Huitième commandement[1]
Décidément, ce soir ça n’allait plus… Depuis longtemps déjà, Francelyn s’apercevait que le duc de Mâle-Bouche, dont il était le premier page, lui faisait mauvaise figure. Et Francelyn savait bien que c’était là une affaire de jalousie. Mirouet, le second page, ne pouvait supporter de le voir avant lui, et depuis longtemps il essayait de lui faire perdre l’estime du seigneur de Mâle-Bouche. Or, aujourd’hui, le duc avait été plus dur que d’habitude et si, tout à l’heure, il s’était enfermé dans sa chambre avec Mirouet, ce ne devait pas être pour chanter les louanges de Francelyn. Et Francelyn, accoudé à une étroite fenêtre du château, songeait.
Francelyn ? Le plus joli, le plus charmant page que l’on pût rêver. C’était la jeunesse en fleur dans toute sa joliesse de seize ans : de grands cheveux blonds qui retombaient en boucles d’or sur ses épaules, des yeux couleur de rayon de lune, de fines lèvres incarnat toujours prêtes à sourire ou à chanter, un teint qui faisait penser aux fleurs des pommiers d’avril. Et une âme aussi belle que le visage : ni fausseté, ni égoïsme en lui, ni orgueil, mais une grande et vraie charité et un profond amour pour Notre Seigneur Jésus-Christ et Notre Dame, sa sainte Mère.
La moindre injustice, le moindre mensonge faisaient horreur à Francelyn, et c’est pourquoi, ce soir, il était triste, très triste, parce qu’il sentait de la jalousie et de la calomnie autour de lui.
Francelyn laissait ses yeux errer au loin. Il contemplait du château, fièrement perché sur une haute falaise de rochers à pic, la plaine où le soleil couchant dorait les blés mûrs, et il lui semblait, le pauvret, que
- [1] Huitième commandement : La médisance banniras et le mensonge également.↩