JACQUES. — Monsieur Ambroise, comment a‑t-on eu l’idée de fabriquer ces petits Santons ?

MAÎTRE AMBROISE. — Ils sont venus tout d’un coup, à leur heure, té ! Quand le bon Dieu l’a voulu. Savez-vous que c’est saint François d’Assise, le doux prédicateur des oiseaux, qui, le premier, représenta la crèche, dans une vraie étable, avec l’âne et le bœuf ? Il est un peu de chez nous, bonne Mère, car sa mère était une Provençale. D’Italie la coutume des crèches vivantes est passée chez nous où tout de suite elle a été accueillie avec enthousiasme. Noël ! Calendo ! C’est une fête si Provençale.
Plus tard, la crèche s’anime. Les personnages deviennent acteurs et les Provençaux aiment à jouer un rôle autour de « l’Enfançoun ». Avec les bergers, on voit venir le meunier et la meunière, le rémouleur, la poissonnière. C’est la Pastorale avec les premiers Santons en chair et en os.
Nos petits Santons d’argile reproduisent les personnages des pastorales et des vieux Noëls que nous aimons.
Écoutez ce couplet :

Lis autri li venon tous Tant carga coume d'abiho…
« Les autres y viennent tous — aussi chargés que des abeilles — l’un lui porte du vin doux — toute une pleine bouteille — des « fougasses » au miel pour faire « bombance » — et Margot de « tétareau » une pleine ceinture. »
N’est-ce pas tous nos Santons qui s’annoncent ?
Voyez « Vincent lou premier pastré cantan », le premier berger chantant. N’est-il pas fait pour lui ce Noël, plein de tendre piété :
N'en ferai uno cansoun Per aquéu pichot garçoun…
« Je ferai une chanson — pour ce petit garçon — Voici mon vœu — Et m’estimerai content — de servir de passe-temps à ce petit. Voilà mon vœu. »

Et Bartoumieu, le Santon cher aux Provençaux, rusé vieux compère ! « Matieu l’amoulairé », Mathieu l’aiguiseur, avec sa meule. Grasset et Grassette, lui armé du parapluie rouge, elle toute fière sur son âne, au milieu de ses présents et qui serre son « fiasco » de vin cuit.
N’est-elle pas touchante « la femo au brès », la femme au berceau ? Un joli berceau de bois sculpté qu’elle offre à « Enfançoun » au nom de son petit. C’est notre bon poète Roumanille, de Saint-Rémy, qui a inspiré ce Santon. Écoutez si c’est joli :
« Marie, voici mon berceau, vous êtes plus pauvre que moi. Couchez‑y votre enfant, notre divin Messie et laissez-moi baiser à genoux votre nouveau-né » [1].

Et tant d’autres encore qu’il faudrait des heures pour vous les décrire. Nos Santons, c’est toute l’âme de notre Provence. Chaque année, ils vont vers l’étable, au son des fifres et des tambourins et bergers et bergères ont droit au premier rang, comme il convient, et près d’eux le « Ravi », les yeux extasiés devant le divin « Enfançoun ». Depuis notre grand Mistral, Roumanille, et nos Félibres, qui ont su redonner vie à notre beau passé, nos Noëls d’autrefois reprennent vie.
En attendant la Noël prochaine, nos petits Santons vont aller dormir.
Alors les petits Santons Regagnent la boîte en carton, Naïvement, dévotement, Ils dormiront — dans du coton, En rêvant — au doux chant.
Noël ! joyeux Noël — Noël joyeux de Provence ! Dormez, chers petits Santons, Dans votre boîte de carton. Noël ! Noël ! Noël !
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- [1] Cité dans le charmant volume Les Santons de Provence, d’Arnaud d’Agnel.↩
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