Chapitre IV
Cette fois, il neige. Les flocons tombent serrés, gelés, et bientôt couvrent tout. Ils craquent sous les pieds de Colette, qui quitte l’école en hâte pour courir au presbytère, où, ce jour-là, le père Pierre doit venir la chercher. Quand elle entre, tout essoufflée, dans la cuisine, elle y trouve monsieur le curé qui récite son bréviaire et André étudiant ses leçons.
Dans l’âtre, quelques humbles morceaux de bois se consument. Le vieux prêtre les rapproche en hâte.
— Viens te chauffer, ma petite fille. Tu as une demi-heure d’avance sur le père Pierre et j’en conçois du souci. Il est allé pour un marché, au hameau des Grands-Chênes ; il m’a prévenu qu’il serait en retard, et par cette neige, je n’aime guère à penser que tu seras au grand noir à courir par là sur les routes.
Colette a un rire léger, qui fuse sous son grand capuchon.
— On trottera ferme, et le père Pierre me racontera des légendes du temps des loups, quand les landes au bord de l’étang étaient des forêts sauvages… Je suis folle de ses vieilles histoires ! Il les raconte avec une voix lente, en branlant sa lanterne dont les verres sont rouges, et qui projettent sur la route des lueurs fantastiques. Ce soir, sur la neige, ce sera délicieux.
— En attendant, regarde ce que Brigitte t’apporte.
— Oh ! Brigitte, ma vieille Brigitte, que vous êtes bonne ! Du lait chaud et des châtaignes ! Je ne pourrai dîner ce soir à la maison. Mais, en attendant, ce que ça va être exquis !
* * *
Et Colette épluche les châtaignes avec une joie d’enfant, pour les faire tomber une à une dans le bol de lait fumant. Mais son esprit n’en court pas moins au hasard de ses pensées, et voilà qu’elle dit brusquement :
— Vous savez, Monsieur le curé, vous m’avez laissée en panne l’autre soir, après l’équipée des garçons.
— Comment cela ?
— Mais oui ! vous êtes parti, sans m’avoir expliqué quelles sont les prières qui composent l’Office divin.
— Tiens, c’est vrai. Rien de plus simple que de compléter à l’instant. Tu t’es certainement rendu compte, en suivant les offices, que les psaumes y tiennent une grande place. As-tu remarqué combien on sent passer, à travers ces psaumes, tous les sentiments de repentir, de louange, d’amour de Dieu ?
— Je ne suis pas sûre d’y avoir fait grande attention. Je sais pourtant par cœur