Je me souviens d’une histoire qui m’a été racontée il y a bien longtemps, car j’étais encore au collège à Stonyhurst, dans le nord de l’Angleterre ; là, ceux qui nous enseignaient avaient un art merveilleux pour se faire écouter par des enfants, alors même qu’ils parlaient des choses les plus graves et les plus sublimes.
Les pères de Stonyhurst ressemblaient à ces jésuites missionnaires au Canada, qui, pour attirer les peuplades sauvages autour de la croix qu’ils portaient au désert, avaient avec eux des harpes et des cithares ; et quand ils voguaient avec quelques néophytes sur les grands fleuves, ils se mettaient à chanter des cantiques, en s’accompagnant d’accords suaves et harmonieux ; l’attrait de cette musique amenait à eux des naturels du pays, et souvent, pour mieux entendre les hommes de la chair blanche, on voyait de ces sauvages qui se jetaient à la nage, et qui venaient se suspendre aux bords de la pirogue pour écouter ces hommes qui avaient appris leur langue et accouraient, à travers les mers et les dangers, leur parler de Dieu.
Nos maîtres de Stonyhurst n’avaient ni cithares ni harpes ; mais ils avaient des histoires qu’ils savaient mêler à tous leurs enseignements. En voici une que l’un des pères nous raconta à l’instruction du matin, le dimanche de la Trinité.
Un saint docteur, un homme qui avait cherché la solitude pour pouvoir se livrer, loin de tout bruit et de toute distraction, à la prière et à la méditation, un jour se promenait seul sur les bords de la mer ; là, livré à ses graves pensées, tantôt il regardait le ciel, tantôt il portait ses yeux sur l’immensité des flots.
La vue du ciel avec son azur et ses nuages, la vue de la mer avec son mouvement et ses vagues, sont deux grands aspects qui plaisent aux âmes méditatives ; il y a de l’infini dans ces deux spectacles, et l’infini mène à Dieu.
Ce qui préoccupait le saint dans sa promenade solitaire, c’était le mystère de la Trinité.