Étiquette : <span>Angleterre</span>

Auteur : Goyau, Georges | Ouvrage : À la conquête du monde païen .

Temps de lec­ture : 7 minutes

IV

Saint Patrice en Irlande, Saint Augustin en Angleterre

En ce Ve siècle où l’in­va­sion des bar­bares mena­çait de sub­mer­ger, sur le conti­nent euro­péen, les pre­mières assises de la civi­li­sa­tion chré­tienne, un cer­tain Patrice, issu d’une famille romaine domi­ci­liée en , s’as­si­gnait comme pro­gramme de por­ter le Cre­do du Christ à tout un peuple insu­laire qui devait, lui-même, être bien­tôt un peuple d’a­pôtres, le peuple irlan­dais, et de por­ter le nom de Rome, — la Rome chré­tienne, — là où la Rome païenne n’a­vait pu trou­ver accès.

Evangélisation de l'Irlande et de l'AngleterreL’, il la connais­sait déjà : il y avait un jour, jadis, débar­qué mal­gré lui aux envi­rons de sa quin­zième année : une raz­zia faite par des Irlan­dais sur la côte anglaise l’a­vait emme­né cap­tif. Six ans durant, en Irlande, il avait été ber­ger, un ber­ger qui sans cesse priait, sen­tant l’Es­prit bouillon­ner en lui. Il avait pu s’en­fuir à bord d’un bateau qui trans­por­tait sur le conti­nent toute une car­gai­son de chiens-loups ; du nord au sud, il avait tra­ver­sé la Gaule, et les portes de l’ab­baye de Lérins s’é­taient ouvertes devant lui pour que sa jeu­nesse y fit quelque appren­tis­sage de la vie monas­tique. À peine avait- il rega­gné son Angle­terre natale, qu’il lui avait paru que la « voix d’Ir­lande » l’ap­pe­lait, et que, sur cette terre où son ado­les­cence avait été esclave, un rôle spi­ri­tuel l’at­ten­dait. Repas­sant la Manche, il s’en était allé près de saint Ger­main d’Auxerre, qu’il savait sou­cieux de l’a­pos­to­lat de l’Ir­lande ; il avait recueilli ses leçons, puis s’é­tait age­nouillé pour être sacré ; et c’est avec la digni­té d’é­vêque qu’un jour de l’an­née 432 Patrice s’en allait enfin dis­pu­ter aux druides les âmes irlandaises.

Défense, sous peine de mort, avaient dit les druides, d’al­lu­mer un feu dans la plaine, avant que le palais du roi ne soit illu­mi­né par nos céré­mo­nies. C’é­tait la nuit de Pâques ; Patrice pas­sait outre ; il fai­sait briller « le feu béni et clair », qui de par­tout s’a­per­ce­vait ; et les mages, défiés par lui, sen­taient que Patrice avait pour lui une force qui leur man­quait, celle du miracle. En face de Patrice, aucune reli­gion orga­ni­sée, aucun ensei­gne­ment reli­gieux offi­ciel. Ces druides irlan­dais, des magi­ciens plu­tôt que des prêtres, n’é­taient, pour l’Ir­lande, ni des pré­cep­teurs de prière, ni des maîtres de morale, ni des direc­teurs de vie. Leur indi­gente reli­gion ne lais­sait au com­mun des âmes aucune espé­rance ; la béa­ti­tude éter­nelle était le pri­vi­lège de quelques hommes élus, que les fées choi­sis­saient et choyaient, et qu’elles emmè­ne­raient un jour vers quelque para­dis ter­restre ; le reste des mor­tels devait se conten­ter d’en rêver. Mais Patrice ayant lon­gue­ment prié, ayant jeû­né qua­rante jours dans la forêt de Foclut, enten­dit un appel de Dieu « aux saints du temps pas­sé, à ceux du temps pré­sent, à ceux de l’a­ve­nir » : Dieu les convo­quait sur une cime qui domi­nait l’ho­ri­zon ; et la voix divine bénis­sait le peuple de l’Ir­lande. Vers la cime, alors, Patrice voyait s’en­vo­ler, sous la forme de grands oiseaux, d’in­nom­brables âmes ; et leurs essaims étaient si denses que la lumière du jour en était obs­cur­cie. Ain­si Patrice put-il pré­voir le fruit de ses pro­chains labeurs.

Eth­nac la blanche et Fide­lun la rousse, filles du roi Loe­gaire, se bai­gnaient en une fon­taine. Patrice et les évêques qui l’ac­com­pa­gnaient leur appa­rais­saient comme des esprits d’en haut. « Mon­trez-nous la face du Christ, » deman­daient-elles à Patrice. Et tout de suite le Christ les pre­nait pour épouses, en son royaume.

Auteur : Par un groupe de pères et de mères de familles | Ouvrage : Petite Histoire de l'Église illustrée .

Temps de lec­ture : 8 minutes

∼∼ XXII ∼∼

La famille, de nou­veau, boucle les valises. Tout le monde sait que les gar­çons n’ont aucune dis­po­si­tion pour les opé­ra­tions de ce genre. Mais Ber­nard et Jean sont du moins très capables de se débrouiller pour l’af­faire du billet col­lec­tif à la gare, tan­dis que papa va s’oc­cu­per du visa des pas­se­ports. Et vite, nos deux insé­pa­rables ont joint la via Nazio­nale, ayant la per­mis­sion, une fois leur mis­sion rem­plie, de pro­fi­ter encore un peu des inépui­sables tré­sors de Rome.

En effet, non loin de la gare, les Thermes de Dio­clé­tien les attirent ; l’é­glise de Sainte-Marie des Anges en occupe une par­tie ; l’autre, qui avait été trans­for­mée en couvent des Char­treux, est main­te­nant un musée. Le cloître s’ouvre sur un déli­cieux jar­din, tout encom­bré de débris antiques.

Et voi­ci les deux cou­sins, assis à l’ombre pour se repo­ser, qui se remettent à phi­lo­so­pher, car déci­dé­ment ils y ont pris goût.

Devant ces restes d’un loin­tain pas­sé, Jean s’é­tonne des folies du paga­nisme ; mais Ber­nard fait remarquer :

— Dans tout ce qui nous a frap­pés en ces der­nières semaines, je trouve sur­tout éton­nant que des hommes vivant depuis la venue de Notre-Sei­gneur dans la lumière de l’É­van­gile aient pu s’en détour­ner au point de som­brer dans l’er­reur. Comme le disait ton père, l’autre jour, l’a­veu­gle­ment de la pas­sion, l’obs­ti­na­tion, l’or­gueil sur­tout peuvent seuls expli­quer ce qui, pour moi, demeure un phénomène.

— À qui penses-tu en me disant cela ?

— À , à , à tant de gens endia­blés, c’est le mot, qui ont mis l’É­glise à feu et à sang. Mon cher pro­fes­seur, l’ab­bé G…, était pour­tant bien clair quand il résu­mait l’ pro­tes­tante ; cepen­dant, cette révolte reste tou­jours comme une chose inouïe dans mon esprit.

— Je ne puis pas en dire autant, mon vieux Ber­nard, pour une bonne rai­son, c’est que mon esprit, à moi, n’en a jamais été fort occu­pé. Que racon­tait donc ton abbé G…?

— Qu’au XVIe siècle, les fai­blesses de plu­sieurs ren­daient néces­saires cer­taines réformes dans l’É­glise. Il expli­quait les choses à peu près dans ce sens : deux sortes d’es­prits dési­raient une réforme : les vrais enfants de l’É­glise, qui l’at­tendent hum­ble­ment, com­pre­nant qu’ils doivent com­men­cer par se réfor­mer eux-mêmes ; et puis, les esprits pleins d’or­gueil, qui s’i­ma­ginent être char­gés de régen­ter le monde à leur guise, au lieu de croire aux pro­messes faites par Notre-Sei­gneur à son Église. Tel Luther, ce moine orgueilleux, tenace, qui allait faire de si affreux ravages. Il com­mence par sus­ci­ter une que­relle au sujet des indulgences.

— Com­ment ne l’a-t-on pas arrê­té dès le début ?

— Va donc arrê­ter ce diable d’homme ! On a tout essayé. Le Pape Léon X lui envoie des car­di­naux pour ten­ter de l’é­clai­rer. Il répond à tout par des gros­siè­re­tés et des injures, qu’il sème ensuite dans l’ entière. Il se dit char­gé d’une pré­ten­due réforme de l’É­glise, et le Saint-Père patiente, attend pen­dant trois ans avant de condam­ner ses erreurs. La bulle (autre­ment dit l’é­crit qui les condamne enfin) est brû­lée publi­que­ment par Luther et ses par­ti­sans ! As-tu idée de cela ?