Chapitre VIII
Ce matin, le vent d’ouest court en secouant les branches à travers le petit bois. De temps en temps, une rafale fait passer dans l’air sa longue plainte triste, mais les garçons s’en moquent bien. Ils sont partis, gais comme pinsons, gauler les dernières châtaignes, laissant leurs sœurs à la maison.
Colette confère avec Bernadette.
— Veux-tu que nous allions, nous deux, chercher Nono ? Nous le conduirions à l’église, pour lui apprendre ce qu’est la Maison du Bon Dieu.
— Mais il fait un temps de chien !
— Et après ! Mets ta cape d’infirmière, et moi, mon manteau et mon capuchon ; seulement, gare si le vent les gonfle, nous serons enlevées comme des aéroplanes !
De fait, c’est une tempête qu’affrontent les deux sœurs.
Quand, ayant cueilli Nono en chemin, elles pénètrent dans la vieille église, il faut leur effort combiné pour refermer la grande porte contre la poussée du vent. On entend les mugissements de la rafale frapper le long des murs, comme les vagues sur les rochers, les jours de grande marée.
Aussi, à peine entré, Nono murmure :
— On est bien ici. Il fait bon !
Se penchant vers l’enfant, Bernadette répond :
— On se sent en sécurité contre la tempête, n’est-ce pas, mon petit ? Je voudrais que tu comprennes aussi combien notre âme, bien plus encore que notre corps, est ici à l’abri du danger. Quand l’enfant demeure chez son père, qu’il le sent là, tout proche, il n’a peur de rien. Or nous sommes à l’église, dans la maison de notre Père.
— Oui, insiste Colette, le Bon Dieu est partout, mais ici, Il nous attend pour que nous puissions lui parler tout à notre aise. Tu comprends, Nono, devant le Bon Dieu, il faut se tenir très bien, et, si on a quelque chose à se dire, on le fait tout bas, mais ça n’empêche pas d’expliquer bien respectueusement.
Tu vas d’abord mettre ton doigt dans le bénitier et faire le signe de la Croix.
La frimousse attentive se lève ; les yeux disent : Pourquoi ?
Colette a lu la question. Elle répond :
— Parce que le signe de la Croix, accompagné du regret de nos fautes et fait pieusement avec l’eau bénite, efface nos péchés véniels. Maintenant, mettons-nous


Il y avait, en ce temps, un jongleur très fameux, nommé Pierre de Syglar, qui, d’un bout de l’année à l’autre, allait de moutier en moutier, chantant la gloire de la Vierge Marie. Se pouvait-il qu’au moins une fois en sa vie, il ne passât par le sanctuaire où, depuis les jours les plus lointains, une image de la Mère de Dieu, la plus belle que vous puissiez voir, attire de tous les coins du monde un peuple immense à ses pieds ?… Il y passa donc une fois. C’était au soir d’une chaude journée. Il avait fait un long voyage, il avait faim, il avait soif, et ce n’était pas sans envie d’entrer se rafraîchir qu’il regardait tout le long de la rue se balancer au-dessus de sa tête les belles enseignes des auberges, car jamais bonne soupe et bon vin n’ont été méprisés par ménestrels, vielleurs, jongleurs et autres gens de cette espèce. Lui-même, tout dévot qu’il fût, ne méprisait pas la bouteille. Mais il était venu visiter la vraie Hôtesse de l’endroit, Notre-Dame Sainte-Marie : malappris s’il n’allait d’abord se prosterner devant Sa Seigneurie.