L’extrême-onction
C’était à la sanglante bataille de la Moskowa, où Russes et Français s’étaient battus avec un acharnement farouche. Le général de Caulincourt venait d’enlever les positions ennemies pour la troisième fois lorsque la cavalerie française, ayant à sa tête le capitaine Bakel, entra comme un ouragan dans les murs de Borodino. Les Russes la saluèrent par une terrible décharge d’artillerie. Le capitaine Bakel, blessé à la jambe et à l’épaule, tomba de cheval. Ses soldats le relevèrent et l’emportèrent aussitôt au pas de course sous une pluie de balles. Peu à peu le silence se fit sur le champ de bataille… et le vaillant capitaine, ouvrant les yeux, sourit en entendant le clairon français sonner la victoire. « Nous sommes vainqueurs, murmura-t-il… J’y comptais bien ! »
Cependant le chirurgien mandé en hâte auprès du blessé laissa passer vingt-quatre heures avant de venir à son chevet, tant sa tâche était immense. Comme le sang ne coulait plus le major put extraire assez facilement la balle logée dans l’épaule. Il allait se retirer en félicitant le blessé de son courage quand celui-ci ajouta : « Et ma jambe, vous ne la regardez pas ? — Comment, dit le chirurgien, une jambe encore après l’épaule ! Vous faites du luxe !» Et se penchant à nouveau sur le brancard il découvrit le membre malade. Quel effroyable engin avait pu réduire le pied en cet état ? Le cuir des bottes, les chairs hachées, les os broyés, tout cela formait une horrible plaie affreuse à voir.
« Mon Capitaine, dit le major, il n’y a qu’une planche de salut ; et sans hésiter… C’est de vous