Le beau travail du santonnier

Auteur : Filloux, H. | Ouvrage : Au cœur de la Provence .

Temps de lec­ture : 5 minutes

Récit de Noel, pour la crèche - SantonnierDans la clar­té de la lampe, près de la porte ouverte aux par­fums du soir, maître Ambroise fume son calu­miau, sa courte pipe de terre. Sa grande barbe, ses abon­dants che­veux gris sous le large feutre lui donnent l’air d’un ber­ger de la mon­tagne. Ses petits yeux bleus étin­cellent de vie.

Mère-grand. — Eh ! bon­soir, maître Ambroise, ces pichoun viennent voir vos Santons.

Maitre Ambroise. — Té, voi­sine, c’est le moment. Avec les grands jours, on va les lais­ser dor­mir dans l’ar­moire. Ce soir, on y tra­vaille encore, mes filles sur­tout qui ont des doigts de fée car mes vieilles mains deviennent maladroites.

Chan­tal. — Nous aime­rions tant savoir com­ment vous fabri­quez ces char­mants petits per­son­nages si pleins de vie.

Maitre Ambroise. — Ah ! pichot, c’est tout un art, voyez-vous. Il n’y a plus beau­coup de san­ton­niers aujourd’­hui, des vrais j’en­tends. Il s’en trouve bien encore qui vous font des petits bons­hommes de terre cuite, bar­bouillés de rouge, de jaune, de bleu. Mais on ne peut pas appe­ler ça des San­tons ! Eh ! péchère, ça n’a pas de vie dans le regard. Ce n’est pas la , ça.

Récit de la fabrication d'un santon - l'ArlésienneUn , cela se pré­pare de loin. Il faut avoir vu son modèle, vivant, l’a­voir bien regar­dé, bien com­pris ; le voir dans son ima­gi­na­tion, long­temps, long­temps, comme un ami. Alors, un beau jour, on est prêt. Tenez, cette Arlé­sienne, c’est moi qui l’ai créée. Des jours et des jours, j’ai cher­ché à gra­ver dans mon esprit les traits de son visage, le velours de son bon­net, les plis de sa jupe, de son fichu. Puis je me suis mis au travail.

D’a­bord, je me pro­cure de l’ar­gile, de la rouge qui se tra­vaille plus faci­le­ment. Je l’é­crase en pous­sière et la passe dans un crible fin. Je l’en­toure d’un linge humide pour qu’elle ne sèche pas. Elle est prête pour le mode­lage. Je fais mon petit per­son­nage comme vous faites un bon­homme de glaise. Je prends une boule d’ar­gile comme cela et je la modèle avec les doigts, puis avec les ébau­choirs que vous voyez là. Je façonne le cos­tume, le bon­net. Le visage est le plus dif­fi­cile à réus­sir car il faut lui don­ner une expres­sion, de la vie.

Histoire de la réalisation d'un santon - Travail du santonCe petit bon­homme d’ar­gile a un rôle à jouer à la . Lorsque mon San­ton est enfin ache­vé, qu’il me plaît, je puis pro­cé­der au mou­lage qui me per­met­tra de repro­duire mon modèle autant de fois que je le dési­re­rai. Ma fille, Jeanne, va vous mon­trer com­ment elle a mou­lé mon Arlé­sienne. Pour le mou­lage, on emploie du plâtre blanc. Le moule se fait en deux par­ties, plus les acces­soires, cha­peaux, bras, cor­beilles, etc., qu’on rat­tache ensuite au corps.

Regar­dez bien, Jeanne passe à l’huile la petite figu­rine d’ar­gile pour qu’elle ne colle pas. Elle veut mou­ler le devant. Donc, elle pose à plat le dos sur une plaque d’ar­gile molle. Elle appuie un peu pour qu’elle marque bien sa place. Puis, de chaque côté, elle presse de l’ar­gile jus­qu’à la moi­tié de l’é­pais­seur. Le devant reste nu. Alors, sur cette par­tie nue, Jeanne verse dou­ce­ment le plâtre bien détrem­pé, rete­nu par le cadre de bois. C’est le plâtre, une fois séché, qui donne un moule en creux. On retire le modèle : si le moule n’est pas fen­du, il est prêt à ser­vir. On pro­cède de même pour le dos.

Autour de Noel : les santons de la crèche - arlesienne brutAlors, on va pou­voir faci­le­ment obte­nir une nou­velle Arlé­sienne et des dou­zaines d’autres. Voyez : je prends un petit rou­leau d’ar­gile, je le presse dans le moule, avec le pouce et l’in­dex, gar­nis­sant bien tous les creux. Je rem­plis de même le deuxième moule et je les attache tous les deux en ser­rant fort, pour que tout se soude bien. Dans dix minutes, l’ar­gile sera sèche ! Je reti­re­rai mon San­ton, ferai quelques petites retouches et le met­trai demain à sécher au soleil. Il sera cuit comme ceux-ci. Il pas­se­ra à la déco­ra­tion : c’est l’af­faire de mes filles.

Mlle Jeanne. — C’est un joli tra­vail que de mettre en cou­leurs : fichus, vestes, gilets, bas. Nous usons sur­tout de cou­leurs vives : rouge, vert, jaune, bleu, rosé. Je place sur une même ligne tous les San­tons sem­blables. Je peins d’a­bord tous les visages, toutes les che­ve­lures, puis tous les cha­peaux. Ensuite fichus, jupes, etc., de haut en bas. Cela va plus vite et on éco­no­mise les couleurs.

Maitre Ambroise. — Notre Arlé­sienne sort du moule. Sans ses cou­leurs, elle est bien terne, péchère. Mais vous ver­rez, demain soir, comme on la fera brave, té !

Santon de Provence pour la crèche de Noël - Arlésienne finie

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