Pâques sans œuf

Auteur : Vérité, Marcelle | Ouvrage : La semaine de Suzette .

Temps de lec­ture : 6 minutes

Cette année, dit maman, il n’y aura pas d’œufs de .

Les petits crurent tout d’a­bord avoir mal enten­du. Pas d’œufs le jour de Pâques ! 

— Vous savez bien, pour­sui­vit maman avec un sou­pir, qu’il n’y n ni sucre, ni chocolat. 

— Mais, fit Syl­vi­nette aux yeux bleus, ce sont les cloches qui les apportent et nous man­ge­rions aus­si bien des œufs de poule, tu sais. 

— Ça m’é­ton­ne­rait qu’elles en trouvent plus que moi. Allons, au revoir, mes ché­ris, soyez sages et à ce soir. 

Nid pour accueillir les oeufs de Pâques

Maman s’en fut faire des ménages comme chaque jour, lais­sant Pou­pon sous la garde de Sylvinette.

— Vous en faites une tête ! chan­ton­na Moi­neau-Gen­til, pas­sant la tâte par la fenêtre. Ne savez-vous pas que c’est le prin­temps, que les oiseaux sifflent et que dans le square il fait bien meilleur qu’ici ? 

Il faut vous dire que Moi­neau-Gen­til était très aimé des enfants. Je ne sais si vous l’a­vez remar­qué, mais sou­vent, plus les gens sont pauvres, meilleurs ils sont pour les bêtes. Aus­si, quand Syl­vi­nette lui eut conté leur cha­grin, l’ réflé­chit un ins­tant, puis bat­tit des ailes. 

— Vous aurez des œufs de Pâques, foi de moi­neau ! Je vais dire un mot aux cloches : je suis au mieux avec le bour­don de Notre-Dame.

— J’en veux un qui se mange, décla­ra Pou­pon, le tout petit, pas un en plâtre, surtout !

Moi­neau-Gen­til était déjà loin. Il vola à tire-d’aile, droit à son nid. 

— Moi­nelle-Gen­tille, deman­da-t-il, veux-tu me don­ner un de tes œufs pour Sylvinette ? 

— Un de mes œufs-tré­sors ? Jamais ! On lui ferait du mal. 

— Heu ! sans doute… Ah ! que c’est ennuyeux ! 

— Offre-lui une jolie pierre blanche à la place. 

Le moineau échange avec la cloche de la cathédrale Notre-Dame

— Tu ne com­prends pas. 

— Oh ! si, je com­prends, mais tu n’au­ras pas d’œufs de mon nid. 

Moi­nelle-Gen­tille a, quand elle le veut, un air vrai­ment peu commode. 

— Bien, dit son époux, j’ai heu­reu­se­ment de bons amis ailleurs. 

1l se ren­dit auprès du bour­don de Notre-Dame, qui l’é­cou­ta par­ler. Puis, de sa voix de bronze, la déclara : 

— Par mon bat­tant sonore, je veux bien dépo­ser tous les œufs de la terre chez tes amis, à condi­tion que tu me dises où en trouver. 

— Compte sur moi, j’ai mon idée. 

Moi­neau-Gen­til s’o­rien­ta, puis fila vers le Jar­din des Plantes et des­cen­dit devant la cage des coli­bris, où il avait des connaissances. 

— Tiens, voi­ci le pier­rot ! s’é­cria la bande en le voyant. Quel bon vent t’a­mène donc de si matin ? 

Et Moi­neau de racon­ter son his­toire. Il par­la de Syl­vi­nette aux yeux per­venche, de Pou­pou, dans la man­sarde, qui ne man­geait jamais à sa faim. Enfin, il sut si bien émou­voir son audi­toire, que les coli­bris ver­sèrent des pleurs de dia­mant en larmes véritables. 

— Nous vou­drions t’ai­der, dit l’oi­seau-mouche, mais nos œufs sont si minuscules ! 

Colibris au Jardin des Plantes

— Ça ne fait rien. Don­nez-en quelques-uns au gros bour­don de Notre-Dame quand il passera.

— D’au­tant plus volon­tiers que nous sommes déjà nom­breux dans notre enclos. On parle de nous séparer. 

— Bon, fit le moi­neau, je vous prends au mot. 

De là, il se ren­dit dans l’en­ceinte des autruches. 

M. Autruche n’a­vait pas l’air content et il ne dai­gna pas accor­der un regard au visi­teur. Dame Autruche, accrou­pie dans un coin, pous­sait de longs soupirs. 

— Qu’est-ce qui ne va pas ? deman­da Moineau-Gentil. 

— Il nous arrive un grand mal­heur : je viens de pondre un œuf ! 

— Hour­rah !

— Hélas non ! c’est bien trop tôt dans la sai­son. L’an der­nier déjà, ma cou­vée a raté à cause de cela. Hi ! Hi ! Je veux tel­le­ment des petits autruchons !

— Qu’à cela ne tienne ! Je vais vous don­ner, un conseil, à condi­tion que vous me don­niez ce pre­mier œuf pour une famille que j’aime et qui vou­drait fêter Pâques. 

Les enfants mangent les œufs de Paques

— Pre­nez-le ! prenez-le !

— Non, gar­dez-le jus­qu’à ce que le bour­don de Notre-Dame vienne le cher­cher. Quant au conseil, il est bien simple : Trem­pez-vous les pattes dans l’eau froide en évi­tant le soleil, tant que le moment pro­pice à la ponte ne sera pas venu. 

Le cœur plein de chan­sons, Moi­neau-Gen­til s’en fut pirouet­tant dans le ciel bleu. Les enfants le trou­vèrent en train de faire pou­drette dans la pous­sière du square.

— Si j’ai un conseil à te don­ner, dit-il à Syl­vi­nette, n’ou­blie pas de regar­der dans la gout­tière le jour de Pâques.

La veille de la grande fête, les enfants net­toyèrent soi­gneu­se­ment la gout­tière et maman, pour leur faire plai­sir, arran­gea un nid de mousse artificielle. 

Dans la nuit, on enten­dit un boum boum pro­fond : c’é­tait le bour­don de Notre-Dame ren­trant de Rome qui, venant dépo­ser les œufs, n’a­vait pu rete­nir un alle­luia d’allégresse. 

Au matin, lorsque Moi­neau-Gen­til accou­rut pour par­ta­ger la joie de ses amis, il les vit atta­blés autour du plus bel œuf à la coque qui soit. 

Hé oui ! ils le man­geaient, l’œuf du miracle qui les réga­lait et Syl­vi­nette avait des yeux si bleus de joie, qu’ils sur­pas­saient en éclat le saphir des ailes de coli­bris, dont les jolis œufs ornaient l’humble table ; on eût dit même qu’ils avaient un peu de la lumière céleste qui rayon­nait dans les cœurs en ce matin de Pâques.

Texte de Mar­celle Véri­té.
Illus­tra­tions de Gene­viève Val­lée.

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