La vieille Yvonne s’assit un jour près de son rouet et nous dit :
— Oui, mes enfants, le plus grand des saints du paradis, c’est saint Joseph. Écoutez bien ce que je vais vous raconter, et vous verrez si je vous ai menti.
Nous nous approchâmes plus près encore de mère Yvonne, et elle commença :
« Personne n’aimait Joseph Mahec, dans le pays de Kervéh qu’il habitait ; aussi vivait-il solitaire dans une cabane délabrée. On disait que le soleil lui-même avait tellement en horreur Joseph Mahec, que jamais il ne projetait ses joyeux rayons sur sa maisonnette enfumée !
Un soir de mars où Joseph Mahec allait pénétrer dans sa cabane, il se sentit tirer légèrement par le pan de son habit. Il se retourna surpris, presque en colère, car il n’était point accoutumé à ces manières. On le fuyait, mais on ne le touchait pas. Derrière lui était un vieillard courbé sous le poids des années et de la misère. Des cheveux blancs, une longue barbe, des traits vénérables prévenaient en faveur de cet inconnu, en dépit de ses pauvres habits. Mais Joseph Mahec n’avait de pitié pour personne. Il regarda à peine cet étranger dont le front avait pourtant un doux rayonnement emprunté sans doute à la résignation de son âme.
— Que me voulez-vous ? demanda-t-il brusquement.
— Assistez-moi, dit le pauvre homme.
Mahec partit d’un grand éclat de rire.