Étiquette : <span>Noël</span>

Auteur : Giraud, Mad H. | Ouvrage : La semaine de Suzette .

Temps de lec­ture : 6 minutes

C’EST incroyable ! s’é­cria Cadiche, voi­ci encore la vieille Sophie qui fait un nou­veau gâteau ! C’est au moins le qua­trième depuis deux jours et elle n’a pas l’air dis­po­sée à s’arrêter !

Ata­lante, la jolie jument ale­zane, regar­da l’âne avec pitié : 

— Toi qui es tou­jours si bien infor­mé, dit-elle, je suis sur­prise que tu ne saches pas que c’est demain Noël, un grand jour de fête !

— D’au­tant plus, rumi­na Colombe, une grosse vache blonde, que tu devrais te rap­pe­ler l’his­toire que l’on t’a contée comme à moi, quand tu étais petit, et dans laquelle l’un de tes ancêtres, comme l’une des miennes, réchauf­fait le petit Jésus qui venait de naître…

— Beuhhh… dit le bœuf, vous vous trom­pez ma com­mère ! C’é­tait l’un de mes ancêtres, à moi !

| Ouvrage : Autres textes .

Temps de lec­ture : 7 minutes

Par une nuit froide de décembre, le mis­tral souffle. Je des­cends de ma chambre et que vois-je ? La crèche illu­mi­née par une douce lumière éma­nant des san­tons. Je me tiens coite et j’at­tends, fixant les yeux sur cette crèche pour­tant fami­lière que je ne recon­nais plus. Qu’a-t-elle chan­gé ? Rien, seule­ment cette lumière. Tiens, on dirait qu’elle trans­forme les per­son­nages. Ils sou­rient et semblent vivants. Je m’en­har­dis à leur par­ler. Voyant l’ange jouf­flu qui bat des ailes, je lui demande :

— « D’où viens-tu petit ange ? »

Petit ange de Noel - santon de la crèche

Mais que se passe-t-il ? Il me répond :

— « Je viens du ciel et j’ai pour nom Bouf­fa­reo. On m’a appe­lé ain­si parce que j’ai de grosses joues à force de souf­fler dans ma trom­pette. Dieu m’a envoyé sur terre pour son­ner de mon ins­tru­ment à la nais­sance de son Fils. Mais je n’ai pas bien chaud avec mes seules ailes pour me couvrir.

— Je peux te don­ner ma polaire. »

L’ange, recou­vert, sou­pi­ra d’aise. Pour me remer­cier, il m’emmène voir la Sainte Vierge. Oh ! Quel émo­tion ! Pen­sez donc, entrer dans la crèche, dis­cu­ter avec un ange, l’ai­der et, pour cou­ron­ner le tout, ren­con­trer Notre-Dame, c’est quelque peu excep­tion­nel. Mais la bonne Dame du ciel me met tout à fait à l’aise :

— « Entre donc ! Tu m’as l’air frigorifiée

— Mais Notre-Dame…

— Je ne suis pas plus Notre-Dame que tu es Esther. Appelle-moi Marie, comme tout le monde.

— Si vous me le deman­dez, je suis bien for­cé de vous obéir.

Marie accueille la fillette à la crèche de Noël

— Pour­quoi me vou­voies-tu ? Suis-je une per­sonne si respectable ?

— Bien sûr puisque tous les catho­liques vous prient.

— Ah ! Je com­prends. Tu est l’é­lue du siècle.

— L’é­lue du siècle ?

— Oui, chaque siècle, une âme pure à le pri­vi­lège d’en­trer dans la crèche pour une nuit. Tu as choi­si la nuit de Noël par chance. Tu ver­ras la nais­sance de mon Fils. Mais puis-je te deman­der un service ?

— Oui, assurément.

— Alors va cher­cher le bœuf et l’âne que requiert la tradition. »

Je pars cher­cher les deux ani­maux et les trouve facilement.

Auteur : Giron, Aimé | Ouvrage : Le sabot de Noël .

Temps de lec­ture : 16 minutes

L’hor­loge a son­né… un — deux — trois — quatre — cinq — six — sept — huit — neuf – dix — onze — douze… — Minuit !

À chaque coup un ange se déta­chait de la cloche et s’en­vo­lait au ciel : Noël ! Noël ! L’en­fant Jésus est né !… Noël !

Voi­ci que de la tour de l’é­glise monte un bour­don­ne­ment comme si des ruches s’é­veillaient. — Ce sont en effet les cloches, grosses abeilles du clo­cher, qui com­mencent à vol­ti­ger. Dig ! ding ! dong ! Noël ! Noël ! Dig ! ding ! dong !

De très loin on entend leur carillon. — Les cor­beaux qui logent à côté, dans la char­pente, s’en­volent par les ouver­tures en criant, et ils tour­noient comme une cou­ronne noire autour de la flèche pointue.

Dig ! ding ! dong ! Noël ! Noël ! Dig ! ding ! dong ! Les branches nues des arbres se balancent. les portes des mai­sons s’ouvrent. les sabots passent dans la rue.

Aux fenêtres les lampes s’al­lument, et par les che­mi­nées s’é­chappent des fumées bleues, comme des filets de gaze à prendre les papillons d’hi­ver. — Le feu pétille clair et joyeux sur la pierre du foyer.

Le vent roule la neige contre les por­tails des cours, et secoue au bord du toit le ché­neau de fer-blanc.

Dans le gre­nier quel vacarme ! Noël ! Noël ! Dig ! ding ! dong !

Écou­tez au jour de l’é­table. Les bœufs meuglent… les agneaux bêlent… les coqs chantent… les poules caquettent… — Les voi­là éveillés !

Ils ont tous pres­sen­ti l’an­ni­ver­saire de la nuit où l’en­fant Jésus est venu au monde. On avait gar­ni de paille fraîche les râte­liers, de feuilles mortes les man­geoires et de grains nou­veaux les poulaillers.

Ayant enten­du tin­ter minuit, len­te­ment, pieu­se­ment, ils se sont agenouillés.

— C’est la seule nuit de l’an­née et l’heure bénie où ils flé­chissent ain­si le genou dans la litière.

Deman­dez au vieux pay­san de la plaine ; au mon­ta­gnard fervent qui vit sur les mon­tagnes, près du ciel.

Le maître de l’é­table ne l’i­gnore pas ; aus­si va-t-il le long des crèches, son bon­net à la main, dis­tri­buer aux ani­maux des poi­gnées de sel.

— Eh bien ! les grands bœufs !… L’en­fant Jésus est né… qu’il vous donne belle force et bon cou­rage au tra­vail. La terre gelée devient dure. Il faut creu­ser pro­fond les sillons ; et le champ est vaste. À vous, la bou­chée de sel de l’en­fant Jésus.

Distribution du sel aux animaux durant la nuit de Noël

Les grands bœufs, tou­jours accrou­pis dans la paille, ont remué leur grosse tête et souf­flé avec bruit leur haleine de vapeur ; puis, sérieu­se­ment, ils se sont mis à rumi­ner le sel, en remuant les oreilles.

| Ouvrage : Lectures Catholiques .

Temps de lec­ture : 9 minutes

Il y a de cela bien, bien long­temps, les cloches son­naient à toute volée dans un vil­lage per­du des mon­tagnes d’Auvergne. 

Elles envoyaient au loin leurs notes allègres, joyeuses et claires, et annon­çaient aux pauvres pas­teurs la venue du Mes­sie, les conviant à aller ado­rer le Dieu de l’é­table dans la modeste cha­pelle à Lui consacrée. 

La neige cou­vrait la terre d’une couche épaisse. 

Le vent souf­flait avec vio­lence, et au loin avec un fra­cas hor­rible, on enten­dait rou­ler, se pré­ci­pi­ter dans la val­lée, empor­tant tout sur son pas­sage, la ter­rible avalanche. 

Aux buis­sons, aux arbres rares, étaient sus­pen­dus ces minces fils argen­tés d’un aspect tout à la fois si char­mant et si triste. 

Les femmes jetaient sur leurs épaules leurs pelisses épaisses et chaudes. 

Les hommes s’en­ve­lop­paient de leurs longs manteaux. 

Noël : en allant à la messe de minuit

On se dis­po­sait à s’a­che­mi­ner vers la mai­son du Sei­gneur pour y entendre célé­brer la Messe de minuit et y enton­ner de joyeux Noëls en l’hon­neur de l’Enfant-Dieu. 

De gaies jeunes filles d’un hameau voi­sin venaient de sor­tir de l’é­table où elles s’é­taient réunies en atten­dant l’heure solennelle.

Elles aus­si avaient pris le sen­tier qui menait à la vieille église. 

Sous leur pas alerte réson­nait la terre. 

Leurs joyeux caquets trou­blaient seuls le silence de la nuit.

Sou­dain, au milieu des rires, arri­va jus­qu’à elles un bruit, un bruit si étrange que toutes, au même moment, s’ar­rê­tèrent pour écouter. 

Près d’elles, à leurs pieds pour ain­si dire, se fai­saient entendre des vagis­se­ments plain­tifs sem­blables à ceux d’un nouveau-né. 

C’é­tait sans doute une illu­sion, car on était loin de toute habitation. 

Aus­si, après un ins­tant pen­dant lequel on n’en­ten­dit plus que souf­fler la bise, mugir la tem­pête et s’é­teindre les der­niers accents des cloches, les jeunes filles, bien per­sua­dées de s’être trom­pées, reprirent-elles leur route. 

Mais à peine eurent-elles fait quelques pas qu’é­cla­tèrent plus plain­tifs, plus pres­sants, de nou­veaux cris de détresse . 

Nul doute, prés de là gémis­sait un être, en proie à la souffrance. 

Elles se bais­sèrent, cher­chèrent et finirent par décou­vrir une petite masse noi­râtre qui se déta­chait sur l’im­ma­cu­lée blan­cheur de la neige. 

Elles s’ap­pro­chèrent, et que virent-elles ? 

Dans un de ces lourds et longs sabots, que chaussent les habi­tants de nos cam­pagnes, gisait une faible créa­ture si mignonne, si jolie, qu’on pou­vait aisé­ment la prendre pour un ange du bon Dieu. 

Le pauvre enfant était à demi-nu. Ses membres étaient engour­dis par le froid. Sa voix s’af­fai­blis­sait et mena­çait de se para­ly­ser tout à fait. 

Qui donc avait eu le cou­rage d’a­ban­don­ner ain­si son fils, son-nouveau-né ? 

Qui avait eu la bar­ba­rie d’ex­po­ser un si petit être à une tem­pé­ra­ture si rigou­reuse, et de le livrer en pâture cer­taine aux loups qui rôdaient affa­més sur la montagne ? 

Les joyeuses jeunes filles devinrent sérieuses tout-à-coup, prirent l’en­fant et se mirent en devoir de le réchauf­fer de leur mieux. 

Puis elles se deman­dèrent ce qu’elles feraient du ché­ru­bin qu’elles venaient de décou­vrir si inopinément.

Qui se char­ge­rait de sa personne ?

Auteur : Mistral, Frédéric | Ouvrage : Mémoires et souvenirs .

Temps de lec­ture : 9 minutes

La bûche bénite

Fidèle aux anciens usages, pour mon père, la grande fête, c’était la veillée de Noël. Ce jour-là, les labou­reurs déte­laient de bonne heure ; ma mère leur don­nait à cha­cun, dans une ser­viette, une belle galette à l’huile, une rouelle de nou­gat, une join­tée de figues sèches, un fro­mage du trou­peau, une salade de céle­ri et une bou­teille de vin cuit. Et qui de-ci, et qui de-là, les ser­vi­teurs s’en allaient, pour « poser la bûche au feu », dans leur pays et dans leur mai­son. Au Mas ne demeu­raient que les quelques pauvres hères qui n’avaient pas de famille ; et, par­fois des parents, quelque vieux gar­çon, par exemple, arri­vaient à la nuit, en disant :

« Bonnes fêtes ! Nous venons poser, cou­sins, la bûche au feu, avec vous autres. »

Tous ensemble, nous allions joyeu­se­ment cher­cher la « bûche de Noël », qui – c’était de tra­di­tion – devait être un arbre frui­tier. Nous l’apportions dans le Mas, tous à la file, le plus âgé la tenant d’un bout, moi, le der­nier-né, de l’autre ; trois fois, nous lui fai­sions faire le tour de la cui­sine ; puis, arri­vés devant la dalle du foyer, mon père, solen­nel­le­ment, répan­dait sur la bûche un verre de vin cuit, en disant : 

Allé­gresse ! Allé­gresse,
Mes beaux enfants, que Dieu nous comble d’allégresse !
Avec Noël, tout bien vient :
Dieu nous fasse la grâce de voir l’année pro­chaine.
Et, sinon plus nom­breux, puis­sions-nous n’y pas être moins.

Et, nous écriant tous : « Allé­gresse, allé­gresse, allé­gresse ! », on posait l’arbre sur les lan­diers et, dès que s’élançait le pre­mier jet de flamme : 

À la bûche
Boute feu !

disait mon père en se signant. Et, tous, nous nous met­tions à table. 

La bûche de Noël dans la cheminée