Un lièvre qui, à l’extrémité de l’immense Asie, semble dresser ses oreilles et regarder vers nous, telle nous apparaît la Corée, surnommée par les Chinois « le pays du matin calme ».
Séparée de la Mandchourie, au Nord, par le fleuve Yalou ou du « canard vert », elle s’étend sur 1 700 kilomètres de long et 700 de large, entre la mer Jaune et la mer du Japon.
Tour à tour annexée par les Chinois et les Japonais, la Corée devint soi-disant indépendante en 1945. Son territoire fut alors divisé en deux parties par cette fameuse ligne de démarcation qui s’appelle le 38° parallèle : soit 10 millions d’habitants au Nord et 20 au Sud.
Et, depuis plus de deux ans 1, une guerre à la fois fratricide et internationale ravage le pays.
Voilà ce qu’est devenu « le pays du matin calme » !
Bernadettes2, cette situation tragique ne peut vous laisser indifférentes. Pourquoi ? Mais parce que les Coréens sont des hommes comme nous ! Mais parce qu’ils souffrent ! Mais parce qu’ils ont une âme comme vous !
Et quels hommes ! Un missionnaire qui les connaît bien a dit que dès le premier contact on est en sympathie avec eux !
Ils sont travailleurs, patients, généreux dans l’hospitalité. Et pourtant, la maison coréenne n’est qu’une chaumière sans fenêtre : toit de paille sur quatre poteaux de bois et cloisons de terre pétrie, deux compartiments : l’un pour les femmes, l’autre pour les hommes.
La Corée, continue le missionnaire, est le pays du courage simple et quotidien. Les enfants mêmes ne pleurent pas quand ils sont malades ou quand on les punit, et sur les joues des petites filles, les larmes coulent rarement.
Il est vrai que pour eux l’apprentissage du courage commence très tôt.
Tandis que les filles aident leur maman en portant le petit frère sur le dos, en travaillant dans les champs, en faisant la lessive, même en hiver dans l’eau glacée, les garçons rapportent sur leur dos de lourdes charges.
La Corée est le pays de la simplicité. Comme dans tous les pays du monde, les enfants jouent aux billes et au cerf-volant, et les jeunes gens tirent à l’arc. Mais le jeu national est la balançoire. Une planche posée sur une grosse pierre ou sur un rocher, et voici grands et petits ravis de plaisir. La fête de la balançoire, chaque année, rassemble jeunes et vieux dans la joie.
Ces 30 millions d’hommes se nourrissent de riz cuit à la vapeur et accompagné de navets ou de choux crus confits dans le sel. Mais les pauvres n’ont souvent que du millet ou de l’orge à manger. Et c’est pourquoi la pauvreté accompagne la plupart des Coréens du berceau à la tombe, ainsi que tout un cortège de misères et de maladies, tuberculose et lèpre surtout.
Pour toutes ces qualités et toute cette misère, vous le voyez, Bernadettes, ce peuple est déjà digne d’être aimé. Et bien plus encore maintenant où il connaît les horreurs de la guerre.
Mais il est encore profondément religieux et certains de ses enfants ont versé leur sang pour le Christ.
Voici le drapeau coréen avec sa signification :
Le cercle au centre, appelé « tae guk » représente l’Absolu. À l’intérieur du cercle, les deux parties, l’une rouge, l’autre bleue, peuvent symboliser le « Yang et le e Yin » c’est-à-dire l’homme et la femme, le ciel et la terre, le feu et l’eau, la vie et la mort, l’existence et la non-existence.
Aux quatre coins, les traits noirs continus ou brisés signifient l’opposition et l’équilibre.
Les trois traits continus du coin gauche supérieur représentent le ciel ; les lignes brisées du coin droit inférieur, la terre. Les deux autres représentent respectivement l’eau et le feu.
L’HISTOIRE chrétienne de la Corée commence en l’an 1777. Des livres religieux édités à Pékin franchirent clandestinement la frontière et tombèrent entre les mains de quelques lettrés.
Immédiatement, ceux-ci se mirent en devoir de pratiquer ce que disaient ces livres. Sept ans plus tard, à l’occasion d’une ambassade à Pékin, l’un d’entre eux, Ri, se fit baptiser par l’évêque de la ville, sous le nom de Pierre. Revenu dans son pays, il baptisa à son tour de nombreux Coréens qui dans leur ferveur se choisirent eux-mêmes des prêtres et un évêque. Ceux-ci, cependant, ayant eu quelques doutes sur la légitimité de cet acte, cessèrent spontanément leur ministère et consultèrent l’évêque de Pékin, qui leur montra l’erreur dans laquelle ils étaient tombés de bonne foi et leur envoya un vrai prêtre chinois.
Au cours du XIXe siècle, il y eut plusieurs persécutions sanglantes et des dizaines de milliers de fidèles confessèrent héroïquement leur foi. Parmi eux, un enfant de 13 ans, Pierre Ryou, montra un courage sublime. Il avait reçu 50 coups de verges et on lui avait arraché des lambeaux de chair.
— Seras-tu encore chrétien ? lui demanda le bourreau.
— Ce n’est pas cela qui m’en empêchera, se contenta de répondre le petit martyr au visage transfiguré.
C’est grâce à ce sang généreusement répandu que le catholicisme se développa et, en 1949, en comptait 250 000 fidèles, 4 évêques et 150 prêtres indigènes.
La guerre a rallumé la persécution. Des prêtres, des religieuses et des fidèles ont été massacrés ou emprisonnés.
La prieure du Carmel de Séoul donna un magnifique exemple de courage. On lui offrit de l’évacuer en avion, comme Européenne, au moment de l’invasion de la Corée du Sud.
Elle refusa, préférant rester avec ses religieuses coréennes pour les protéger. Plus tard, celles-ci furent sauvées, mais la Mère généreuse fut emmenée par les communistes dans le Nord et, depuis, on en n’a plus entendu parler.
Bernadettes, priez pour que les souffrances de ces confesseurs de la foi ramènent la paix dans leur patrie désolée. Et devant de telles preuves d’héroïsme, apprenez à supporter un peu plus énergiquement vos petites souffrances. Que sont-elles, en effet, devant celles des Coréens ?
La Corée, a‑t-on dit, est actuellement un pays où deux armées jouent une partie de rugby. Les adversaires avancent et reculent tour à tour. Ce petit jeu s’est renouvelé plusieurs fois. Quand elles sont fatiguées, les
équipes entreprennent des conversations d’armistice, mais elles ne s’entendent pas, et la guerre continue, pour le malheur des Coréens ! Voici quelques images de cette « partie » :
25 juin 1950. — Des milliers d’habitants : vieillards, femmes, enfants, fuient vers le Sud devant l’avance des troupes nordistes, le dos chargé de vivres et de linge, qu’ils perdent peu à peu tout le long de la route.
Septembre-octobre. — Retour des évacués à la suite de l’avance des troupes sudistes et des Nations Unies, dans leurs villages, qu’ils trouvent incendiés, détruits par les bombardements ou pillés.
Novembre. — Nouvelle avance des Nordistes, nouvel exode vers le Sud en plein hiver, à travers fleuves, rivières et rizières glacés. Trois millions de civils périssent de froid et de faim. 70 000 enfants errent sans parents, sans secours, sans gîte. On ouvre des orphelinats, qui en recueillent bientôt plus de 100 000.
Un intrépide missionnaire, le P. Collard, a crié au monde entier la détresse de la Corée. Bernadettes, est-ce que vous pouvez la soulager ? Oui, certainement, par les seuls moyens pratiques pour vous et qui agiront à distance, n’en doutez pas : la prière et le sacrifice offerts à cette intention.
Vous qui ne manquez de rien, pouvez-vous être tranquilles quand tant d’enfants de votre âge ont faim, ont froid et pleurent ? Et n’ira-t-il pas droit à votre cœur ce geste d’appel d’un petit Coréen sanglotant dans les ruines ?
N. D. É. : Ce texte a été écrit en 1952 dans « le journal préféré des fillettes » : Bernadette↩︎
N. D. É. : C’est ainsi que l’auteur appelle les petites lectrices du journal Bernadette↩︎
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