Conte de l’Epiphanie

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Temps de lec­ture : 9 minutes

Ima­gi­nez une de ces nuits d’O­rient dont l’im­men­si­té bleue du ciel, d’une pure­té et d’une pro­fon­deur magni­fique, fait res­sor­tir des mil­liers d’é­toiles. Une brise fraîche et légère monte du désert. Les jar­dins exhalent des effluves de roses de Damas et de jas­min. L’heure est pro­pice : de savants per­son­nages, des mages, l’air grave, scrutent les étoiles. La tra­di­tion chré­tienne en a fait des rois et les a nom­més Mel­chior, Gas­pard et Balthasar.

Ce sont des astro­nomes ou astro­logues, sans doute adon­nés aux arts divi­na­toires, prêtres de leur reli­gion, et donc de digni­té qua­si royale. Ils inter­rogent la voûte céleste depuis si long­temps, que rien, ou presque, ne leur est abs­cons : ni les constel­la­tions et conjonc­tions des pla­nètes, ni les comètes et les éclipses. Mais cette nuit-là, quelque chose d’é­trange et d’in­ha­bi­tuel sur­vient… une étoile incon­nue les éblouit sou­dain, les attire, les appelle : est-ce le signe d’un évé­ne­ment important ?

Conte de l'Épiphanie : Étoile des rois mages

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Les anciens pen­saient en effet que les étoiles diri­geaient la des­ti­né des hommes. Fébri­le­ment, ils cherchent dans les livres sacrés, les oracles des dieux, mais ceux-ci res­tent muets, comme s’ils étaient deve­nus hos­tiles. Mais l’é­toile, la plus brillante de toutes, est tou­jours là, scin­tillant dans le ciel. Elle semble les attendre et même les défier. Les Mages res­tent pen­sifs et troublés.

C’est alors qu’une autre lumière, toute spi­ri­tuelle, semble se frayer un che­min dans les méandres de leurs croyances. Avec per­sé­vé­rance, ils cherchent encore. Enfin, ils croient avoir trou­vé la réponse dans les livres sacrés des Hébreux. Le pro­phète Balaam avait pré­dit cette étoile (Nb 24,17). « Ah, c’est donc la nais­sance d’un roi ? Mais qui peut-il bien être, puisque le ciel l’an­nonce d’une manière si écla­tante ? » se disent-ils. Faut-il vrai­ment entre­prendre un long et périlleux pour hono­rer la nais­sance d’un roi incon­nu ? Est-ce rai­son­na­ble­ment envi­sa­geable ? Pour­tant l’astre écla­tant de lumière est tou­jours là, obsé­dant, les pro­vo­quant sans cesse. Une force les pousse… C’est déci­dé, ils partent !

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Or, chose extra­or­di­naire, l’é­toile semble les pré­cé­der, leur indi­quer le che­min. Leur voyage devient intem­po­rel, presque oni­rique : dans les nuits calmes et sereines, ponc­tuées de myriades d’é­toiles, les Mages, tou­jours gui­dés par cette lumière inces­sante, sont seuls avec leurs pen­sées, avan­çant len­te­ment à tra­vers les éten­dues du désert. Cette soli­tude est pro­pice au recueille­ment, à la contem­pla­tion : du sable et le ciel, rien d’autre !

Dans l’in­ti­mi­té des bivouacs, ils échangent leur avis, leurs pen­sées, leurs doutes : mais enfin, que cherchent-ils ? Qu’ai­me­raient-ils trou­ver à la fin de leur quête ? Quelle sorte de roi vont-ils ren­con­trer ? La cara­vane conti­nue dans la nuit du monde : presque un par­cours ini­tia­tique. Ils vont d’oa­sis en oasis et tra­versent quelques vil­lages et villes dans les­quelles ils ne veulent sur­tout pas s’at­tar­der de peur d’ou­blier leur but.

Rois Mages suivent l'étoile vers la Crèche

Au cours de leur voyage des ténèbres à la lumière, ils ren­contrent toute sorte d’hu­ma­ni­té : la mort et la vie, ceux qui rient et ceux qui pleurent, les riches et les men­diants, les bien por­tants et les lépreux… Mais quel sens don­ner à tout cela ? Le monde leur appa­raît peu à peu sous sa véri­table lumière : « Vani­té des vani­tés, tout est vani­té ». Saint Paul dira en citant Isaïe : « Je détrui­rai la sagesse des sages et j’a­néan­ti­rai la science des savants… ce qui est folie de Dieu est plus sage que la sagesse des hommes » (I Co 1,19 – 20, 25). Au fur et à mesure qu’ils avancent, leurs cer­ti­tudes humaines vacillent et la lumière inté­rieure se fait plus claire, plus simple, évi­dente même, sans pour­tant qu’ils soient capables de l’ex­pli­quer. Peut-on trou­ver Dieu sans qu’il nous ait d’a­bord trou­vé et nous attire à lui ?

Fina­le­ment Jéru­sa­lem, la ville royale, est en vue, avec son temple si majes­tueux. Mais quelle décep­tion ! L’é­toile dis­pa­raît ! « Nous sommes peut-être arrivés ? ».

Ils pen­saient trou­ver la ville en émoi mais per­sonne n’est au cou­rant de ce roi ! Ils sont écœu­rés : eux qui viennent de si loin pour voir un roi qui, en prin­cipe, n’é­tait pas le leur… et voi­là que les sup­po­sés sujets de ce roi ne savent rien sur lui et sont même indif­fé­rents. Il n’y a rien de pire que ceux qui ne cherchent plus, qui ne dési­rent plus, qui n’es­pèrent plus rien ! Ils reçoivent des réponses vul­gaires des dames éche­ve­lées et à demi vêtues res­sem­blant à des ménades. « Étrange mœurs ! » se disent les Mages en se regar­dant, « elles semblent folles ! ».

Las, les Mages conti­nuent à cher­cher. Leur rang leur per­met de s’a­dres­ser aux puis­sants… bien sûr, ils sont au cou­rant, mais cela ne les regarde pas « Un Roi ? Mais nous sommes en répu­blique ! » répondent des satrapes ser­viles. Seul le roi Idu­méen, semble davan­tage inté­res­sé pour en réa­li­té défendre la laï­ci­té : « Cette lumière dérange ! Elle est trop osten­ta­toire ! ». Les hommes pré­fèrent les feux fol­lets des palais des « Champs Ély­sées », ou royaume des morts, plu­tôt que la vraie lumière, celle de Dieu, qui éclaire le monde.

Fina­le­ment, un scribe, en com­pul­sant savam­ment les Écri­tures, trouve la réponse dans les pro­phé­ties de Michée : « Bien sûr, c’est à Beth­léem de Judée, c’est écrit, même si ça ne coïn­cide pas avec mes théo­ries, allez‑y vous-mêmes si vous voulez ! ».

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« Vite, vite, par­tons d’i­ci ! », se disent les Mages en secouant la pous­sière de leurs chaus­sures. Mais alors qu’ils s’é­loignent de la ville, la lumière réap­pa­raît, plus lumi­neuse et plus proche que jamais, comme si le Roi venait à leur ren­contre. Elle s’arrête !

Étrange : pas de palais, ni de ser­vi­teurs affai­rés, mais une mai­son plus qu’or­di­naire. Intri­gués et un peu inti­mi­dés, ils entrent : quelle sim­pli­ci­té, quelle pure­té… ! Ils voient une jeune et humble maman sou­riante, à la beau­té sur­na­tu­relle, et un époux sans doute pauvre mais à la noble allure. Au milieu, un ravis­sant petit bébé les regarde et leur sourit.

Adoration des mages à Bethléem de Judée

Mais pour­quoi donc les Mages en sont-ils si émus ? « Enfin ! N’a­vons-nous jamais vu un enfant ? ». La lumière qui brillait dans le ciel se fait main­te­nant éblouis­sante dans leur âme. À pré­sent, tout est évident ! Ils se pros­ternent à genoux et les larmes aux yeux adorent cet enfant, en leur offrant non seule­ment des pré­sents mais sur­tout leur cœur renou­ve­lé par la Foi.

Ins­truits par l’ange, c’est par un autre che­min qu’ils rentrent tout joyeux dans leur pays.

Saint Maxime de Turin dans une de ses homé­lies, dit ceci : « Donc, mes frères, nous qui venons de la gen­ti­li­té, imi­tons ces Mages jus­qu’au bout, jus­qu’à la connais­sance du Christ. Dieu nous a pro­mis de ne pas nous trom­per. Il nous faut prendre garde à ce que la croyance des païens ne nous ramène pas, une fois que nous avons reçu le Christ, par le che­min que nous avions emprun­té à l’al­ler. Car, un cer­tain nombre de chré­tiens, après avoir adhé­ré à la Foi, se laissent empê­trer de nou­veau dans les erreurs d’an­tan : ils célèbrent avec nous les joies de la nais­sance du Sei­gneur, et, pour mar­quer les calendes avec les païens, par­ti­cipent à des ban­quets où ils sombrent dans l’é­brié­té ; Ils reçoivent avec nous la béné­dic­tion de Dieu, et observent avec les païens tous les rites de la super­sti­tion. Il y a vrai­ment lieu de déplo­rer que les chré­tiens prêtent atten­tion aux aus­pices, alors que les Mages ont mépri­sé les augures, et que les pre­miers refusent de reje­ter la licence des mœurs, alors que les seconds ont renon­cé à l’ex­pé­rience de leur art ». Trans­po­sons tout cela à notre époque…

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Chasse des saints rois mages à la cathédrale de Cologne

Les Mages, retombent dans le silence des nuits d’O­rient, leurs traces se perdent dans l’im­men­si­té du désert, mais cette lumière qu’ils portent désor­mais dans leur âme est la lumière que tout homme de bonne volon­té peut voir et suivre…si nous, les chré­tiens, la lui mon­trons avec un peu plus de cohé­rence… Long­temps après, les Mages auraient été bap­ti­sés par l’a­pôtre Saint Tho­mas, sacrés évêques, puis seraient morts mar­tyrs pour cet Enfant qu’ils avaient jadis adoré.

Peu importe si cela n’est attes­té que tar­di­ve­ment ou que ce soit une légende : lais­sez-moi à mes rêves, à mon ima­gi­naire et tant pis pour tous les scribes ! Les corps des Mages sont véné­rés dans une magni­fique châsse en la Cathé­drale de .

Don Car­lo Cecchin

Source : http://www.sainteodile.fr/conte-de-lepiphanie/Catéchisme : Coloriage rois mages suivant l'étoile

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