En ce temps-là, le lac de Tibériade ne portait pas ce nom. Ce ne fut que quelque temps après ce que je vais vous raconter, que le fils du cruel Hérode édifia sur ses bords la cité qu’il baptisa Tibériade, pour faire sa cour à l’Empereur. Le beau lac s’appelait Kinnereth, ce qui veut dire la Harpe, parce que ses contours harmonieux offrent exactement la forme de cet instrument de musique si cher au roi David.
Ce jour-là, un gros orage venait d’éclater sur la montagne. Avec la fin du jour le vent emportait les dernières nuées, le lac avait repris son calme, et les nombreux oiseaux qui le hantent, cormorans, pélicans, mouettes, alcyons, martins-pêcheurs avaient recommencé de plus belle leurs vols et leurs cris.
Dans le village de Nazareth, trois enfants pataugeaient dans la boue du chemin, fort occupés à dresser un barrage pour retenir l’eau des ornières. Puis, ayant façonné un lac pareil à celui de Kinnereth, ils se mirent dans la tête de le peupler, lui aussi, d’oiseaux – d’oiseaux de boue, s’entend.
L’un fit quelque chose d’informe, qui avait, je crois, la prétention de ressembler à ces beaux cormorans qui ont de grandes ailes pour accourir de loin et donner la chasse aux poissons. L’autre prenait beaucoup de mal pour transformer sa boue en pélican et maintenir en équilibre l’énorme tête et la besace suspendue à son cou. Le troisième pétrissait de ses petites mains une mouette posée sur la rive.
Cependant, la nuit était venue. Déjà la lune se montrait et les premières lumières s’allumaient dans le village. Indifférents à cette obscurité qui tombait autour d’eux, les enfants ne s’arrêtaient pas de poursuivre leurs travaux fragiles. Mais tout à coup, d’une maison, on entendit une voix qui criait :