Conte pour la fête des Mères.

L’HEURE est matinale, mais, déjà, deux promeneurs se hâtent dans l’étroit sentier du grand bois. Toute la sylve en éveil semble vouloir honorer ces deux visiteurs qui lui consacrent les premières heures de leur journée. Les violettes, les aubépines, toutes les fleurs, grandes et petites, rivalisent d’ardeur : comme il est doux, ce parfum ! Couverte de rosée, chauffée par les premiers rayons du soleil toute la forêt exhale une odeur chaude, à la fois subtile et complexe. Comme il est gentil ce petit garçon qu’accompagne son père ! Mais, où diable va-t-il à cette heure ? Pourquoi a‑t-il quitté son lit, sûrement douillet, pour courir les bois si tôt ? Les genets qui bordent le sentier se penchent sur son passage, comme pour vouloir caresser son doux visage rose. Hélas ! il a l’air triste et sérieux, ce visage rose ! Ses grands yeux bleus font penser à des larmes. Attention ! Alerte ! Ils ont parlé à voir basse, et voilà le grand monsieur qui quitte le sentier brutalement, entre dans le bois à travers les buissons. Viendraient-ils tous deux, comme sont venus, un matin d’hiver, quelques-uns de leurs semblables, saccager nos taillis ? Alerte ! La lutte s’organise, les ordres sont donnés. Les armées d’épines aiguisent leurs piquants et s’unissent pour ne former qu’une barrière menaçante. Les ronces qui rampaient redressent leurs longues lianes acérées et se préparent à griffer profondément les visages et les mains des téméraires. Non, ils ne passeront pas, la forêt se défendra, la bataille sera rude.
Soudain, dans le grand silence, une petite voix se fait doucement entendre :
— Laissez-les passer ! Laissez-les passer !
C’est la voix d’une violette, tapie à l’ombre d’une majestueuse épine.