Une grâce inattendue

| Ouvrage : 90 Histoires pour les catéchistes I .

Temps de lec­ture : 7 minutes

Mariage

On raconte qu’il y avait à Rome une noble veuve, plus riche de ver­tus que for­tu­née, et gran­de­ment dési­reuse de marier sa fille avant de mou­rir. Hélas, ce n’est pas chose aisée lors­qu’on n’a qu’une maigre dot à offrir aux pré­ten­dants ! Cepen­dant, cette pieuse chré­tienne se sen­tait vieillir et chaque jour elle s’in­quié­tait davan­tage de l’a­ve­nir de son unique enfant. Comme cette der­nière était encore jeune et, dit-on, fort jolie, elle déci­da de ten­ter un grand coup en met­tant de Padoue dans l’affaire.

Bartolomé Esteban Murillo (Pérez) - La Vision de Saint Antoine de Padoue

Ne trouve-t-on pas la sta­tue de l’illustre pré­di­ca­teur dans toutes les églises du monde ? C’est, à n’en pas dou­ter, parce qu’il jouit d’un cré­dit tout par­ti­cu­lier au ciel ! On pré­tend même qu’en Ita­lie les fidèles ont en lui une confiance telle que beau­coup n’hé­sitent pas à le faire pas­ser avant le Bon Dieu ! L’in­téresser à ce si dési­ré était donc, pour la noble famille romaine, miser sur le suc­cès. Aus­si la mère et la fille com­men­cèrent-elles leur avec une foi à trans­por­ter les mon­tagnes ! Et tan­dis que leur prière mon­tait vers le Saint elles se disaient l’une et l’autre : « Il va nous exau­cer ! Dans huit jours, neuf au plus, le can­di­dat que nous atten­dons sera là ! »

Cepen­dant les jours de la neu­vaine passent, la semaine se ter­mine et per­sonne ne se pré­sente… Saint Antoine serait-il deve­nu dur d’o­reille avec les années, ou son cœur se serait-il endur­ci ? Le désap­poin­te­ment de ses deux dévotes est d’au­tant plus vif que leur confiance en lui avait été plus entière…

Au soir du neu­vième jour, la fille, déses­pé­rée, prend la sta­tue de l’humble fils de saint Fran­çois et com­mence à se plaindre amè­re­ment à lui, un peu à la manière des Napo­li­tains lors­qu’ils s’a­dressent à saint Jan­vier le jour de sa fête !

Il faut savoir que ce jour-là, l’ar­che­vêque de Naples approche la tête du mar­tyr d’un petit fla­con rem­pli de son sang et qu’a­près un moment d’at­tente et de prière le liquide se met à bouillon­ner comme s’il était frais. Par­fois cepen­dant le Saint tarde à opé­rer le miracle… Alors les Napo­li­tains, dont le sang bout natu­rel­le­ment toute l’an­née… se

fâchent ! Rem­pla­çant les invo­ca­tions par des menaces ils vont sou­vent jus­qu’à insul­ter celui qui est cepen­dant le grand pro­tec­teur de leur cité !

Statue de Saint Antoine

Que dit exac­te­ment la jeune fille au pro­tec­teur de la ville de Padoue ? L’his­toire ne le rap­porte pas. Ce qu’il y a de cer­tain c’est qu’elle n’ob­tint pas davan­tage de mari par les menaces qu’a­vec la prière. Furieuse de voir ain­si crou­ler tous ses rêves, la can­didate au mariage bran­dit la modeste sta­tue de plâtre et, d’un geste brusque, la lan­ça par la fenêtre ! Ain­si, pen­sa-t-elle, le Saint sera puni et il ira misé­ra­ble­ment s’é­cra­ser sur le pavé de la rue !

Contrai­re­ment à ces peu louables pré­vi­sions la sta­tue n’ar­ri­va pas jusque là ! Au même ins­tant pas­sait en effet sous la fenêtre un jeune homme, à la mise soi­gnée, qui se ren­dait à son tra­vail. Le mal­heu­reux eut la désa­gréable sur­prise de sen­tir sou­dain un objet dur le heur­ter à la tête, enfon­cer son cha­peau… et le cou­vrir de débris de plâtre ! Ne se dou­tant nul­le­ment qu’il s’a­gis­sait de saint Antoine il lève les yeux.., Une fenêtre est ouverte à l’un des étages et sur l’ap­pui une main est encore ten­due comme venant de se libé­rer d’un objet. Pas de doute, le cou­pable est là ! D’un bond le jeune homme est dans l’es­ca­lier puis devant la porte où il sonne vigou­reu­se­ment. La jeune fille effrayée s’em­presse d’al­ler se cacher dans une pièce voi­sine tan­dis que sa mère, toute trem­blante, ouvre à l’in­con­nu. Le pre­mier contact est plu­tôt froid… Le pas­sant explique, poli­ment mais avec fer­me­té, ce qui vient de lui arri­ver et fait remar­quer que le pro­cé­dé manque pour le moins d’é­lé­gance. « Heu­reu­se­ment, ajoute-t-il, l’ob­jet n’é­tait pas très lourd et mon cha­peau a amor­ti le choc ! Il ne me reste plus qu’à faire dis­pa­raître les traces… »

La mère confuse pré­sente hum­ble­ment ses excuses puis, n’y tenant plus, dévoile la véri­té : « Je dési­rais tel­le­ment ne pas lais­ser ma fille seule dans la vie, cher Mon­sieur ! Je n’ai qu’elle au monde ! Hélas, saint An­toine n’a pas vou­lu exau­cer nos prières… Le geste de mon enfant n’é­tait pas beau, j’en conviens, mais je vous demande de le com­prendre tout de même un peu », sup­plie la mal­heu­reuse veuve. Le jeune homme voit immé­dia­te­ment qu’il a affaire à une per­sonne sin­cère et d’une édu­ca­tion par­faite. Il s’empresse d’as­su­rer qu’il par­donne de tout cœur, mais ajoute qu’il ne serait pas fâché de faire connais­sance avec l’au­teur du méfait. La mère, voyant que l’in­ci­dent n’au­rait pas de suites, ouvre alors la porte de la pièce voi­sine et demande à sa fille de pré­sen­ter à son tour ses excuses. Toute rou­gis­sante celle-ci s’exé­cute… À voir sa confu­sion le jeune homme se rend compte qu’il ne s’a­git que d’un geste irré­flé­chi et se retire sans insister.

Dans les jours qui sui­virent, la réflexion aidant, le gar­çon finit même par se deman­der si la pré­sence de saint Antoine dans toute cette affaire n’é­tait pas pour lui une indi­ca­tion de la Pro­vi­dence. déjà d’un cer­tain âge, dési­reux depuis long­temps de trou­ver une com­pagne sérieuse et de bonne famille, n’a­vait-il pas enfin décou­vert ce qu’il cher­chait ? L’his­toire de la sta­tue n’é­tait-elle pas la seule faute com­mise par la char­mante per­sonne qui l’a­vait inon­dé de plâtre ? Renseigne­ments pris il s’a­per­çut bien vite que c’é­tait exact. Dans le quar­tier la veuve aus­si bien que sa fille étaient haute­ment esti­mées par tous. Il ne lui res­tait donc plus qu’à se rendre une nou­velle fois à la même adresse et y sol­li­ci­ter la main de celle que saint Antoine lui avait si curieu­se­ment indi­quée ! Cette demande fut reçue avec la joie que l’on devine… Et quand le se fut reti­ré la jeune fille dit à sa mère en lui sau­tant au cou : « Tout de même, maman, qui eût cru que saint Antoine nous exau­çait au moment où je le jetais par la fenêtre ! »
Coloriage Sacrement du Mariage

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