Imaginez une de ces nuits d’Orient dont l’immensité bleue du ciel, d’une pureté et d’une profondeur magnifique, fait ressortir des milliers d’étoiles. Une brise fraîche et légère monte du désert. Les jardins exhalent des effluves de roses de Damas et de jasmin. L’heure est propice : de savants personnages, des mages, l’air grave, scrutent les étoiles. La tradition chrétienne en a fait des rois et les a nommés Melchior, Gaspard et Balthasar.
Ce sont des astronomes ou astrologues, sans doute adonnés aux arts divinatoires, prêtres de leur religion, et donc de dignité quasi royale. Ils interrogent la voûte céleste depuis si longtemps, que rien, ou presque, ne leur est abscons : ni les constellations et conjonctions des planètes, ni les comètes et les éclipses. Mais cette nuit-là, quelque chose d’étrange et d’inhabituel survient… une étoile inconnue les éblouit soudain, les attire, les appelle : est-ce le signe d’un événement important ?
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Les anciens pensaient en effet que les étoiles dirigeaient la destiné des hommes. Fébrilement, ils cherchent dans les livres sacrés, les oracles des dieux, mais ceux-ci restent muets, comme s’ils étaient devenus hostiles. Mais l’étoile, la plus brillante de toutes, est toujours là, scintillant dans le ciel. Elle semble les attendre et même les défier. Les Mages restent pensifs et troublés.
C’est alors qu’une autre lumière, toute spirituelle, semble se frayer un chemin dans les méandres de leurs croyances. Avec persévérance, ils cherchent encore. Enfin, ils croient avoir trouvé la réponse dans les livres sacrés des Hébreux. Le prophète Balaam avait prédit cette étoile (Nb 24,17). « Ah, c’est donc la naissance d’un roi ? Mais qui peut-il bien être, puisque le ciel l’annonce d’une manière si éclatante ? » se disent-ils. Faut-il vraiment entreprendre un long et périlleux voyage pour honorer la naissance d’un roi inconnu ? Est-ce raisonnablement envisageable ? Pourtant l’astre éclatant de lumière est toujours là, obsédant, les provoquant sans cesse. Une force les pousse… C’est décidé, ils partent !
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Or, chose extraordinaire, l’étoile semble les précéder, leur indiquer le chemin. Leur voyage devient intemporel, presque onirique : dans les nuits calmes et sereines, ponctuées de myriades d’étoiles, les Mages, toujours guidés par cette lumière incessante, sont seuls avec leurs pensées, avançant lentement à travers les étendues du désert. Cette solitude est propice au recueillement, à la contemplation : du sable et le ciel, rien d’autre !
Dans l’intimité des bivouacs, ils échangent leur avis, leurs pensées, leurs doutes : mais enfin, que cherchent-ils ? Qu’aimeraient-ils trouver à la fin de leur quête ? Quelle sorte de roi vont-ils rencontrer ? La caravane continue dans la nuit du monde : presque un parcours initiatique. Ils vont d’oasis en oasis et traversent quelques villages et villes dans lesquelles ils ne veulent surtout pas s’attarder de peur d’oublier leur but.