibles, les Anges guident la barque… Vers les côtes de Pro­vence, pour en faire don au beau pays qui sera la France, tout dou­ce­ment, ils la poussent… Sur le rivage désert, les exi­lés abordent à la plage de sable fin.

À genoux, les amis du Christ remer­cient le Sei­gneur. Ils baisent cette terre qui les accueille et, pleins de zèle, les voi­là qui partent à la conquête des âmes.

Lazare, dans Mar­seille, la riche et orgueilleuse cité, porte le mes­sage du Christ, ami des pauvres et des humbles et Mar­seille pleure ses péchés.

La Sainte Baume

Où va celle-ci, les yeux bais­sés sous son voile qui dérobe aux regards l’é­clat de sa che­ve­lure d’or, si belle que, pour la voir pas­ser, les vieux pins se font signe.

Par les landes pier­reuses, les vignobles et les oli­vettes, par delà les mon­ta­gnettes peu­plées de pins odo­rants, elle va… Long­temps, long­temps elle marche sur les pas d’un guide invi­sible à nos yeux. C’est Marie-Made­leine, Marie la contem­pla­tive, que Dieu appelle dans la solitude…

La noire mon­tagne des Maures court le long de la mer ; une autre chaîne, plus éle­vée, par le même che­min, s’en va vers Mar­seille. Sur la plus haute mon­tagne, Made­leine suit l’ap­pel divin. Et voi­ci que s’ouvre devant elle une vaste forêt qui laisse dans l’é­ton­ne­ment, tant elle est dif­fé­rente des pay­sages du Midi. Plus de pins ni d’eu­ca­lyp­tus, plus d’o­ran­gers ni de chênes-liège, mais de hautes fûtaies de hêtres et de chênes que jamais ne pro­fane la hache du bûche­ron. Quel silence, quelle soli­tude dans ses- pro­fon­deurs ! Tout en haut, par­mi les rochers sau­vages, une grotte béante, comme sus­pen­due au-des­sus de l’a­bîme. Sans hési­ter, Marie-Made­leine pénètre dans l’ou­ver­ture de rochers. C’est là la demeure que le Sei­gneur lui a choi­sie : la sainte Baume[1].

  1. [1] Baume signi­fie : grotte.
Auteur : Filloux, H. | Ouvrage : Au cœur de la Provence .

Temps de lec­ture : 5 minutes

Récit de Noel, pour la crèche - SantonnierDans la clar­té de la lampe, près de la porte ouverte aux par­fums du soir, maître Ambroise fume son calu­miau, sa courte pipe de terre. Sa grande barbe, ses abon­dants che­veux gris sous le large feutre lui donnent l’air d’un de la mon­tagne. Ses petits yeux bleus étin­cellent de vie.

Mère-grand. — Eh ! bon­soir, maître Ambroise, ces pichoun viennent voir vos Santons.

Maitre Ambroise. — Té, voi­sine, c’est le moment. Avec les grands jours, on va les lais­ser dor­mir dans l’ar­moire. Ce soir, on y tra­vaille encore, mes filles sur­tout qui ont des doigts de fée car mes vieilles mains deviennent maladroites.

Chan­tal. — Nous aime­rions tant savoir com­ment vous fabri­quez ces char­mants petits per­son­nages si pleins de vie.

Maitre Ambroise. — Ah ! pichot, c’est tout un art, voyez-vous. Il n’y a plus beau­coup de san­ton­niers aujourd’­hui, des vrais j’en­tends. Il s’en trouve bien encore qui vous font des petits bons­hommes de terre cuite, bar­bouillés de rouge, de jaune, de bleu. Mais on ne peut pas appe­ler ça des San­tons ! Eh ! péchère, 

Auteur : Filloux, H. | Ouvrage : Au cœur de la Provence .

Temps de lec­ture : 5 minutes

Laure. — Puisque nous par­lons de , venez tous, les amis, regar­der notre .

Michèle. — Le ravis­sant petit Jésus, blond et rosé, cou­ché sur la paille !

Chris­tine. — Et la Vierge, sa mère, en tunique bleue, avec ce long voile blanc qui des­cend en plis gra­cieux sur ses épaules, comme elle est belle !

JacLa crèche de Noël pour les mômes - Frise des santons de Provenceques. — Saint Joseph me plaît dans sa robe vio­let fon­cé et son man­teau jaune.

Chris­tian. — Mais qui sont tous ces petits per­son­nages ran­gés au fond de la boîte ?

Clé­mence, sau­tant de joie. — Té, ce sont nos San­tons ! Vous ne connais­sez pas les Santons ?

Dans une boîte de carton,
Som­meillent les petits Santons,
Le et le rémouleur
Et l’En­fant Jésus Rédempteur.
Le Ravi qui le vit
Est tou­jours ravi.
Les mou­tons En coton,
Sont ser­rés au fond…
Un soir alors paraît l’é­toile d’or
Et tous les petits Santons
Quittent la boîte de carton.
Naï­ve­ment dévo­te­ment,
Ils vont à Dieu por­ter leurs vœux,
Et leur chant est tou­chant.
Noël ! Joyeux Noël !
Noël joyeux de  !