Étiquette : <span>Concile de Trente</span>

Auteur : Par un groupe de pères et de mères de familles | Ouvrage : Petite Histoire de l'Église illustrée .

Temps de lec­ture : 10 minutes

∼∼ XXIII ∼∼

Une main vigou­reuse, posée sur l’é­paule de Ber­nard, le fait tres­sau­ter. Il se retourne brus­que­ment et se trouve en face de trois amis : le chef des Rou­tiers, sui­vi de Maxi­min et du petit André.

— Peste ! dit Hen­ri. Quel sérieux ! Nous vous regar­dons depuis un moment. Vous avez l’air de deux conspirateurs.

— Nous cau­sions bien, c’est vrai, sans conspi­rer pour cela.

— On peut savoir le sujet de cette confé­rence ? demande « Tar­ta­rin » avec un rien d’i­ro­nie, mêlée à son jovial sourire.

— Bien sûr.

Quelques minutes après, le sujet en ques­tion était repris à cinq, non sans une ardente animation.

Le chef dit bien­tôt : Lais­sons ces apos­ta­sies et ces fai­blesses qui suivent tou­jours l’a­ban­don du devoir et de la véri­té. Dieu, lui, n’a­ban­donne jamais la barque de Pierre. Nous devons nous le répé­ter inces­sam­ment. Voyons donc com­ment l’É­glise a tra­vaillé pour répa­rer tant de ruines.

Dès le début du XVIe siècle, le concile tenu au Latran avait posé les bases d’une réforme reli­gieuse tout autre que les folles idées de Luther. Mal­heu­reu­se­ment, les esprits demeu­raient alors si éblouis par le mou­ve­ment de la Renais­sance, qu’ils étaient bien peu capables de s’in­té­res­ser aux meilleurs projets.

Enfin, le Pape Paul III convoque un nou­veau concile, que conti­nue­ront Jules III et Pie IV. C’est le , le plus beau peut-être de l’His­toire de l’É­glise, et le dix-hui­tième concile œcu­mé­nique. Il ne sera clos qu’au bout de dix-huit ans.

— Dix-huit ans ! Qu’est-ce que tu nous chantes ?

— La véri­té, tout bon­ne­ment. Le concile fut inter­rom­pu à deux reprises par la force des cir­cons­tances, mais cela même ser­vit à mûrir tout ce qui était l’ob­jet des délibérations.

Les ques­tions sou­le­vées par les pro­tes­tants, toutes les réformes utiles à intro­duire dans l’É­glise, seront étu­diées, mises au point, avec une clar­té, une net­te­té irré­fu­tables. Autour de ce concile, nous allons voir briller, comme des lumières ardentes, une flo­rai­son de saints.

Les plus remar­quables de ce siècle appar­tiennent à l’Es­pagne. C’est comme une récom­pense de la lutte héroïque, sou­te­nue par les royaumes du nord de ce pays contre les Maures. Repous­sés peu à peu, mais à quel prix, ceux-ci sont enfin chas­sés, par Fer­di­nand le Catho­lique, de Gre­nade et de l’An­da­lou­sie. Ceci se pas­sait à la fin du XVe siècle ; depuis lors, l’Es­pagne avait connu des années de grande pros­pé­ri­té. C’est à son ser­vice que Chris­tophe Colomb venait de décou­vrir l’Amérique.

— Mais tu par­lais des saints. Chris­tophe Colomb n’est pas cano­ni­sé, que je sache.

— Attends donc un peu. Et , est-il cano­ni­sé ? Vous connais­sez l’his­toire de ce jeune sei­gneur espa­gnol. Il avait été char­gé de diri­ger l’hé­roïque défense de la ville de Pam­pe­lune. Il y fut gra­ve­ment bles­sé. Pen­dant sa conva­les­cence, la Sainte Vierge lui appa­rut. Éclai­ré d’en haut, il réso­lut de faire pas­ser au ser­vice du Christ et de sa Mère tout ce qui, jus­qu’a­lors, fai­sait battre son âme de che­va­lier. Il ne lut­te­ra plus pour la gloire des armes, mais pour la gloire de Dieu !

Venu étu­dier à l’U­ni­ver­si­té de Paris, il y ren­contre un com­pa­triote, autre grand sei­gneur. C’est Fran­çois de Xavier, à qui tout sou­rit, et qui rêve d’a­jou­ter les suc­cès lit­té­raires à l’hon­neur de son nom.

— Le pauvre ! dit Ber­nard, il avait comp­té sans le zèle de son nou­vel ami, qui ne cesse de faire son­ner à son oreille le mot de l’É­van­gile : « Que sert à l’homme de gagner l’u­ni­vers, s’il vient à perdre son âme ? »

— Tout juste. Xavier pro­teste, mais la parole divine fait son chemin.

Le 15 août 1354, il est par­mi le petit groupe qui suit Ignace sur la route mon­tante condui­sant à Mont­martre. Là, dans une vieille église, tous vont s’en­ga­ger à renon­cer aux richesses, aux hon­neurs, pour deve­nir à tra­vers le monde les che­va­liers, les « Com­pa­gnons de Jésus ».

Sol­dats du Christ et du Pape, les Jésuites, en quelques années, don­ne­ront au monde d’é­ton­nants exemples de sain­te­té. Théo­lo­giens de forte et sûre doc­trine, leur rôle au concile sera de pre­mier ordre.

Pré­di­ca­teurs d’une rare vigueur, comme saint Pierre Cani­sius, entre autres, ils ramè­ne­ront à la Foi un grand nombre d’hérétiques.

Mis­sion­naires incom­pa­rables, ils iront, à la suite de saint Fran­çois Xavier, évan­gé­li­ser les Indes, le Japon, la Chine,… don­nant ain­si à l’É­glise des fils plus nom­breux que ceux qui, en Europe, l’ont abandonnée.

Sur­tout, les Jésuites feront preuve d’une obéis­sance magna­nime aux ordres du Vicaire du Christ, et ce sera comme une réponse à la révolte pro­tes­tante. Cette dis­ci­pline contri­bue­ra, pen­dant les siècles sui­vants, à affer­mir la Foi catho­lique et romaine, par­mi l’é­lite de la jeu­nesse, éle­vée dans leurs col­lèges et impré­gnée de leur esprit.

Maxi­min ne dit rien, mais un pli aux lèvres lui donne une expres­sion sceptique.

— Tu ne me crois pas ? demande Hen­ri gaiement.

— Je te trouve exa­gé­ré ; tu as été éle­vé chez « eux », pardi !

— Moi ! Ah ! mais pas du tout. Seule­ment, j’ai appris mon his­toire, autre­ment que dans nos seuls manuels. Le soir, avec mon père, nous cau­sions ; il m’o­bli­geait à tout appro­fon­dir loya­le­ment. Je n’en fai­sais du reste aucun mys­tère, et comme j’é­tais, grâce à cela, plus fort que d’autres, mes places me valaient une entière et joyeuse indépendance.

Étu­die ain­si, crois-moi, tu ver­ras comme les choses s’éclairent.