Confirmation
(histoire vraie)
Toussaint 1867.
Depuis deux cents ans, à la suite de l’intrépide Magellan découvrant le passage merveilleux à la pointe sud de l’Amérique, corvettes et frégates d’Europe ont sillonné les Mers du Sud (ainsi nommait-on, en ce temps-là, l’Océan Pacifique), abordé des îles inconnues, amené bientôt les missionnaires…
A 500 lieues au nord-est de Tahiti, l’étroite île d’Anaa allonge sur 80 kilomètres ses anneaux de corail en ellipse autour d’un vaste lagon central. Tout à l’en tour, la mer phosphorescente, à l’infini…
Sur la petite plage de sable étincelant, un homme debout scrute ces horizons illimitées…
— Ici, dit-il à quelques hommes au visage couleur de pain grillé, tous les Maoris sont devenus chrétiens. Votre foi et votre ferveur sont la joie de ma vie. Mais là-bas… plus loin ?…
Car « plus loin », sur des centaines de kilomètres d’océan, l’archipel des Tuamotous disperse ses îles basses « comme une immense couvée d’œufs qu’un méchant coq aurait bousculée… » Et parmi celles-ci beaucoup, encore absolument sauvages à cette époque-là, ignorent le vrai Dieu et sont entourées d’une solide réputation île férocité et de cannibalisme. Les premiers Blancs qui y ont abordé étaient des pirates négriers : par force ou par ruse ils se sont emparés des populations et les ont emmenées travailler sur les durs chantiers de Tahiti ou de Papeete… Devenus méfiants, les survivants ont accueilli à coup de sagaies les autres Blancs venus pour acheter la nacre ou le coprah, et ils en ont offert plus d’un en sacrifice expiatoire à leurs dieux offensés ; puis ils les ont dévorés en d’immenses festins rituels…
Un grand Maori lève son regard d’escarboucle sur le missionnaire pensif :
— Il y a dix-huit ans, nous étions comme eux, Apereto. Mais tu es venu. Tu nous a annoncé le Dieu qui aime tous les hommes et veut que tous les hommes s’entr’aiment. Tu nous as appris à construire des maisons, à creuser des puits, à guérir la fièvre. Nous vivons heureux et nous nous irons au ciel. Mais nous n’avons pas le droit de garder ce bonheur pour nous. Veux-tu que nous le portions avec toi à nos frères des îles Basses ?
Apereto — ainsi nomment-ils affectueusement dans leur langue cadencée le Père Albert Montiton, missionnaire chez eux depuis longtemps — sourit à ces chrétiens généreux et rendit grâce au Seigneur : « ceux-là sont pleins de l’Esprit de Dieu »…
— Réfléchissez. Je pars demain. Un voilier de commerce consent à m’emmener. Il touchera de nombreuses îles : j’y descendrai, j’y annoncerai Jésus. J’y laisserai un catéchiste pour continuer l’œuvre amorcée…
Ils sont dix à s’offrir, et les femmes ne sont pas les dernières. Le Père les met en garde contre un enthousiasme intempestif :
— Songez que nous risquons d’être accueillis à coups de lances…
— Nous ne