Le manteau de la Vierge

Auteur : Rainier, Lucien | Ouvrage : Autres textes .

Temps de lec­ture : 4 minutes

Histoire Sainte Famille - La fuite en Egypte - Carle Van Loo

Dès que le convoi des Rois fut parti,
saint Joseph, qu’un ange avait averti,
pre­nant avec lui l’Enfant et sa mère,
et l’âne, équi­pé de façon sommaire,
quit­ta Beth­léem. Le tyran maudit
n’avait pas encor por­té son édit,
qu’eux fuyaient déjà, trom­pant sa colère,
et gagnaient au loin l’exil tutélaire.

Au cours du voyage, il advint ceci
que je vais nar­rer dans un bref récit.
Ayant tra­ver­sé la Judée entière,
ils ont pu fran­chir, enfin, la frontière,
et sont, désor­mais, en sécurité.
De là, pour atteindre un sol habité,
c’est un long tra­jet qu’il leur fau­dra faire.
Main­te­nant, Joseph ne s’en trouble guère ;
il leur reste assez de pain ; et voici
de l’huile, du miel, des dattes aussi…
L’outre a conser­vé son eau fraîche et claire.
Le bau­det, gaillard plus qu’âne sur terre,
va son petit train, comme à l’ordinaire.
Et, s’il n’avait pas, au cœur, le souci
des enfants qu’Hérode abat sans merci,
saint Joseph, d’avoir si bien réussi,
rirait, dans sa barbe et dans sa prière.

C’est tou­jours, pour­tant, le sable et la pierre,
le morne désert, sans lac et sans bois !
À part un ché­tif pal­mier, quelquefois,
rien ne rompt l’ennui de la plaine immense,
où le che­min fuit, fuit et recommence…
Il faut s’arrêter, le soir, quelque part,
pour man­ger, dor­mir ! Ici. Sans retard,

Poême à lire - Repos pendant la fuite en Egypte, Fragonard
Repos pen­dant la fuite en Egypte – Fragonard

la Vierge dépose, en une corbeille
qu’elle a pour cela choi­sie, au départ,
le bébé Jésus qui, déjà, sommeille.
Son voile, plié sur le petit nid,
comme un édre­don, le couvre à merveille !
De ses deux paniers l’âne est dégarni.
Sans par­ler, leurs cœurs gon­flés de mystère,
le repas fru­gal est vite fini.
Après quoi, pour couche, ils auront la terre…
Bien­tôt, sur ce groupe humble et solitaire :
l’âne et saint Joseph, Marie et l’Enfant,
la lune, qui monte au ciel vaste, étend
sa lumière pure et céruléenne…
Or, fraîche est la nuit, quoique égyptienne.
La chose, là-bas, arrive souvent
dans les mois d’hiver ; et, ce soir,
le vent souffle de la mer méditerranée !
Dans son lit d’osier, la tête inclinée,
le Pou­pon divin dort bien chaudement.
Mais, à ses côtés, sa frêle maman
de froid et de vent est toute glacée.
Long­temps elle prie… Enfin, harassée,
la Vierge s’endort, mais, en grelottant.
L’Enfant se réveille, en ce même instant.
Il regarde. Il sort un bras de ses langes.
Il lève trois doigts. Oh ! Trois cent mille anges
l’entourent, sou­dain !… Lui, silencieux,
leur montre sa mère, avec de gros yeux.
C’est alors qu’eut lieu, vrai­ment, un miracle !
Indi­cible ! unique ! inouï spectacle,
que le ciel entier a vu, sûrement !
Remon­tés d’un vol en plein firmament,
vers je ne sais quel bizarre instrument,
– immense appa­reil, sur­gi brusquement,
rap­pe­lant de loin nos métiers à toile –
cha­cun, pour navette ayant une étoile ;
leur troupe scin­dée en deux légions,
d’un geste alter­né croi­sant les rayons ;
sans un brin de trop, ni méprise aucune,
les anges tis­saient, oui ! du clair de lune !…
Et, tout leur tra­vail étant achevé
dans le temps qu’on prend à dire un avé,
les bons tis­se­rands revinrent, ensuite,
sou­mettre à Jésus la pièce produite.
Lui, qui jus­te­ment venait de poser
un doigt sur sa bouche, en fit un baiser !
Alors, deux d’entre eux, len­te­ment, couvrirent
la Vierge endor­mie. Et tous repartirent…

Poésie à télécharger - Le repos pendant la fuite en Egypte, 1713
Le repos pen­dant la fuite en Egypte, 1713 – Sebas­tia­no Conca (1680, 1764).

Plus que les satins, bro­carts et velours
por­tés par les saints dans leurs beaux atours,
cette étoffe était mer­veilleuse ! et telle
que, depuis, Marie a vou­lu, toujours,
même en Para­dis, la gar­der sur elle.

Et voi­là pour­quoi – me croi­ra qui veut –
le man­teau de la Sainte Vierge est bleu !

Lucien Rai­nier, Avec ma vie

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3 Commentaires

  1. Martine Nicolas a dit :

    Bra­vo, vos his­toires toutes saintes , toutes belles, comblent de joie et leur âme et leur coeur, mes enfants du catéchisme.
    merci.
    M.Nicolas

    21 mars 2012
    Répondre
    • Le Raconteur a dit :

      Mer­ci beaucoup.

      Je suis heu­reux de consta­ter que mon modeste tra­vail de mise en ligne de ces belles his­toires est utiles.

      21 mars 2012
      Répondre
  2. Bon­jour,
    J’ai décou­vert votre site et vos his­toires m’enchantent…
    Pour­riez-vous vous pré­sen­ter un peu plus..

    Je serai très heu­reuse de recom­man­der votre site.

    Bien cor­dia­le­ment
    Anne CHar­lotte Lundi.

    22 mars 2011
    Répondre

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