Noël à l’étable

Auteur : Giraud, Mad H. | Ouvrage : La semaine de Suzette .

Temps de lec­ture : 6 minutes

C’EST incroyable ! s’é­cria Cadiche, voi­ci encore la vieille Sophie qui fait un nou­veau gâteau ! C’est au moins le qua­trième depuis deux jours et elle n’a pas l’air dis­po­sée à s’arrêter !

Ata­lante, la jolie jument ale­zane, regar­da l’âne avec pitié : 

— Toi qui es tou­jours si bien infor­mé, dit-elle, je suis sur­prise que tu ne saches pas que c’est demain Noël, un grand jour de fête !

— D’au­tant plus, rumi­na Colombe, une grosse vache blonde, que tu devrais te rap­pe­ler l’his­toire que l’on t’a contée comme à moi, quand tu étais petit, et dans laquelle l’un de tes ancêtres, comme l’une des miennes, réchauf­fait le petit Jésus qui venait de naître…

— Beuhhh… dit le bœuf, vous vous trom­pez ma com­mère ! C’é­tait l’un de mes ancêtres, à moi !

— Qu’im­porte ! dit Colombe, Cadiche est impar­don­nable de ne pas se rap­pe­ler le rôle du sien… que vous ne pou­vez nier !

— Ouah ! Ouah s’é­cria Myr­til, le grand chien de garde qui venait d’ar­ri­ver, tout boueux et trem­pé, lais­sez-moi me sécher… De quoi parliez-vous ? 

— De Noël ! répon­dit d’une voix grave un nou­vel arri­vant qui venait de faire une entrée dis­crète et s’é­tait assis dans la man­geoire de Cadiche.

Des cris éton­nés le saluèrent 

— Mit­sou ! Toi ici !… Par quel hasard ? C’est bien de l’honneur !… 

Tout le monde par­lait à la fois.

Mit­sou, le bel ango­ra noir, très digne, écoutait.

— La mai­son, dit-il enfin, est inte­nable ! Ce ne sont que net­toyages, ran­ge­ments et désorganisation !

Un arbre de Noël dans un salon, toutes les grandes per­sonnes s’a­musent autour, en atten­dant que ce soit le tour des enfants. Ceux-ci courent par­tout, leurs sou­liers à la main.

— Des sou­liers à la main ! s’é­crie un incrédule. 

— Mais oui, répon­dit Mit­sou, qui, patiem­ment, expli­qua ce qu’i­gno­raient les amis de l’étable : 

Les sou­liers dans la che­mi­née, la visite du petit Noël, les cadeaux aux enfants sages, qui deman­daient ce qu’ils dési­raient et la messe de minuit, le réveillon, et toutes les joies de cette belle fête… 

Pleins d’ad­mi­ra­tion, tous écou­taient quand sou­dain, après que Mit­sou se fut tu, Cadiche secoua ses longues oreilles et prit la parole : 

— Eh bien, dit-il, ce n’est pas juste !… Et nous, nous dont les ancêtres, Colombe l’a dit, étaient auprès du petit Jésus et essayaient, avec leur souffle, de le réchauf­fer, pour­quoi n’a­vons-nous pas, ce jour-là, une fête aussi. ?

— Cadiche veut mettre ses sabots dans la che­mi­née ! s’é­cria Myr­til, ironique.

— Fais atten­tion à mes sabots ! répli­qua Cadiche. Ce ne serait pas la pre­mière fois qu’ils te rap­pel­le­raient la politesse.

— Allons, allons, dit Ata­lante, Cadiche a rai­son. Toi, Myr­til, tu as tou­jours ta part des fêtes de la mai­son, comme Mit­sou, car Sophie, la cui­si­nière, vous fait pro­fi­ter des restes… Mais nous ? 

— Des restes, c’est cela ! reprit Mit­sou qui s’ins­tal­lait, pattes en man­chon. Mais pour­quoi, un jour de fête, n’au­rions-nous pas, nous aus­si, un réveillon fait exprès pour nous et des cadeaux ? Nous avons été fort gentils. 

Un rire léger se fit entendre puis un grand bruit d’ailes.

— Ce sont les pigeons qui rêvent, expli­qua Colombe. 

Mais elle se trom­pait. Les pigeons dor­maient, tête sous l’aile. 

C’é­taient deux petits anges, deux petits anges du Bon Dieu, qui, char­gés de noter sur un grand cahier les adresses des mai­sons des enfants sages, avaient, en pas­sant, enten­du par­ler dans, l’é­table et avaient écou­té curieusement. 

— Ils ont rai­son, dit l’un d’eux, repre­nant son vol.

— On en par­le­ra Là-Haut, dit l’autre. 

Et voi­là sans doute pour­quoi Jac­que­line, se réveillant le matin du 24 décembre, son­gea à ses bons amis de l’étable. 

— Pour­quoi, se dit-elle, ne pas les fêter, eux aus­si ? Je vais m’oc­cu­per de leur Noël.

Ce fut donc ain­si que, le soir, une petite ombre fur­tive se glis­sa dans l’é­table, les bras char­gés de paniers. 

Et, un peu plus tard, à la lueur de la lune qui brillait, le plus étrange des réveillons s’or­ga­ni­sait. Des paquets de carottes fraîches, et des mesures d’a­voine, de gros blocs de sel, et de gros mor­ceaux de pain. Il y en avait pour tous les goûts. Pour Ata­lante et pour Cadiche, pour Colombe et pour le bœuf Tircis. 

Mais voi­ci que Myr­til arri­vait por­tant avec pré­cau­tion une écuelle de crème à la vanille, tan­dis que Mit­sou tenait « en son bec » une galette. 

Ils trou­vèrent les habi­tants de l’é­table en grande effervescence. 

Leur arri­vée la fit redoubler :

— La crème est pour moi, dit Mit­sou, mais Myr­til pou­vait la por­ter plus faci­le­ment. D’ailleurs, nous par­ta­ge­rons galette et crème, c’est convenu. 

— Et nous aus­si, nous par­ta­ge­rons tout, hen­nit Ata­lante pous­sant géné­reu­se­ment le bloc de sel vers Colombe.

Quel beau réveillon et que tout le monde fut content ! 

Même les petits anges qui avaient prié le Bon Dieu, même la petite Jac­que­line à qui le Bon Dieu avait sug­gé­ré la pen­sée de gâter ses bons amis. Et le Bon Dieu enfin, qui aime tant que ses créa­tures soient heureuses !… 

MAD H.-GIRAUD.

Un commentaire

  1. Emmanuel a dit :

    Très bon site

    23 mars 2025
    Répondre

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.