Les santons, fils des Pastorales

Auteur : Filloux, H. | Ouvrage : Au cœur de la Provence .

Temps de lec­ture : 4 minutes

JACQUES. — Mon­sieur Ambroise, com­ment a‑t-on eu l’i­dée de fabri­quer ces petits Santons ? 

MAÎTRE AMBROISE. — Ils sont venus tout d’un coup, à leur heure, té ! Quand le bon Dieu l’a vou­lu. Savez-vous que c’est saint Fran­çois d’As­sise, le doux pré­di­ca­teur des oiseaux, qui, le pre­mier, repré­sen­ta la crèche, dans une vraie étable, avec l’âne et le bœuf ? Il est un peu de chez nous, bonne Mère, car sa mère était une Pro­ven­çale. D’I­ta­lie la cou­tume des crèches vivantes est pas­sée chez nous où tout de suite elle a été accueillie avec enthou­siasme. Noël ! Calen­do ! C’est une fête si Provençale. 

Plus tard, la crèche s’a­nime. Les per­son­nages deviennent acteurs et les Pro­ven­çaux aiment à jouer un rôle autour de « l’En­fan­çoun ». Avec les ber­gers, on voit venir le meu­nier et la meu­nière, le rémou­leur, la pois­son­nière. C’est la Pas­to­rale avec les pre­miers San­tons en chair et en os. 

Nos petits San­tons d’ar­gile repro­duisent les per­son­nages des pas­to­rales et des vieux Noëls que nous aimons. 

Écou­tez ce couplet :

Lis autri li venon tous 
Tant carga coume d'abiho… 

« Les autres y viennent tous — aus­si char­gés que des abeilles — l’un lui porte du vin doux — toute une pleine bou­teille — des « fou­gasses » au miel pour faire « bom­bance » — et Mar­got de « téta­reau » une pleine ceinture. »

N’est-ce pas tous nos San­tons qui s’annoncent ?

Voyez « Vincent lou pre­mier pas­tré can­tan », le pre­mier ber­ger chan­tant. N’est-il pas fait pour lui ce Noël, plein de tendre piété : 

N'en ferai uno cansoun 
Per aquéu pichot garçoun… 

« Je ferai une chan­son — pour ce petit gar­çon — Voi­ci mon vœu — Et m’es­ti­me­rai content — de ser­vir de passe-temps à ce petit. Voi­là mon vœu. » 

Et Bar­tou­mieu, le San­ton cher aux Pro­ven­çaux, rusé vieux com­père ! « Matieu l’a­mou­lai­ré », Mathieu l’ai­gui­seur, avec sa meule. Gras­set et Gras­sette, lui armé du para­pluie rouge, elle toute fière sur son âne, au milieu de ses pré­sents et qui serre son « fias­co » de vin cuit. 

N’est-elle pas tou­chante « la femo au brès », la femme au ber­ceau ? Un joli ber­ceau de bois sculp­té qu’elle offre à « Enfan­çoun » au nom de son petit. C’est notre bon poète Rou­ma­nille, de Saint-Rémy, qui a ins­pi­ré ce San­ton. Écou­tez si c’est joli : 

« Marie, voi­ci mon ber­ceau, vous êtes plus pauvre que moi. Couchez‑y votre enfant, notre divin Mes­sie et lais­sez-moi bai­ser à genoux votre nou­veau-né » [1].

Et tant d’autres encore qu’il fau­drait des heures pour vous les décrire. Nos San­tons, c’est toute l’âme de notre Pro­vence. Chaque année, ils vont vers l’é­table, au son des fifres et des tam­bou­rins et ber­gers et ber­gères ont droit au pre­mier rang, comme il convient, et près d’eux le « Ravi », les yeux exta­siés devant le divin « Enfan­çoun ». Depuis notre grand Mis­tral, Rou­ma­nille, et nos Félibres, qui ont su redon­ner vie à notre beau pas­sé, nos Noëls d’au­tre­fois reprennent vie.

En atten­dant la Noël pro­chaine, nos petits San­tons vont aller dormir.

Alors les petits Santons 
Regagnent la boîte en carton, 
Naïvement, dévotement, 
Ils dormiront — dans du coton, 
En rêvant — au doux chant. 
Noël ! joyeux Noël — Noël joyeux de Provence !
Dormez, chers petits Santons,
Dans votre boîte de carton.
Noël ! Noël ! Noël !
  1. [1] Cité dans le char­mant volume Les San­tons de Pro­vence, d’Ar­naud d’A­gnel.

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