L’armée du Roi

Auteur : Danemarie, Jeanne | Ouvrage : Le Christ-Roi .

Temps de lec­ture : 5 minutes

II

IL y a eu de nom­breux conci­lia­bules entre les enfants, puis avec M. le Curé et moi. Les débor­de­ments d’i­ma­gi­na­tion de Made­leine rece­vaient quelques douches de Mar­cel et de Sabine plus pro­saïques, et nous cor­ri­gions petit à petit le pro­jet qui pre­nait forme. 

André s’oc­cu­pait seul de son côté. Allon­gé sur une chaise-longue dans la prai­rie qui entoure sa gen­tille mai­son rose il a appe­lé un jour sa cou­sine Madeleine.

ANDRÉ

Écoute, Made­leine. J’ai une idée pour la fête du Christ-Roi. Un Roi a une armée et des sujets « civils ». Je vais m’oc­cu­per de l’ar­mée du Roi, de ses sol­dats, de ceux qui se battent pour Lui. De ceux qui se font tuer pour Lui. Toi tu t’oc­cu­pe­ras des civils.

André, le petit malade, va écrire une pièce de théâtre pour les enfants

MADELEINE

Oui, je veux bien. Qu’est-ce que tu feras ?

ANDRÉ

Je pré­pare un ou deux petits actes que nous jouerons.

MADELEINE

Très bien. Je t’ai­de­rai pour les costumes.

ANDRÉ

Il n’y en aura pas. La scène se passe de nos jours. La fête du Christ-Roi date de 1925.

MADELEINE

Mais oui, c’est vrai. (Avec hési­ta­tion.) Je vou­drais te consul­ter. (D’ha­bi­tude Made­leine n’aime pas prendre l’a­vis des autres, mais André lui ins­pire confiance.) Écoute. J’ai pen­sé que les Saints Inno­cents seraient bien à leur place autour du Christ-Roi… ils sont morts pour Lui. Ce serait une belle entrée de fête. 

ANDRÉ (après réflexion)

C’est vrai, mais vois-tu, à ce compte-là il fau­drait ame­ner aus­si les Mages venus de loin pour ado­rer le Christ. Or il y a une fête pour l’É­pi­pha­nie et une pour les Saints Inno­cents. Res­tons à l’é­poque actuelle. Tu peux mon­trer les hommes de toutes nations cou­vrant de leurs signa­tures les péti­tions récla­mant au Pape cette fête.

MADELEINE

Oui, oui, j’y ai pensé. 

MARCEL (sur­gis­sant)

Dis donc, Made­leine, ne mets pas trop de per­son­nages dans ta scène. Je sais d’a­vance que ce sera pour moi un tra­vail fou. 

MADELEINE (indi­gnée)

Pour toi ?

MARCEL

Oui, je te connais. Tu com­bines dans ta tête des choses impos­sibles et ensuite tu viens crier : « Mar­cel, Mar­cel, il faut faire ci, il faut faire ça. »

MADELEINE (vexée)

Alors, moi, je ne me donne pas de peine ? 

MARCEL

Pas beau­coup. Tu m’en donnes. Alors n’est-ce pas ? pas de Rois Mages ni de Saints Inno­cents, comme le recom­mande André. 

MADELEINE

Il fau­dra pour­tant bien mettre du monde qui fasse de l’ef­fet. Ain­si j’ai pen­sé aux Congré­ga­tions religieuses. 

MARCEL

Elles sont interdites. 

MADELEINE

Par exemple.

MARCEL

Non, non, ni Capu­cins, ni Carmélites. 

MADELEINE (furieuse)

Alors quoi ?

MARCEL

Deux enfants déguisés en cardinal et en évêque

Je te per­mets un Car­di­nal, un Évêque, deux ou trois prêtres et quelques bonnes Sœurs de la même congré­ga­tion. Tous les autres per­son­nages doivent être en cos­tumes d’au­jourd’­hui. Ce sera très simplifié. 

MADELEINE (fait la moue)

Si on veut que ce soit beau, il faut pour­tant qu’il y ait des cos­tumes un peu gais.

MARCEL

Je ne t’empêche pas de figu­rer Madame de Noaillat en rose ou en bleu. Pas en rouge, le rouge est réser­vé au Car­di­nal. Et c’est moi qui repré­sen­te­rai le Cardinal.

MADELEINE

Non, pas toi. Je veux un beau Car­di­nal. Ce sera André. 

(Les enfants se sont éloi­gnés, André reste seul avec Bruno.) 

BRUNO (gen­ti­ment)

Et toi, André, quel rôle feras-tu ? 

ANDRÉ (riant)

Le rôle d’un Jésuite. À la fin on me fusille. 

BRUNO

Oh ! oh ! alors tu auras un beau costume ? 

ANDRÉ

Non. Celui que j’ai là. 

(Bru­no fait la moue.) André reprend : 

C’est quand même le plus beau rôle, un rôle de mar­tyr qui sou­tient le cou­rage des pauvres Mexi­cains per­sé­cu­tés. C’est le rôle le plus impor­tant. C’est un nom glo­rieux qu’il faut rete­nir, Bru­no, celui du Père Miguel Pro. 

MADELEINE (qui s’est rap­pro­chée et les a enten­dus, bas à Mar­cel.)

Dis donc, Mar­cel, tu crois qu’An­dré sera gué­ri pour la fête du Christ-Roi ?

MARCEL

Je ne sais pas. 

(Les deux enfants se taisent, quelque chose de triste et de lourd pèse sur eux et les rend silencieux.)

BRUNO (d’une voix poin­tue)

Made­leine, quel rôle auras-tu ? 

MADELEINE

Je crois que j’en aurai deux. D’a­bord celui de Madame de Noaillat, et ensuite celui d’un mar­tyr. Les deux plus beaux.

BRUNO

Et moi ?

MADELEINE

Toi ?… on ver­ra. (À l’o­reille.) J’ai une idée pour toi, mais il ne faut pas en par­ler aux autres.


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