Étiquette : <span>Réveillon</span>

Auteur : Giron, Aimé | Ouvrage : Le sabot de Noël .

Temps de lec­ture : 16 minutes

L’hor­loge a son­né… un — deux — trois — quatre — cinq — six — sept — huit — neuf – dix — onze — douze… — Minuit !

À chaque coup un ange se déta­chait de la cloche et s’en­vo­lait au ciel : Noël ! Noël ! L’en­fant Jésus est né !… Noël !

Voi­ci que de la tour de l’é­glise monte un bour­don­ne­ment comme si des ruches s’é­veillaient. — Ce sont en effet les cloches, grosses abeilles du clo­cher, qui com­mencent à vol­ti­ger. Dig ! ding ! dong ! Noël ! Noël ! Dig ! ding ! dong !

De très loin on entend leur carillon. — Les cor­beaux qui logent à côté, dans la char­pente, s’en­volent par les ouver­tures en criant, et ils tour­noient comme une cou­ronne noire autour de la flèche pointue.

Dig ! ding ! dong ! Noël ! Noël ! Dig ! ding ! dong ! Les branches nues des arbres se balancent. les portes des mai­sons s’ouvrent. les sabots passent dans la rue.

Aux fenêtres les lampes s’al­lument, et par les che­mi­nées s’é­chappent des fumées bleues, comme des filets de gaze à prendre les papillons d’hi­ver. — Le feu pétille clair et joyeux sur la pierre du foyer.

Le vent roule la neige contre les por­tails des cours, et secoue au bord du toit le ché­neau de fer-blanc.

Dans le gre­nier quel vacarme ! Noël ! Noël ! Dig ! ding ! dong !

Écou­tez au jour de l’é­table. Les bœufs meuglent… les agneaux bêlent… les coqs chantent… les poules caquettent… — Les voi­là éveillés !

Ils ont tous pres­sen­ti l’an­ni­ver­saire de la nuit où l’en­fant Jésus est venu au monde. On avait gar­ni de paille fraîche les râte­liers, de feuilles mortes les man­geoires et de grains nou­veaux les poulaillers.

Ayant enten­du tin­ter minuit, len­te­ment, pieu­se­ment, ils se sont agenouillés.

— C’est la seule nuit de l’an­née et l’heure bénie où ils flé­chissent ain­si le genou dans la litière.

Deman­dez au vieux pay­san de la plaine ; au mon­ta­gnard fervent qui vit sur les mon­tagnes, près du ciel.

Le maître de l’é­table ne l’i­gnore pas ; aus­si va-t-il le long des crèches, son bon­net à la main, dis­tri­buer aux ani­maux des poi­gnées de sel.

— Eh bien ! les grands bœufs !… L’en­fant Jésus est né… qu’il vous donne belle force et bon cou­rage au tra­vail. La terre gelée devient dure. Il faut creu­ser pro­fond les sillons ; et le champ est vaste. À vous, la bou­chée de sel de l’en­fant Jésus.

Distribution du sel aux animaux durant la nuit de Noël

Les grands bœufs, tou­jours accrou­pis dans la paille, ont remué leur grosse tête et souf­flé avec bruit leur haleine de vapeur ; puis, sérieu­se­ment, ils se sont mis à rumi­ner le sel, en remuant les oreilles.