La Corée martyre

| Ouvrage : Revue Bernadette .

Temps de lec­ture : 8 minutes


Un lièvre qui, à l’ex­tré­mi­té de l’im­mense Asie, semble dres­ser ses oreilles et regar­der vers nous, telle nous appa­raît la Corée, sur­nom­mée par les Chi­nois « le pays du matin calme ». 

Sépa­rée de la Mand­chou­rie, au Nord, par le fleuve Yalou ou du « canard vert », elle s’é­tend sur 1 700 kilo­mètres de long et 700 de large, entre la mer Jaune et la mer du Japon. 

Tour à tour annexée par les Chi­nois et les Japo­nais, la Corée devint soi-disant indé­pen­dante en 1945. Son ter­ri­toire fut alors divi­sé en deux par­ties par cette fameuse ligne de démar­ca­tion qui s’ap­pelle le 38° paral­lèle : soit 10 mil­lions d’ha­bi­tants au Nord et 20 au Sud. 

Et, depuis plus de deux ans 1, une guerre à la fois fra­tri­cide et inter­na­tio­nale ravage le pays.

Voi­là ce qu’est deve­nu « le pays du matin calme » !

Ber­na­dettes2, cette situa­tion tra­gique ne peut vous lais­ser indif­fé­rentes. Pour­quoi ? Mais parce que les Coréens sont des hommes comme nous ! Mais parce qu’ils souffrent ! Mais parce qu’ils ont une âme comme vous !

Et quels hommes ! Un mis­sion­naire qui les connaît bien a dit que dès le pre­mier contact on est en sym­pa­thie avec eux !

Ils sont tra­vailleurs, patients, géné­reux dans l’hos­pi­ta­li­té. Et pour­tant, la mai­son coréenne n’est qu’une chau­mière sans fenêtre : toit de paille sur quatre poteaux de bois et cloi­sons de terre pétrie, deux com­par­ti­ments : l’un pour les femmes, l’autre pour les hommes. 

La Corée, conti­nue le mis­sion­naire, est le pays du cou­rage simple et quo­ti­dien. Les enfants mêmes ne pleurent pas quand ils sont malades ou quand on les punit, et sur les joues des petites filles, les larmes coulent rarement.

Il est vrai que pour eux l’ap­pren­tis­sage du cou­rage com­mence très tôt. 

Tan­dis que les filles aident leur maman en por­tant le petit frère sur le dos, en tra­vaillant dans les champs, en fai­sant la les­sive, même en hiver dans l’eau gla­cée, les gar­çons rap­portent sur leur dos de lourdes charges. 

La Corée est le pays de la sim­pli­ci­té. Comme dans tous les pays du monde, les enfants jouent aux billes et au cerf-volant, et les jeunes gens tirent à l’arc. Mais le jeu natio­nal est la balan­çoire. Une planche posée sur une grosse pierre ou sur un rocher, et voi­ci grands et petits ravis de plai­sir. La fête de la balan­çoire, chaque année, ras­semble jeunes et vieux dans la joie.

Ces 30 mil­lions d’hommes se nour­rissent de riz cuit à la vapeur et accom­pa­gné de navets ou de choux crus confits dans le sel. Mais les pauvres n’ont sou­vent que du millet ou de l’orge à man­ger. Et c’est pour­quoi la pau­vre­té accom­pagne la plu­part des Coréens du ber­ceau à la tombe, ain­si que tout un cor­tège de misères et de mala­dies, tuber­cu­lose et lèpre surtout. 

Pour toutes ces qua­li­tés et toute cette misère, vous le voyez, Ber­na­dettes, ce peuple est déjà digne d’être aimé. Et bien plus encore main­te­nant où il connaît les hor­reurs de la guerre. 

Mais il est encore pro­fon­dé­ment reli­gieux et cer­tains de ses enfants ont ver­sé leur sang pour le Christ.

Voi­ci le dra­peau coréen avec sa signification : 

Drapeau de la Corée du sud

Le cercle au centre, appe­lé « tae guk » repré­sente l’Ab­so­lu. À l’in­té­rieur du cercle, les deux par­ties, l’une rouge, l’autre bleue, peuvent sym­bo­li­ser le « Yang et le e Yin » c’est-à-dire l’homme et la femme, le ciel et la terre, le feu et l’eau, la vie et la mort, l’exis­tence et la non-existence. 

Aux quatre coins, les traits noirs conti­nus ou bri­sés signi­fient l’op­po­si­tion et l’équilibre. 

Les trois traits conti­nus du coin gauche supé­rieur repré­sentent le ciel ; les lignes bri­sées du coin droit infé­rieur, la terre. Les deux autres repré­sentent res­pec­ti­ve­ment l’eau et le feu.

L’HISTOIRE chré­tienne de la Corée com­mence en l’an 1777. Des livres reli­gieux édi­tés à Pékin fran­chirent clan­des­ti­ne­ment la fron­tière et tom­bèrent entre les mains de quelques lettrés.

Immé­dia­te­ment, ceux-ci se mirent en devoir de pra­ti­quer ce que disaient ces livres. Sept ans plus tard, à l’oc­ca­sion d’une ambas­sade à Pékin, l’un d’entre eux, Ri, se fit bap­ti­ser par l’é­vêque de la ville, sous le nom de Pierre. Reve­nu dans son pays, il bap­ti­sa à son tour de nom­breux Coréens qui dans leur fer­veur se choi­sirent eux-mêmes des prêtres et un évêque. Ceux-ci, cepen­dant, ayant eu quelques doutes sur la légi­ti­mi­té de cet acte, ces­sèrent spon­ta­né­ment leur minis­tère et consul­tèrent l’é­vêque de Pékin, qui leur mon­tra l’er­reur dans laquelle ils étaient tom­bés de bonne foi et leur envoya un vrai prêtre chinois. 

Au cours du XIXe siècle, il y eut plu­sieurs per­sé­cu­tions san­glantes et des dizaines de mil­liers de fidèles confes­sèrent héroï­que­ment leur foi. Par­mi eux, un enfant de 13 ans, Pierre Ryou, mon­tra un cou­rage sublime. Il avait reçu 50 coups de verges et on lui avait arra­ché des lam­beaux de chair. 

— Seras-tu encore chré­tien ? lui deman­da le bourreau. 

— Ce n’est pas cela qui m’en empê­che­ra, se conten­ta de répondre le petit mar­tyr au visage transfiguré. 

C’est grâce à ce sang géné­reu­se­ment répan­du que le catho­li­cisme se déve­lop­pa et, en 1949, en comp­tait 250 000 fidèles, 4 évêques et 150 prêtres indigènes. 

La guerre a ral­lu­mé la per­sé­cu­tion. Des prêtres, des reli­gieuses et des fidèles ont été mas­sa­crés ou emprisonnés. 

La prieure du Car­mel de Séoul don­na un magni­fique exemple de cou­rage. On lui offrit de l’é­va­cuer en avion, comme Euro­péenne, au moment de l’in­va­sion de la Corée du Sud. 

Elle refu­sa, pré­fé­rant res­ter avec ses reli­gieuses coréennes pour les pro­té­ger. Plus tard, celles-ci furent sau­vées, mais la Mère géné­reuse fut emme­née par les com­mu­nistes dans le Nord et, depuis, on en n’a plus enten­du parler. 

Ber­na­dettes, priez pour que les souf­frances de ces confes­seurs de la foi ramènent la paix dans leur patrie déso­lée. Et devant de telles preuves d’hé­roïsme, appre­nez à sup­por­ter un peu plus éner­gi­que­ment vos petites souf­frances. Que sont-elles, en effet, devant celles des Coréens ?

La Corée, a‑t-on dit, est actuel­le­ment un pays où deux armées jouent une par­tie de rug­by. Les adver­saires avancent et reculent tour à tour. Ce petit jeu s’est renou­ve­lé plu­sieurs fois. Quand elles sont fati­guées, les

équipes entre­prennent des conver­sa­tions d’ar­mis­tice, mais elles ne s’en­tendent pas, et la guerre conti­nue, pour le mal­heur des Coréens ! Voi­ci quelques images de cette « partie » :

  • 25 juin 1950. — Des mil­liers d’ha­bi­tants : vieillards, femmes, enfants, fuient vers le Sud devant l’a­vance des troupes nor­distes, le dos char­gé de vivres et de linge, qu’ils perdent peu à peu tout le long de la route.
  • Sep­tembre-octobre. — Retour des éva­cués à la suite de l’a­vance des troupes sudistes et des Nations Unies, dans leurs vil­lages, qu’ils trouvent incen­diés, détruits par les bom­bar­de­ments ou pillés.
  • Novembre. — Nou­velle avance des Nor­distes, nou­vel exode vers le Sud en plein hiver, à tra­vers fleuves, rivières et rizières gla­cés. Trois mil­lions de civils péris­sent de froid et de faim. 70 000 enfants errent sans parents, sans secours, sans gîte. On ouvre des orphe­li­nats, qui en recueillent bien­tôt plus de 100 000. 

Un intré­pide mis­sion­naire, le P. Col­lard, a crié au monde entier la détresse de la Corée. Ber­na­dettes, est-ce que vous pou­vez la sou­la­ger ? Oui, cer­tai­ne­ment, par les seuls moyens pra­tiques pour vous et qui agi­ront à dis­tance, n’en dou­tez pas : la prière et le sacri­fice offerts à cette intention. 

Vous qui ne man­quez de rien, pou­vez-vous être tran­quilles quand tant d’en­fants de votre âge ont faim, ont froid et pleurent ? Et n’i­ra-t-il pas droit à votre cœur ce geste d’ap­pel d’un petit Coréen san­glo­tant dans les ruines ?


  1. N. D. É. : Ce texte a été écrit en 1952 dans « le jour­nal pré­fé­ré des fillettes » : Ber­na­dette ↩︎
  2. N. D. É. : C’est ain­si que l’au­teur appelle les petites lec­trices du jour­nal Ber­na­dette ↩︎

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