« Le Seigneur est
véritablement ressuscité,
Alleluia ! »
Du haut de ses huit ans, Jean regardait avec un peu de dédain, la petite fille de la concierge. Elle avait cinq ans, un tablier clair, des yeux noirs brillants, et de courts cheveux blonds.
Quand Jean l’observait de la fenêtre, elle était généralement occupée à quelque déménagement : elle apportait sur le trottoir un petit fauteuil de paille, une table basse, qu’elle couvrait d’un ménage en terre.
Puis, elle allait chercher un gros chat gris qui supportait avec impatience d’être assis sur ses genoux et se sauvait dès qu’elle cessait de le serrer. Elle rentrait alors, et revenait avec une poupée qu’elle abandonnait bientôt pour des livres d’images. Elle restait immobile pendant cinq minutes, et, au bout de ce temps, rentrait tout ce qu’elle avait précédemment étalé sur le trottoir. Depuis qu’il la regardait vivre, Jean était persuadé que les petites filles ne savaient pas ce qu’elles voulaient.
Le matin du Samedi Saint, pourtant, il eut soudain, l’impression qu’une petite fille pouvait avoir de la suite dans les idées.
En effet, durant presque toute la matinée, la jeune Rose se livra aux mêmes occupations. Elle commença par mettre sur sa tête une écharpe un peu chiffonnée, sur laquelle elle plaça la couronne de marguerites de la précédente Fête-Dieu. Puis elle alla chercher un panier à salade qu’elle balança en guise d’encensoir et se mit à marcher de long en large sur le trottoir, en chantant à tue-tête : « Laudate…e, laudate, laudate Mariam… » Sa mère sortit pour lui ordonner de crier moins fort. La petite entonna alors, d’une voix plus basse, mais encore aiguë, l’enfantine chanson :
« Le petit Jésus s'en va-t-à l'école
En portant sa croix dessus son épaule,
Une pomme douce
Pour mettre à sa bouche,
Un bouquet de fleurs
Pour mettre à son cœur.