Pétition pour le Règne Social du Christ

Auteur : Danemarie, Jeanne | Ouvrage : Le Christ-Roi .

Temps de lec­ture : 11 minutes

PREMIER TABLEAU

PREMIER ACTE

(Le rideau se tire lentement.) 

M. LE CURÉ (debout à droite) 

La scène que vous allez voir se passe à Paray-le-Monial, dans un bureau. Vous voyez une immense table cou­verte de paquets. Ces paquets contiennent les signa­tures des catho­liques du monde entier pla­cées au bas des sup­pliques qui demandent au Pape d’é­ta­blir la fête du Christ-Roi. Voi­ci M. et Mme de Noaillat, les pro­mo­teurs de la fête. Ils reçoivent de nou­veaux paquets de signatures. 

(M. de Noaillat est figu­ré par un enfant sage qui tient très bien son rôle. Made­leine figure Mme de Noaillat. Comme elle est presque aus­si grande que sa mère, elle porte une robe de dame, blanche et bleue, très élé­gante et on a pu faire un chi­gnon avec ses che­veux débor­dants.)

UN ENFANT (arrive por­tant des paquets)

Voi­ci les signa­tures de Paris. Il y en a des mil­liers. Une dame très vieille est arri­vée avec d’autres paquets. Elle va venir.

UN AUTRE ENFANT

Voi­ci les signa­tures du Por­tu­gal. Je viens de Bra­ga. Tout le monde a vou­lu signer, je veux dire tous les braves gens. (Il pose les paquets et va sortir.)

MADAME DE NOAILLAT

Res­tez, res­tez. Nous atten­dons le Car­di­nal Lau­ren­ti. Il nous a télé­gra­phié son arri­vée, et il doit empor­ter à Rome tous ces livres. A Rome aus­si, il paraît qu’il arrive tous les jours des paquets de signa­tures (À un enfant qui entre.) Et vous, mon ami, d’où venez-vous ?

L’ENFANT

D’An­gle­terre, Madame. Voi­ci les signa­tures d’Ox­ford, de Londres, celles d’É­cosse, et aus­si celles d’Irlande.

UN AUTRE ENFANT

Et voi­ci la Bavière, la West­pha­lie. Et Cologne, Bonn, je ne sais plus. Il y en a des milliers.

UN AUTRE

Voi­ci le Cana­da, Qué­bec, Mont­réal. Otta­va, Toron­to ont envoyé direc­te­ment à Rome leurs signatures.

MADAME DE NOAILLAT 

Ne par­tez pas, res­tez, res­tez tous. 

UNE SŒUR (avec un panier rem­pli de paquets)

Je suis bien char­gée. Trois énormes paquets. Ce sont les signa­tures des Cou­vents de femmes en France.

UN PRÊTRE (la suit)

Voi­ci les péti­tions des Sémi­naires et des Cou­vents d’hommes, Béné­dic­tins, Jésuites, Carmes, etc., etc.

MADAME DE NOAILLAT 

Posez ces livres ici, vou­lez-vous ? et res­tez, nous atten­dons le Car­di­nal Laurenti. 

UNE DAME (entre et tire un paquet d’un grand sac) 

Voi­ci les Asso­cia­tions des Mères Chrétiennes. 

UNE JEUNE FILLE (la suit)

Et voi­ci celles des jeunes filles, Enfants de Marie, Rosaire, Chan­teuses, etc. 

MADAME DE NOAILLAT

Res­tez, mes­dames, vous ver­rez le Car­di­nal Lau­ren­ti tout à l’heure. 

(D’autres per­sonnes arrivent, des groupes d’hommes, de jeunes gens. On entend : Voi­ci le Véné­zue­la, Voi­ci des péti­tions de Chine, d’Ins­bruck. Il y a du brouhaha.) 

MADAME DE NOAILLAT 

Dou­ce­ment, et en ordre, Mes­dames, Mes­sieurs, je vous en prie. Vous pou­vez mettre tous ces livres sur la table, elle est solide.

UN ENFANT

Et voi­ci le Mexique. 

MADAME DE NOAILLAT (s’é­lance)

Met­tez au milieu de la table les livres du Mexique. Ils doivent être à l’honneur. 

UNE SŒUR

Oh ! non, Madame ! j’ai mis au milieu les signa­tures des prêtres. 

UNE VOIX MÉCONTENTE 

Et vous avez mis par terre Oxford et la Bretagne.

D’AUTRES VOIX INDIGNÉES 

La Bre­tagne, si fer­vente. Oxford un pays pro­tes­tant. Et par terre aus­si les signa­tures du Véné­zue­la qui viennent de si loin. 

(On se bous­cule un peu, quelques paquets se sont ren­ver­sés. M. et Mme de Noaillat essaient de rame­ner la paix et l’ordre.)

MADAME DE NOAILLAT 

Je vous en prie, mes­dames, que signi­fient ces dis­putes ? Mais tous ces livres iront à Rome.

UNE DAME (en colère)

Tout à l’heure, quand il entre­ra, le Car­di­nal ne ver­ra pas les péti­tions qui seront par terre. 

UNE AUTRE (même ton)

Il y a tou­jours des pays favorisés. 

MADAME DE NOAILLAT (sou­riante)

Non, mes­dames, ne crai­gnez rien. Ne pen­sez pas à ces livres, mais à ce qu’ils repré­sentent. Quel res­pect ne devons-nous pas avoir pour tous ces chers noms ? Arran­gez vous-mêmes sur la table tous ces livres. 

(Le calme revient.) 

Comptage des signatures de la pétition pour l'instauration de la fête du Christ-Roi par le pape Pie XI

UN ENFANT ENTRE (triom­phant)

J’ap­porte tout un petit cha­riot. Ce sont les péti­tions de l’Espagne. 

(On l’aide à décharger.)

MADAME DE NOAILLAT 

Jamais, jamais, nous n’au­rions osé espé­rer un tel succès. 

MONSIEUR DE NOAILLAT (mon­trant les livres)

Ces pages sont vivantes. C’est comme le fré­mis­se­ment d’une mul­ti­tude en marche. Il me semble l’en­tendre. Ils sont des cen­taines, des cen­taines de mille qui ont signé cette pétition. 

UN HOMME

On ne peut pas les comp­ter, mon­sieur. Cepen­dant j’ai rete­nu quelques chiffres : 764 car­di­naux, 102 Abbés et Supé­rieurs d’Ordres reli­gieux, 149 Supé­rieures et Sœurs de Com­mu­nau­tés de femmes.

LA SŒUR (inter­rompt vive­ment)

Il y en a beau­coup plus de 149. 

L’HOMME (conti­nuant)

— …Et 12 Uni­ver­si­tés. Quant aux fidèles il fau­dra des mois pour les dénombrer.

MARTHE DE NOAILLAT 

Et quelle rapi­di­té ! Nous sommes en 1925. Et c’est le 13 mai 1920 que l’É­vêque d’Au­tun, Mgr Ber­thoin, a expri­mé la pre­mière idée de cette fête à Benoît XV le soir de la cano­ni­sa­tion de sainte Marguerite-Marie.

GEORGES DE NOAILLAT 

Cinq ans, c’est peu. Et c’est le 6 juin 1921 au Congrès Eucha­ris­tique de Paray que s’est émis le vœu de pro­po­ser au Saint Siège qu’il daigne ins­ti­tuer la fête du Règne Social du Sacré Cœur de Jésus, à qui la terre appartient. 

UN PRÊTRE

Quel beau jour, je m’en sou­viens ! Mgr Nègre, l’É­vêque de Tours, a expo­sé la thèse doc­tri­nale de la ques­tion. Et ensuite vous, Mon­sieur, vous avez lu votre rap­port et fait accla­mer ce vœu à quelques pas de la tombe de sainte Marguerite-Marie.

GEORGES DE NOAILLAT 

Ce n’est pas moi.

LE PRÊTRE

Si, si, vous avez tel­le­ment tra­vaillé, vous et Mme de Noaillat.

GEORGES DE NOAILLAT 

Il faut sur­tout nom­mer le Père Dre­von, M. de Sara­cha­ga, le Car­di­nal Lau­ren­ti, le P. Ledo­chows­ki, les Jésuites, les Béné­dic­tins. Il faut par­ler des Congrès Eucha­ris­tiques de Paris, Rennes, des Semaines Sociales de Turin, Ins­brück, Luga­no, Oxford, Bra­ga. Et au Cana­da des Congrès des Agri­cul­teurs, des Voya­geurs de Com­merce, des Socié­tés de Saint-Jean-Bap­tiste, etc., etc.

MARTHE DE NOAILLAT 

Certes ! Mais la petite che­ville ouvrière qui a fonc­tion­né sans cesse, il ne faut pour­tant pas la dédai­gner. Cette petite che­ville, c’est vous, c’est moi. (Avec enthou­siasme.) En avons-nous écrit des lettres ! Vous sou­ve­nez-vous de la si belle lettre que j’ai envoyée au Pape le 25 mars der­nier ? Et tant d’autres ! par­tout ! dans tous les pays du monde ! Je crois que j’en ai écrit plus que vous ! J’en suis même sûre. Les femmes vont plus vite. (Avec fer­veur.) J’ar­ri­ve­rai en Para­dis avant vous ! 

(Bruit au dehors.)

LA FOULE

Le Car­di­nal ! le Cardinal ! 

(Le Car­di­nal arrive. Il est figu­ré par Mar­cel. Celui-ci est magni­fique de majes­té. On le recon­naît à peine. Il n’a plus du tout l’air taquin. Il est tout en rouge avec une robe d’en­fant de chœur et un man­teau de pourpre. Lors­qu’il entre, tout le monde se lève ou s’agenouille.)

LE CARDINAL LAURENTI 

Mes amis, je viens vous annon­cer une grande nou­velle. Cette fois nous tou­chons au but. Sa Sain­te­té Pie XI, tou­chée des demandes mul­ti­pliées du peuple catho­lique a déci­dé d’é­ta­blir cette année même la fête du Christ-Roi. « L’ordre n’est trou­blé de toutes parts que parce qu’on mécon­naît et qu’on nie les droits sou­ve­rains uni­ver­sels de Jésus-Christ, et le remède est simple : recon­nais­sez ces droits en pro­cla­mant offi­ciel­le­ment la Royau­té uni­ver­selle de Jésus-Christ, et le Monde retrou­ve­ra la Paix et la Sta­bi­li­té[1]. »

UN PRÊTRE

Quand, Excel­lence, se célé­bre­ra cette fête ? 

LE CARDINAL

Cette année après Noël. Et désor­mais le der­nier dimanche d’oc­tobre a été fixé par le Pape pour la fête du Christ-Roi. 

TOUS

Cette année. Oh ! Oh ! 

GEORGES DE NOAILLAT 

Excel­lence, voi­ci les livres conte­nant les pétitions.

LE CARDINAL

Tout cela encore ! Nous en avons reçu à Rome des mil­liers. (Il les feuillette.) C’est comme un immense champ d’é­pis d’or qui fré­mit à l’ap­proche du Soleil divin, du Maître, du Mois­son­neur, du Roi.

GEORGES DE NOAILLAT 

Tous les épis de ce champ sont beaux. Ceux du Mexique marquent le champ doré de taches rouges comme des coquelicots.

MARTHE DE NOAILLAT 

Tous ces noms il a fal­lu les conqué­rir un à un. Cela en sup­pose des allées et venues, des expli­ca­tions à don­ner, des cœurs, des noms à conqué­rir ! Tant d’hommes ont le cœur bar­ré. (Elle fait signe. On s’é­carte et on amène Mlle Fliche, une très vieille femme toute bran­lante et qui pleure. C’est Sabine. Elle s’est si bien mise dans son rôle de vieille que per­sonne ne pense à Sabine, et on croit vrai­ment voir Mlle Fliche. Elle s’agenouille.)

MARTHE DE NOAILLAT 

Excel­lence, je veux vous pré­sen­ter une de nos meilleures mes­sa­gères, Mlle Fliche. 

LE CARDINAL (la bénit)

Rele­vez-la. Faites-la asseoir.

MARTHE DE NOAILLAT 

Elle a 77 ans. Elle a fait plus de 150 visites aux Asiles et Hôpi­taux de Paris pour expli­quer notre péti­tion et chaque soir elle rap­por­tait des signatures.

Mlle FLICHE

Mes vieilles jambes ne veulent plus me per­mettre de continuer.

LE CARDINAL

Ce n’est plus néces­saire. Le Pape vous répond et il accepte votre demande. 

Mlle FLICHE

Ah ! toutes mes fatigues sont oubliées ! Je suis contente, et pour­tant j’ai­mais bien mon­ter les esca­liers. À chaque marche je disais : « c’est pour votre gloire, Jésus ». Et vers les lits des malades j’a­vais tel­le­ment de choses à leur dire sur le Christ-Roi que le soir j’en avais mal à la gorge. Bien sou­vent ils pleu­raient eux !

MARTHE DE NOAILLAT 

Excel­lence, vous bénis­sez en elle tous nos mes­sa­gers infa­ti­gables, vieux, jeunes, hommes, femmes, culti­va­teurs, com­mer­çants, méca­ni­ciens, offi­ciers, malades, tous…

LE CARDINAL

Le Sei­gneur connaît cha­cun de ces noms, et l’a­mour de cha­cun de ces cœurs.

MARTHE DE NOAILLAT 

…Voi­ci les signa­tures de la France. (Elle tourne des pages.) Ici le nom d’un adju­dant en gar­ni­son dans un fort des Alpes, il met sa signa­ture et celle de ses enfants et fait signer son plan­ton, qui, dit-il, ayant l’âge de voter pour un homme, à plus forte rai­son a celui de voter pour son Dieu.

MONSIEUR DE NOAILLAT 

Voi­ci les signa­tures de l’A­mé­rique du Sud, celles du Cana­da, de la Pologne, la Chine. La Hon­grie a envoyé plus de cent mille signatures. 

LE CARDINAL (après avoir feuille­té les livres s’é­carte de la table) 

Toutes les nations sont dans l’at­tente. Cette fête est vou­lue par les fidèles. Cela devait être ain­si. C’est la foule qui a hur­lé à Jéru­sa­lem : « Nous ne vou­lons pas qu’Il règne. » C’est la foule du monde entier qui doit cou­vrir ces cris d’in­gra­ti­tude par des cris d’amour. 

(Il se tourne vers l’as­sis­tance et élève la voix.) 

La fête du Christ-Roi que l’É­glise va célé­brer pour la pre­mière fois cette année 1925 a été obte­nue sous la pous­sée des catho­liques du monde entier, indi­gnés de voir les impies pré­tendre éta­blir un nou­vel ordre social sans la pierre fon­da­men­tale qui est le Christ. Nous n’a­vons pas vou­lu attris­ter cette fête par un spec­tacle dou­lou­reux, mais vous avez tous devant les yeux la scène de l’Ecce Homo. Le Christ san­glant, défi­gu­ré sous la cou­ronne d’é­pines, trem­blant de fai­blesse après la Fla­gel­la­tion, pré­sen­té à la foule par Pilate « Voi­ci votre Roi » et la foule insul­tante : « Nous ne vou­lons pas qu’il règne ». Notre fête du Christ-Roi est la réplique à ces outrages : « Nous vou­lons qu’Il règne », nos accla­ma­tions cou­vri­ront les affronts et les ingra­ti­tudes. Il est juste que la pre­mière idée de cette fête soit par­tie de Paray-le-Monial, le lieu où le Sau­veur a gémi de l’in­dif­fé­rence des hommes et où il a décla­ré « Je régne­rai mal­gré mes ennemis ».

LA FOULE

Vive le Christ-Roi !

LE CARDINAL

Je vous donne ren­dez-vous à Rome le 31 décembre dans la splen­deur de la pre­mière fête du Christ-Roi célé­brée par sen Vicaire. Vive le Christ-Roi !

TOUS

Vive le Christ-Roi ! 

(Le rideau tombe.)

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« La Fête du Christ-RoiPre­mière fête du Christ-Roi »
  1. [1] Pie XI, Ency­clique Quas pri­mas.

2 Commentaires

  1. Jean-Claude Prieto de Acha a dit :

    Quelle mer­veille ! Mer­ci de par­ta­ger ce si beau texte de Jeanne Dane­ma­rie, en cette année du cen­te­naire de l’instauration de la fête du Christ-Roi. Soyez bénis pour cette belle initiative !

    9 août 2025
    Répondre
    • Le Raconteur a dit :

      Mer­ci,
      Oui, c’est un livre qui explique de manière assez com­plète le Christ-Roi aux enfants en cette année d’anniversaire.

      9 août 2025
      Répondre

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